Suite à l'annulation par le Conseil constitutionnel du scrutin de juin 2017, les élections législatives pour (ré)élire un député sur la 5e circonscription des Français de l'étranger (Espagne, Portugal, Andorre, Monaco) auront lieu les 8 et 22 avril. Nous avons sollicité l'ensemble des candidats afin, sur cette courte campagne, de les présenter à notre lectorat.
Maman de deux petites filles, Samantha Cazebonne est l’ancienne proviseure du Lycée de Palma dont elle a repris les commandes à son arrivée en Espagne en 2014. Diplômée en économie, droit et gestion des entreprises complété d’un Master en management il y a quelques années, elle a décidé de rejoindre le parti d’Emmanuel Macron et s’est présentée pour la première fois en juin 2017 à un scrutin électoral. Arrivée en tête du second tour avec un score de 66,21%, elle a rejoint les bancs de l’Assemblée Nationale comme de nombreux autres députés La République en Marche issus de la société civile. La décision du Conseil constitutionnel a mis fin à son mandat de député le 2 février dernier.
Lepetitjournal.com/Valence : Comment avez-vous vécu la décision du Conseil Constitutionnel, 7 mois avoir été élue Députée des Français de l’étranger pour la 5e circonscription ?
Samantha Cazebonne : Je l’ai vécue d’une manière assez violente puisque je m’étais tellement engagée dans mon travail que j’en avais même oublié le recours. Lorsque l’on vit quotidiennement à l’Assemblée nationale, il y a énormément de choses à faire et je passais mon temps à essayer d’avoir l’influence nécessaire pour représenter et défendre correctement "ma" circonscription. La décision est ce qu’elle est, et je l’accepte car elle s’impose, mais je dois dire que j’étais dans une telle dynamique que ce fut une réelle surprise, d’autant que rien dans la décision ne m’était reproché. Maintenant sur un plan plus émotionnel, imaginez quelqu’un qui travaille d’arrache-pied et à qui l’on annonce du jour au lendemain que tous ses efforts sont réduits à zéro. Je pense que n’importe lequel de vos lecteurs peut se mettre cinq minutes dans ma peau et imaginer ce que j’ai vécu à ce moment-là. C’est un peu comme si le monde s’écroulait.
Pourriez-vous nous résumer ce que vous avez fait pendant les 7 mois qui se sont écoulés depuis les élections ?
Bien sûr et avec plaisir. Je me suis tellement investie que je suis ravie que vous rendiez hommage à mon travail à travers cette question, parce que je n’ai jamais ménagé mes efforts. J’ai passé beaucoup de temps à Paris à me faire une place. Lorsque l’on est issu de la société civile comme c’est mon cas, nous n’avons pas tous les codes, il faut se les approprier et cela prend du temps.
Je siège à la Commission des affaires étrangères, une commission très influente pour les Français de l’étranger puisqu’elle contrôle, entre autres, le budget des bourses scolaires. J’ai réussi à intégrer le Conseil d’administration de l’AEFE, où il n’y a qu’un siège pour les députés des Français de l’étranger. J’ai réussi à intégrer la Commission nationale des bourses (CNB), domaine qui est le mien et où je souhaitais pouvoir m’imposer comme une référence. Beaucoup de travail pour occuper des places d’influence, faire bouger les choses et faire entendre la voix de la 5e circonscription.
Je tiens à souligner également le travail réalisé avec mes collègues députés des Français de l’étranger. Nous sommes très complémentaires, chacun dans notre domaine, et partageons tout pour apporter justement notre expertise et prendre des décisions de manière concertée.
En plus de tout cela, j’ai travaillé sur d’autres sujets comme l’alimentation durable, dans la restauration collective publique française. Cela permettait de répondre à plusieurs problématiques rencontrées par nos concitoyens. C’était un sujet très important. Pareil pour le bio à l’étranger. Dans le cadre de ce projet de loi pour l’Alimentation, le bio va s’imposer dans les cantines scolaires en France et nous étions en train de le proposer pour nos établissements français de l’étranger. J’ai également enclenché des initiatives dans le cadre de la protection du vivant et du respect de la condition animale.
Je travaillais aussi dans le cadre du groupe d’amitié parlementaire France-Portugal pour mettre en relation parlementaires portugais, chefs d’entreprises et acteurs publics pour apprendre à nous connaître et mieux travailler ensemble durant ces 5 années. La présidence d’un groupe d’amitié parlementaire est un poste extrêmement convoité, mais j’ai réussi à l’obtenir, malgré de nombreuses candidatures.
En parallèle j’ai évidemment suivi des dossiers très importants sur la fiscalité qui est un sujet très sensible. Une décision malheureuse de l’administration qui n’aurait pas dû concerner les Français de l’étranger les a impactés. C’est le travail des députés des Français de l’étranger de la majorité qui a permis de faire suspendre puis annuler ce décret. C’est grâce à notre influence au sein de la majorité que nous avons réussi collectivement à faire comprendre que ce décret était injuste pour nos concitoyens. C’est à cela aussi que sert un député : avoir de l’influence.
Et puis il y a tout ce travail de lien entre la France et la circonscription, entre autres avec les Chambres de Commerce, afin de promouvoir l’influence française et de créer du lien entre nos concitoyens. C’est aussi à cela que sert un député : à mettre les gens et les entreprises en synergie. C’était important et c’était aussi mon travail.
Vous l’avez évoqué, l’une des principales actualités depuis juin dernier, c’est la suppression de 33 millions d’euros du budget de l’AEFE. C’est bien entendu le sujet qui revient chez les Français de l’étranger. Où vous situez-vous dans ce dossier ?
Comme tout le monde le sait, ces 33 millions, ce n’est pas l’AEFE. Ces 33 millions, c’est un effort demandé à tous les Français. A notre arrivée, nous nous sommes aperçus, à travers le rapport de la Cour des comptes, qu’il y avait un budget qui ne correspondait pas à celui qui aurait dû l’être. Pour pouvoir coller aux attentes de l’Europe et passer sous les 3% de déficit autorisé, il a fallu que chaque ministère fasse un effort budgétaire. L’effort demandé pour le ministère des Affaires étrangères était de 286 millions d’euros. Chaque service de ce ministère a ainsi pris sa part. C’est douloureux et on peut le regretter parce que nous aurions préféré trouver une situation différente à notre arrivée, mais c’est un effort national qui a été demandé à tous nos concitoyens, un effort ponctuel, sur une année. Les Français de l’étranger ont envoyé un message fort, ils ont alerté les ministres Jean-Yves Le Drian, Jean-Baptiste Lemoine et Jean-Michel Blanquer qui ont reçu cet appel et m’ont confié une mission interministérielle pour repenser l’avenir de ce réseau en maintenant et en augmentant le budget de l’AEFE mais surtout en lui donnant un avenir pérenne.
La réalité c’est que ces 33 millions auraient dû être absorbés par la trésorerie. Malheureusement la trésorerie n’était pas celle attendue. Donc aujourd’hui, le constat c’est que nous ne pouvons plus ponctionner sur les réserves puisqu’il n’y en a plus, à force d’années de déficits. Aussi, soit nous condamnons ce modèle, soit nous le réformons. Mais finalement ces 33 millions ont mis à jour un certain nombre de problématiques pour lesquels les ministres souhaitaient que je porte un regard pour aider à trouver des solutions. Mon approche était très pragmatique : elle était dans la logique de mon mouvement, de mon engagement, et elle était citoyenne. Chacun allait recevoir un questionnaire et une possibilité de s’exprimer de manière individuelle, parent d’élève, personnel, élu, élève, chacun dans son domaine de compétence. Ce sont les acteurs de terrain qui doivent aider à faire comprendre au plan national la situation qui est la nôtre. Si je ne repars pas le 22 avril 2018 à l’Assemblée nationale, la 5e circonscription, et même au-delà, les parents d’élèves et les enseignants n’auront plus la possibilité de contribuer à cette réforme et à cet avenir. Ils seront inaudibles. C’est un fait que tout le monde peut vérifier. Cette mission tombera, et l’AEFE rendra seule ses conclusions sans avoir consulté la base.
Les 9 mois qui se sont écoulés ont été l’occasion de voir l’évolution de la politique d’Emmanuel Macron. Les dernières élections législatives partielles dans le Val d’Oise ou le Territoire de Belfort, ont été remportées par les Républicains ou de justesse par LREM en Guyane. N’avez-vous pas peur que ces législatives partielles de la 5e circonscription des Français de l’étranger, ne portent plus sur la politique d’Emmanuel Macron que sur les problématiques locales ?
Je n’ai peur que d’une chose : l’abstention. Ce dont je n’ai pas peur, c’est de continuer de porter les idées d’Emmanuel Macron, parce que je sais, je suis persuadée aujourd’hui, pour parler avec nos concitoyens régulièrement, et particulièrement durant cette nouvelle campagne, qu’ils attendent toujours de voir notre pays se réformer. Nous sommes en train de le faire. Mais je le redis, cela se fera avec ou sans la 5e circonscription parce que ce n’est ni le candidat de la France Insoumise, ni le candidat du PS, ni un candidat d’une autre étiquette, qui auront aujourd’hui la possibilité d’influencer les décisions au nom de la 5e circonscription. Les réformes se feront, c’est certain. Sans député de la majorité, la 5e circonscription ne disposera d’aucun pouvoir d’influence sur les décisions.
En fait l’enjeu national n’est pas si présent que ça dans cette campagne. Il n’y aura pas de nouvelles problématiques selon vous ?
Je ne dirais pas cela. Bien sûr que la 5e circonscription doit compter au national. Nous devons absolument convaincre l’Espagne d’investir en France. Nous devons contribuer à améliorer encore les relations France-Espagne, France-Portugal. C’est aussi à cela que sert un député : mettre les acteurs en synergie. C’était mon travail, à travers mon suppléant, Stéphane Vojetta. Dans le cadre d’une de ses missions dont il devait rendre les conclusions en mars, nous devions permettre aux entrepreneurs français, de statut local, d’avoir la possibilité de pouvoir accueillir des VIE pour les aider à se développer. Mais si je ne suis pas là pour poursuivre ce travail, je le redis, personne ne le défendra à ma place puisque, là encore, cette proposition ne pourra être portée que par un élu de la majorité.
Nous nous apprêtions également à faire venir en avril, la Secrétaire d’Etat en charge de l’égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, pour mettre l’accent sur les travaux effectués en la matière aussi bien en France que dans notre circonscription. C’est cela qui m’intéresse en politique : des actes concrets. Beaucoup de gens savent faire des promesses, beaucoup de gens savent se mettre en avant sur des engagements qu’ils ne tiendront pas. D’ailleurs, j’avais décidé d’associer à cette action tous les acteurs engagés en la matière et les conseillers consulaires, dont certains de mes opposants d’ailleurs. Marlène Schiappa et son équipe devait rencontrer des associations espagnoles très intéressées par la démarche de la France. C’est un exemple même du rayonnement de la France. Il y a des choses très intéressantes qui peuvent inspirer l’Espagne et réciproquement.
Vous l’avez dit, le principal risque dans ces élections partielles, c’est la faible participation attendue. Que peut-t-on dire à nos lecteurs pour les inciter à aller voter les 8 et 22 avril ?
Surtout pour ceux qui pourraient penser que la majorité est en place, que les idées d’Emmanuel Macron passeront et se dire « de toute façon ils ont suffisamment de députés » : des députés de France oui, mais des députés des Français de l’étranger non. Si nous perdons un député La REM des Français de l’étranger à l’Assemblée nationale, nous perdrons, je le redis, la possibilité de porter les particularités même de la 5e circonscription et affaiblirons la capacité d’influence collective des députés des Français de l’étranger. Toutes les problématiques rencontrées par nos concitoyens sur le terrain, c’est moi qui les ai portées auprès de ma collègue Anne Genetet qui a pour mission de remettre à plat la fiscalité des Français de l’étranger, notamment afin de garantir l’équité qu’ils sont en droit d’attendre. Qui le fera si je n’y retourne pas ? Autrement dit, c’est à cela aussi que sert d’être représenté par un député de la majorité et c’est pour cela qu’il faut que les gens se déplacent pour aller voter s’ils veulent absolument que leur voix soit entendue auprès de la majorité. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que soit les électeurs se déplacent et nous continuons d’exister, soit les électeurs ne se déplacent pas et il faudra alors admettre d’être représentés par un opposant inaudible.
Aujourd’hui, qu’est-ce qui vous fait repartir en campagne, au-delà de ce que vous avez déjà fait ?
Deux choses : la fierté qui est la mienne d’avoir déjà, contre tout clivage politique, défendu l’ensemble de mes concitoyens, d’avoir travaillé en bonne intelligence et dans une réelle harmonie constructive avec les conseillers consulaires qui ont voulu travailler avec moi et ils sont nombreux. Mais avant tout parce que je sais que personne, personne d’autre que moi, n’aura la possibilité d’ouvrir ce chantier de l’enseignement français à l’étranger. C’est vraiment ce qui m’a fait repartir à l’action parce que je savais que si je n’y retournais pas, ce sont des fonctionnaires qui conduiraient la réforme depuis leur bureau de Paris, sans que la maman, la mère d’élèves que je suis aussi, n’ait voix au chapitre. C’est pour cela, avec cet espoir-là, dans cette optique-là que je me suis engagée pour que les Français de l’étranger en général, et nos concitoyens de la 5e circonscription en particulier, ne soient pas absents du débat.