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Joan Ribó : « Je crois en une Valencia solidaire, juste et honnête »

Joan Ribo Alcade de Valencia Valence en EspagneJoan Ribo Alcade de Valencia Valence en Espagne
Joan Ribó, l'actuel Maire de Valencia et candidat à sa propre succession
Écrit par Shirley SAVY-PUIG
Publié le 17 mai 2019, mis à jour le 17 mai 2019

Le 26 mai prochain auront lieu les élections municipales espagnoles. Un scrutin à un tour unique auquel peuvent participer les étrangers enregistrés dans leur mairie sur les listes électorales. L’issue de ces élections locales déterminera la politique qui sera menée par la coalition majoritaire pour les quatre années à venir. Il nous a semblé important de donner la parole aux candidats. Aujourd’hui, c’est l’actuel Maire de Valencia, Joan Ribó, candidat Compromís (divers gauche) à sa propre succession, qui a répondu à nos questions et s’adresse aux lecteurs francophones de notre journal.

 

Lepetitjournal.com/Valence : Vous avez pris les commandes de la mairie en 2015 après 24 ans de PP et Rita Barbera, quel héritage vous a laissé le PP, quel bilan après ces quatre années au pouvoir ?

Joan Ribó : Eh bien, l'héritage n'était pas très bon : une mairie avec une dette galopante, et une ville avec une réputation de corruption, et avec des quartiers dans un état de négligence dans de nombreux cas. Quatre ans plus tard, j'ai essayé de prendre une nouvelle direction. Pour poursuivre dans cette voie, nous sommes passés d'un pic d'endettement supérieur à 1 milliard d'euros en 2012 à moins de la moitié : 370 millions en 2019. Aujourd'hui, on ne parle plus de Valencia pour la corruption mais pour la solidarité avec l’Aquarius, par exemple, ou parce que les Fallas sont Patrimoine Immatériel de l'Humanité, ou pour l’alimentation durable... Et dans les quartiers, la répartition budgétaire a été plus équitable. Pour vous donner un exemple : dans chaque quartier nous avons ouvert de nouveaux espaces verts.

 

Au cours de ces quatre années, de quoi êtes-vous le plus fier ?

C’est évident pour moi : qu’aucune famille à Valencia ne subisse de coupure d’eau ou d’électricité parce qu'elle ne peut payer ses factures à la fin du mois. Nous avons mis en place un "Plan de Choque" (plan de choc) contre la pauvreté et ce fut l'une des premières mesures. Les services sociaux certifient la situation précaire d'une famille et des négociations sont menées avec les fournisseurs pour éviter de refuser à quiconque une ressource aussi fondamentale que l'eau ou l'électricité à domicile.

 

Je veux une Valencia où personne n'est jugé sur la couleur de sa peau, où deux personnes peuvent s'aimer sans crainte, où nous acceptons que la diversité des opinions nous enrichisse en tant que société.

 

Bien que l'Espagne ait été l'un des seuls pays européens à ne pas avoir de partis politiques d'extrême droite, l'ombre de Vox plane sur toutes les élections et le résultat des élections générales du 28 avril dernier. Un candidat Vox à la tête d'une ville espagnole comme Valence, est-ce possible selon vous ?

Valencia est une ville ouverte, respectueuse de la diversité et plurielle. Il est important que nous défendions les principes démocratiques, pas comme quelque chose de théorique, mais dans nos rues. Je veux une Valencia où personne n'est jugé sur la couleur de sa peau, où deux personnes peuvent s'aimer sans crainte, où nous acceptons que la diversité des opinions nous enrichisse en tant que société. C'est pourquoi je pense qu'il est important de voter le 26 mai afin que nous puissions toutes et tous marcher vers l'avenir et que personne ne puisse nous ramener dans le passé.

 

Joan Ribó avec un chat

 

Ces dernières années, surtout depuis l'America's Cup, Valencia semble s'être ouverte aux étrangers, qu’ils soient touristes ou expatriés : est-il important d'avoir une diversité, un mélange culturel dans une ville comme Valencia ?

Valencia est une ville historiquement ouverte sur l'extérieur. C'est pourquoi, déjà au XVe siècle, notre port était la porte d'entrée de nouveaux courants de pensée et d'art. C'est pourquoi notre tempérament est accueillant par nature. Les gens qui viennent à Valencia sont une opportunité : parce qu'ils nous donnent une vision du monde qui nous enrichit aussi, ils nous font réfléchir sur la manière dont nous faisons les choses, ils aident le dynamisme économique de la ville et ils nous transmettent leur propre culture.

 

Il faut prendre soin de la singularité de nos quartiers pour que l'hospitalité de nos voisins avec les touristes ne se perde jamais.

 

L'arrivée d'étrangers à Valence a également entraîné une hausse des prix. Que faire face à ce phénomène de gentrification ?

Je ne pense pas que ce soit l'arrivée d'étrangers qui en soit la cause. Il s'agit plutôt d'un phénomène qui touche de nombreuses villes européennes : l'activité des appartements touristiques aux mains de grandes entreprises. Il faut faire la différence entre le particulier qui loue son appartement pour un mois par an et qui ne cause généralement pas de dégâts importants, et les grandes entreprises (parfois liées à des fonds vautours) qui achètent des immeubles entiers pour les convertir en appartements touristiques. Cela augmente le prix des loyers et de nombreuses familles peuvent être expulsées de leur propre quartier. Ma proposition est de limiter les appartements touristiques qui sont aux mains de ces grandes entreprises, qui ne génèrent pas de richesses pour la ville, mais sont une source de nuisances pour les voisins et font de nos quartiers une sorte de parc à thème pour les touristes. Il faut prendre soin de la singularité de nos quartiers pour que l'hospitalité de nos voisins avec les touristes ne se perde jamais.

 

J'ai l'intention de rouvrir dans les prochains mois l'ancienne station maritime qui sera transformée en un espace d'innovation dédié à la biotechnologie.

 

Que doit faire Valencia pour ne pas devenir comme Barcelone ? En d'autres termes, quel modèle économique durable serait le plus approprié pour Valence et ses citoyens ?

Mon modèle de ville est basé sur l'économie circulaire et l'économie du savoir. Durant ces 4 dernières années en tant que Maire, j'ai promu le pôle d'innovation de la Marina de Valencia, un espace dédié à la mer qui, paradoxalement, était jusqu'alors un désert. La création de nouvelles entreprises dédiées à l'innovation nous a montré que nous pouvons devenir une ville à l'avant-garde de cette économie de la connaissance liée aux nouvelles technologies. En fait, j'ai l'intention de rouvrir dans les prochains mois l'ancienne station maritime qui sera transformée en un espace d'innovation dédié à la biotechnologie, ainsi que la Base 5 de la Marina qui sera également partiellement dédiée à l'innovation tout en étant un espace culturel pour les citoyens.

 

Quel est le problème des Valenciens avec les pistes cyclables ? Si la prochaine municipalité met de côté les changements de mode de transport, ne vous semble-t-il pas que la ville ferait un pas en arrière au niveau européen ? 

Le problème pour les Valenciens n'est pas avec les pistes cyclables mais avec la pollution. Il est de ma responsabilité en tant que Maire d'évoluer vers un modèle de ville saine, comme le font les villes les plus avancées d'Europe. C'est pourquoi la mobilité durable, fondée sur la marche, les transports publics et les systèmes de mobilité non polluants, est si importante. Remarquez, au cours de la dernière décennie, selon l'Observatoire de la santé, 93.000 personnes sont mortes en Espagne, victimes de maladies liées à la pollution dans les villes. La santé d'abord. De plus, le changement climatique n'est plus une théorie : c'est une réalité à laquelle nous devons faire face avec des politiques courageuses. Valencia ne peut être laissée pour compte, ni en matière de santé, ni en matière de durabilité.

 

Je crois en une Valencia qui est solidaire, qui est juste, qui est honnête et qui s'efforce chaque jour de s'améliorer.

 

Chaque personnalité politique a une histoire, une rencontre dans sa vie, quelque chose qui la motive à s'investir dans la politique, à se lancer dans la campagne électorale : quelle est la vôtre ? Qu’est-ce qui vous meut ? 

La solidarité est la tendresse des peuples, et je crois en une Valencia qui est solidaire, qui est juste, qui est honnête et qui s'efforce chaque jour de s'améliorer. Sortir dans la rue et voir le vendeur de fruits soulever avec effort le volet de son magasin tous les jours, voir à quel point les jeunes sont occupés à passer leurs examens, marcher dans le parc et voir les grands-parents s'occuper de leurs petits-enfants pour qu'ils aient un avenir prospère... ce sont ces détails de la vie qui font dire que cela vaut la peine de travailler pour cette ville.

 

Joan Ribó

 

Comment encourager les étrangers à voter aux élections municipales du 26 mai ?

Je leur dirais simplement ceci : Valencia est votre maison. Cette ville vous aime et vous respecte. Et cette ville mérite que vous vous y impliquiez : que vous passiez du temps à connaître les propositions de chaque parti politique ou de chaque candidat à la mairie afin de choisir parmi ceux qui vous séduisent le plus. Bien sûr, pour ma part, je pense que Compromís est la force qui nous fait avancer vers l'avenir afin que personne ne nous ramène vers le passé.

 

Un maire devrait différencier les lieux et les moments consacrés à la foi des lieux et des moments politiques.

 

Certains critiquent votre absence lors d'actes religieux et par conséquent, de ne pas défendre la culture valencienne : un maire doit-il être dans une église ?

Comme je respecte les croyances religieuses, je crois qu'un maire devrait différencier les lieux et les moments consacrés à la foi des lieux et des moments politiques. C'est pourquoi je ne présiderai pas une messe ou une procession religieuse en tant que maire parce que ce n'est pas le rôle d'un politicien, mais d'un chef spirituel, que ce soit un aumônier, un imam ou un rabbin. Bien sûr, je partage avec mes administrés de nombreuses traditions de la culture valencienne liées à la religion, comme le Corpus Christi, mais je ne préside pas les liturgies ou les processions. Cela doit rester dans l'intimité de la croyance de chacun. 

 

Quatre années de mandature suffisent-elles pour réaliser un programme électoral ? En France par exemple, la durée du mandat municipal est de six ans et deux années supplémentaires changent beaucoup de choses.

Votre approche est très intéressante. Je ne pense pas que quatre ans soient suffisants, mais je pense également que huit ans sont suffisants. Les projets politiques ont une grande portée et, en quatre ans, il n’y que le temps de les étudier et de commencer à les mettre en œuvre ; c'est dans les quatre années suivantes qu'ils pourront être réalisés. C'est ce que j'ai l'intention de faire si les citoyens valident ma candidature comme Maire de la ville de Valence.

 

Pour terminer cette interview, Joan Ribó s'est adressé en français : "Cela fait longtemps que je n’ai pas parlé le Français, mais j’espère vôtre bonheur dans cette ville de Valence qui est déjà votre ville. Merci d’avoir joint votre vie à la nôtre."
 

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