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Pere Fuset – Rencontre avec le Président de la Junta Central Fallera

Pere Fuset nous a accueilli dans son bureau de la mairie de ValenciaPere Fuset nous a accueilli dans son bureau de la mairie de Valencia
© LPJV
Écrit par Shirley SAVY-PUIG
Publié le 31 janvier 2019, mis à jour le 31 janvier 2019

Il n’est pas possible de parler des Fallas sans évoquer Pere Fuset. Depuis 2015, il est le président de la Junta Central Fallera, comité organisateur de ces fêtes valenciennes spectaculaires. En charge de la Concejalia de Cultura Festiva mais également porte-parole du parti Compromís, à la tête de la municipalité valencienne depuis les dernières élections, il incarne le visage d’un renouveau politique local. Avant d’entamer la Semana Grande, temps fort des Fallas, il nous a accordé un entretien exclusif dans lequel il évoque son avenir politique, sa vision de la ville et bien entendu, l’importance économique et sociale des Fallas.

 

Lepetitjournal Valence : Pouvez-vous expliquer à nos lecteurs le rôle de la Junta Central Fallera ?

Pere Fuset : La Junta Central Fallera est un organisme municipal autonome. Il dépend de la Mairie mais c’est une administration de participation citoyenne : toutes les décisions sont prises à travers le tissu associatif, à savoir les Commissions Falleras. Ce sont celles qui organisent la fête des Fallas avec leurs moyens et des subventions attribuées par la municipalité

La Junta Central a-t-elle en charge d’autres événements ?

Non. La Junta Central s’occupe exclusivement des Fallas. Ensuite, il y la Concejalía de Cultura Festiva (NDLR : organisme en charge de la vie culturelle de la ville) qui se consacre aussi bien aux Fallas qu’à d’autres fêtes locales. A Valencia, plus de 80 fêtes sont organisées toute l’année.

Vous êtes devenu le Président de la Junta Central, en 2015, à l’âge de 32 ans. C’est relativement jeune. Comment cela s’est-il passé ?

Effectivement, je suis le plus jeune président de l’histoire de la Junta Central. Il me faut lutter contre des préjugés qui viennent de personnes plus âgées, avec plus d’expérience, qui pensent tout savoir de cette fête et qui ne voient pas d’un bon œil un jeune qui arrive avec des idées nouvelles ou une autre vision. Mais je pense qu’il faut valoriser la fraîcheur de la jeunesse. Je revendique ma génération comme une génération qui a beaucoup à apporter.

Je revendique ma génération comme une génération qui a beaucoup à apporter. 

Existe-t-il une dimension politique dans votre poste ?

Oui car je suis conseiller municipal et élu par l’équipe municipale pour diriger la Concejalía de Cultura Festiva ainsi que la Junta Central Fallera. Les Falleros ont pu exprimer leur souhait d’être dirigé ou non par un politique, mais ils ont toujours voulu laisser la présidence à un politique

Pere Fuset et les falleras mayores de Valencia lors de l'inauguration de l'exposition del ninot 2018
Pere Fuset et les Falleras Mayores de Valencia lors de l'inauguration de l'Exposition del Ninot 2018

 

Quel est l’apport des Fallas pour Valencia ?

Les Fallas sont un moteur social pour la ville : elles aident à relier des milliers d’habitants à travers la ville. C’est également un moteur culturel important puisque les Fallas existent bien au-delà de la simple Semana Grande. Ce sont des associations qui aident à la promotion de la culture valencienne. Bien évidemment, les Fallas sont un moteur économique essentiel avec d’importantes retombées financières durant toute l’année. Elles ne sont pas seulement liées à l’hôtellerie et au tourisme mais à la photographie, aux fleuristes, aux coiffeurs, aux salles des fêtes, à l’alimentation, aux costumes traditionnels, à la pyrotechnie, etc. L’Art Fallero permet d’énormes retombées financières et nous, l’équipe municipale, nous souhaitons les mesurer grâce à une étude de l’impact social, économique et touristique en utilisant une méthodologie scientifique.

Les Fallas sont un moteur économique essentiel avec d’importantes retombées financières durant toute l’année.

Il n’y a jamais eu d’études à ce sujet ?

Si, il y a bien eu une étude économique mais sans réels moyens. Nous allons vraisemblablement travailler avec l’Université de Valence et des économistes et des professionnels pour avoir les données les plus réelles possibles.

Les Fallas ont une dimension familiale pour les Valenciens. Comment expliquez-vous cela ?

Une des raisons pour laquelle les Fallas ont été déclarées Patrimoine Immatériel de l’Humanité par l’UNESCO il y a un an, fût justement celle de la transmission intergénérationnelle. Dans les Casals, il existe une véritable diversité des profils, aussi bien en termes d’âge, de formation ou d’idéologie, qui cohabitent ensemble. C’est cette pluralité, cette diversité des Fallas qui en fait sa principale valeur. Les Fallas font partie de l’identité valencienne du dernier siècle. Elles ont permis de construire notre identité. Mais les Fallas ont également été servi comme outil politique, spécialement par la droite qui les a vu comme un instrument pour construire son discours politique. C’est un problème car si les Fallas sont inscrites au Patrimoine de l’Humanité, c’est parce qu’elles appartiennent avant tout à tous les Valenciens et ce quelle que soit leur idéologie. Les Fallas sont universelles et nous ne pouvons pas nous permettre qu’elles deviennent un outil de clivage social.

Les Fallas sont universelles et nous ne pouvons pas nous permettre qu’elles deviennent un outil de clivage social.

Beaucoup de francophones nous demande de leur définir les Fallas. Pourriez-vous, en quelques mots, nous expliquer ce que sont les Fallas ?

Le nom de la fête vient du monument Fallero, une œuvre éphémère qui utilise la satire pour parler de l’actualité sociale, politique ou d’autres thèmes, et que l’on va brûler. C’est l’origine des Fallas et l’épicentre de la fête. A partir de là se sont créées des commissions Falleras, des associations de voisins qui font la fête lors des Fallas. Mais ces commissions organisent aussi d’autres événements durant le reste de l’année. Les Fallas sont un ensemble de choses et, comme le dit la campagne de cette année, « Somos Tradición, Arte, Cultura, Musica y Polovora ». Et depuis un an, nous sommes également le patrimoine.

Les affiches des fallas 2018
Les affiches des fallas 2018 (Photo©Junta Central Fallera)

 

Pour les non valenciens, les expatriés, s’inscrire dans un Casal Faller est-il un bon moyen d’intégration ?

Les Fallas ont toujours joué un rôle important pour l’intégration dans la ville et dans la société valencienne, spécialement dans les années 60 quand Valencia a connu une vague d’immigration venant de l’intérieur de l’Espagne. D’un point de vue international, on ne parle pas de chiffres aussi grands, mais si quelqu’un veut s’intégrer à Valencia, je lui recommande de faire partie d’une Falla.

Si quelqu’un veut s’intégrer à Valencia, je lui recommande de faire partie d’une Falla.

Vous qui avez fait des études de sociologie …

Je n’ai pas encore fini mon cursus, j’ai dû abandonner pour des raisons personnelles.

… pourriez-vous nous décrire les Valenciens ?

Nous les Valenciens, nous sommes pluriels et différents. Les généralisations sont toujours injustes et caricaturales mais si on devait étiqueter les Valenciens, je dirais que nous sommes des travailleurs … mais qui œuvrent pour faire la fête ! Il y a cette envie de joie de vivre, d’hédonisme, de bons vivants, c’est ce qui donne sens à la vie des Valenciens. Et si l’on caricature encore plus, je dirais que nous sommes des fanfarons !

Il y a cette envie de joie de vivre, d’hédonisme, de bons vivants, c’est ce qui donne sens à la vie des Valenciens.

Après la présidence de la Junta Central, avez-vous d’autres aspirations, comme terminer vos études ?

Oui par exemple ou passer le permis de conduire (rires) ! Bon, je me suis présenté à des primaires mais je prendrai la décision de continuer en politique et j’accepterai la charge que l’équipe du gouvernement me donnera. Je vois au jour le jour et la décision dépend de mes collègues du parti. J’aime travailler pour ma ville.

Pensez-vous à la Mairie de Valencia ?

J’aimerais continuer à travailler à la Mairie.

Comme Maire ?

Non. C’est un commentaire qui revient régulièrement dans les journaux mais je n’ai pas cette aspiration. Je préfère plutôt encourager Joan Ribó à poursuivre dans sa fonction de Maire.

Rocio Gil entourée de Joan Ribo (gauche) et Pere Fuset (droite)
Rocio Gil entourée de Joan Ribo (gauche) et Pere Fuset (droite)

 

Depuis la crise, comment avez-vous vu évoluer Valencia ?

Dorénavant, on arrive à mettre Valencia sur une carte … mais pas pour de bonnes raisons, pour la corruption. De grands événements ont été créés. Ils ont ruiné la ville et sont associés à la corruption. Mais cela ne représente en rien les Valenciens. Lors des dernières élections, les Valenciens ont manifesté leur envie de changement. Un gouvernement local progressiste et de réincarnation démocratique a vu le jour et travaille désormais pour changer le modèle de la ville. Nous partons de petites choses, de ce qui concerne le quotidien de tous à ce qui touche au bien-être social et à la qualité de vie. Ce n’est pas un travail facile car nous étions habitués à la mégalomanie et nous avons dû faire face à une grande dette. Mais avec de la bonté et une bonne gestion, nous arrivons à relever la tête. Nous avons un excédent budgétaire de 60 millions et nous voulons que le gouvernement central de Mariano Rajoy nous permette de le réinvestir dans le bien-être et la qualité de vie des citoyens. Je pense que le changement pour les valenciens est une suite de petits changements mis bout à bout.

Valencia est très à la mode grâce, entre autres, au travail de la municipalité, de l’Office du tourisme et de la Generalitat.

C’est ce que l’on dit, mais je pense qu’il faut pouvoir placer Valencia dans le monde telle quelle est, sans rien ajouter. Offrir une Valencia centrée sur sa culture, où les Fallas et les fêtes jouent un rôle important, où l’alimentation saine et durable est essentielle puisque nous avons été capitale de l’alimentation, mais aussi centrée sur notre environnement avec la Huerta ou l’Albufera. C’est formidable que le monde connaisse Valencia, il était temps, mais il faut que cela reste une opportunité et non pas un problème comme cela peut être le cas avec le tourisme de masse.

Vous évoquez le tourisme de masse, et justement, beaucoup d’investisseurs étrangers, notamment français, achètent des appartements pour en faire des locations touristiques. Comment envisagez-vous cette problématique ?

C’est un sujet complexe qui demande une régulation qui va au-delà des municipalités. De notre côté, nous sommes en train de travailler sur ce sujet mais il faut le faire aussi au niveau de l’Etat espagnol. Le défi est de faire de ce nouveau modèle une opportunité et non pas un problème. Il doit être compatible avec la vie des quartiers et ne pas les gentrifier. Les touristes qui arrivent deviennent des citoyens durant quelques jours et il nous faut une stratégie pour équilibrer leur présence et en faire une force et non un problème.

Les touristes qui arrivent deviennent des citoyens durant quelques jours et il nous faut une stratégie pour équilibrer leur présence et en faire une force et non un problème.

Quelle est votre vision de Valencia, quels sont vos quartiers ?

Pour moi c’est la Valencia des places et des rues, celle de Ruzafa, du Carmen, mais aussi celle d’un coucher de soleil à la Albufera ou d’une ballade en vélo dans le Rio Turia. C’est une des choses qui surprend le plus à Valencia, cette ancienne rivière transformée en jardin grâce à un mouvement citoyen alors qu’à l’époque, le franquisme voulait en faire une autoroute. Je suis fier de cet espace mais aussi de ce que ce parc du Turia propose. J’aime beaucoup notre capacité créative et les petites choses qui font que cette ville a beaucoup de charme.

Revenons aux Fallas. Vous êtes sans aucun doutes, l’une des personnalités les plus caricaturées. Qu’est-ce que cela vous fait de vous voir autant croqué comme Ninot ?

(Rires). Un Ninot, c’est de la satire, de la critique. C’est donc une sensation douce et amère à la fois. Etre victime de la satire et de la critique, qu’elle soit juste ou non, c’est un honneur ! Mais cette année je crois que j’ai battu un record : je dois être le personnage le plus représenté. C’est étrange de se voir brûler mais c’est un honneur et un plaisir. Il y a des politiques qui paient pour être représenter en Ninot car cela signifie que vous êtes connu et mis en avant. Après chacun le voit comme il veut.

Pere Fuset et son prédécesseur à la présidence de la junta central fallera, Enrique Crespo
Pere Fuset et son prédécesseur à la présidence de la junta central fallera, Enrique Crespo

 

Y a-t-il un Ninot que vous avez préféré ?

Oui, ceux avec lesquelles je suis d’accord sur la critique. Il y en a un où je suis transformé en ananas (piña) parce que c’est une phrase que je dis souvent « hacer piña » (NDLR : l’expression hacer piña signifie « ensemble nous pouvons ») et la satire en a fait une piñata. Je suis celui qui prend les coups des branches les plus conservatrices des Fallas car malgré la réalité de la bonne gestion de ces fêtes, on me dit toujours que je vais les saboter.

Je suis celui qui prend les coups des branches les plus conservatrices des Fallas car malgré la réalité de la bonne gestion de ces fêtes, on me dit toujours que je vais les saboter.

Il y en a un autre où je suis représenté comme un roi sur un trône et je dis « Si voy, porque voy ? Si voy porque no voy ? Si hago, porque hago ? Si hago porque no hago ? » (« Si j’y vais, pourquoi y vais-je ? Si j’y vais, pourquoi n’y vais-je pas ? Si je le fais, pourquoi le fais-je ? Si je le fais, pourquoi je ne le fais pas ? ») et c’est une manière ironique de dire que je serai toujours soumis à la critique permanente, que les fêtes sont très importantes pour la ville et que c’est quelque chose de compliqué à gérer.

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