En août 2017, Alexandre Noguera Borel était nommé Consul honoraire de France à Valence. Onze mois après cette nomination, il célébrera officiellement ce samedi, son premier 14 juillet dans ce nouveau rôle qui lui tient à cœur. Quelles sont ses missions, comment s’est déroulée cette première année : autant de questions que je lui ai posées au cours d’un entretien.
C’est dans son bureau de Consul honoraire de France à Valence, situé calle del Cronista Carreres, que Monsieur Alexandre Noguera m’a reçue. Entre deux conférences historiques, un voyage à Madrid et un autre en Chine, il a accepté de répondre à mes questions et de faire le point sur ses premiers mois à la tête d’une agence consulaire qui représente pratiquement 7.000 Français. Imperturbable même quand son assistante entre dans la pièce pour lui faire signer des parapheurs, l’enthousiasme qu’il témoigne pour ce nouveau costume qu’il a revêtu il y a moins d’un an semble être resté le même que lors de sa présentation officielle le 16 octobre dernier.
Lepetitjournal.com/Valence : Vous avez été nommé Consul Honoraire de Valence en août 2017 et présenté officiellement le 16 octobre dernier au Museo L’Iber que vous dirigez. Comment se sont passés ces premiers mois à la tête d'un bureau consulaire qui représente près de 7.000 français ?
Alexandre Noguera : Ces premiers mois se sont très bien passés. Je dois dire que j’ai été très bien accueilli au Consulat Général de Madrid. Etant quelqu’un qui aime bien comprendre comment fonctionnent les choses et dans quel cadre il faut que je travaille, j’ai lu les lois françaises dès mon arrivée ! Je dois remercier Sylvie Playout et Cédric Prieto qui m’ont aidé dans ce sens. Evidemment, les connaissances essentielles de mon poste ne peuvent pas s'inscrire dans des manuels et c'est à travers des conversations, grâce à leurs expériences et à tout le personnel que j'ai pu rencontrer à Madrid que j’ai appris. A Valence, j’ai pu compter sur l’aide de Marie-Isabelle Puchades qui travaille depuis de longues années ici, au consulat et qui m'a accompagné pour savoir comment fonctionne au jour le jour une agence consulaire, puisque nous ne sommes pas un consulat général. J’ai également appris à travailler avec les consuls des autres pays. C’est un monde que je méconnaissais totalement.
Quelques temps après ma prise de fonctions, nous avons cessé d'émettre les cartes nationales d'identité. L’introduction de nouvelles cartes d’identité et de passeports biométriques nécessite un matériel et des appareils que nous n’avons pas. J’ai donc dû faire face au mécontentement tout à fait compréhensible de certaines personnes. Souvent, les gens ne peuvent pas se déplacer et il est donc logique qu’ils soient fâchés, mais malheureusement pour le moment c’est à Madrid qu’il faut les faire ou les refaire. Cependant, une tournée consulaire organisée du 7 au 9 février dernier, a permis à beaucoup de Français de Valence de satisfaire leurs besoins administratifs et nous en aurons d’autres à nouveau dans le futur. J’ai beaucoup appris avec cette tournée consulaire et j’ai pu constater l’efficacité de nos services.
Par ailleurs, nous avons souffert d’une baisse importante de nos budgets, pas seulement à Valence mais dans toutes les agences consulaires du monde. Il faut apprendre à faire plus avec moins, mais je pense que l’on peut y arriver.
Mais le domaine dont je me suis le plus occupé, ce sont les affaires sociales. Je pense que c'est dans ce secteur que nous avons le plus besoin des consuls et surtout des services locaux. C’est sur ce point que nous pouvons faire la différence parce qu’il y a une plus grande proximité du Consul honoraire sur les provinces de la région : on rencontre des personnes en difficultés, des cas concrets. L'ambassade fait beaucoup de déplacements aussi, il y a une réelle proximité, mais elle ne peut pas être partout et surtout il y a un décalage temporel. Quand le Consul honoraire est là, pour les cas d’urgence, il peut être plus accessible.
C'est très joli d'aller à des cocktails mais c’est bien plus important de dédier son temps à ces personnes en difficulté afin que l’Etat français puisse les aider!
Quels sont les cas d’urgence que vous avez rencontré par exemple ?
Je ne peux pas trop rentrer dans les détails parce que cela doit rester anonyme, mais ce sont surtout des problèmes de détournements d’enfants ou des problèmes qui relèvent de la psychiatrie avec lesquels il faut agir avec la famille pour une prise en charge ou un placement. Il y a également des affaires de délinquance pour lesquels les prévenus font valoir le droit à l’assistance consulaire. Il y a le cas aussi d’enfants qui doivent passer sous la tutelle de l'assistance sociale française. Il faut alors travailler conjointement avec les juges espagnols et français. Ce sont des cas très malheureux, très délicats mais c'est justement là que l'État français doit être le plus présent possible pour aider les plus démunis ou les plus fragiles comme les enfants. C'est très joli d'aller à des cocktails mais c’est bien plus important de dédier son temps à ces personnes en difficulté afin que l’Etat français puisse les aider !
Pouvons-nous résumer les missions d’un Consul honoraire pour nos lecteurs ?
Il y a l’aspect social dont je viens de vous parler avec également les commissions pour les bourses qui sont très importantes. Il y a bien entendu les missions protocolaires. Je suis notamment un intermédiaire entre les responsables politiques français qui viennent à Valence et les différentes personnalités valenciennes, qu’elles soient politiques ou non.
De même, du point de vue économique, je suis également un intermédiaire auprès de la Chambre franco-espagnole de Commerce et d’Industrie, la Chambre de Commerce de Valence et des investisseurs ou des entreprises françaises qui chercheraient des acheteurs, des clients, des partenaires dans un projet en particulier. Je travaillais déjà avec la Chambre de Commerce de Valence depuis longtemps et je connaissais beaucoup de membres et sociétés de l’AVE, Asociación de Empresarios Valencianos.
Pour résumer, les missions d’un Consul honoraire serait de l’ordre du social, de l’administratif, du politique ou diplomatique et au niveau local, de l’économique. Ce serait les quatre piliers sur lesquels je travaille.
Comment s’organise une semaine type ou une journée type d’un Consul honoraire ?
C’est assez fou : je dois changer de sujet, de casquette sans arrêt ! J'enchaîne les rendez-vous, les réunions à Madrid, les préparations de mes conférences, les conseils d’administration tout en pensant comptabilité ou macro-économie. Je change beaucoup et je dois apprendre à être très flexible dans mes activités et mon travail. Je passe d'activités culturelles à des activités de gestion ou même manuelles avec les soldats en plombs, à des activités purement administratives et mener des conférences publiques. C’est difficile mais je pense que c'est une gymnastique mentale très utile qui permet de rester jeune ! (rires)
Peut-on rappeler que les missions consulaires qui vous ont été confiées, le sont à titres complètement bénévole ? C’est une casquette supplémentaire que vous assumez, mais qui n’est pas rémunérée.
Oui, totalement ! Je fais tout cela de façon bénévole parce que je pense que c’est une action utile à la France mais surtout aux Français.
La communauté française est beaucoup plus hétérogène mais surtout s'ouvre plus à la communauté locale.
Quel serait le profil des Français et Françaises de Valence et Castellón qui dépendent de votre agence consulaire ?
Je pense qu’il est en train de changer : il y avait une communauté éducative qui s’était développée autour du Lycée et de l'Institut français. Ensuite, il y a eu une forte communauté de personnes âgées qui venaient passer leur retraite ici. Elle était surtout située près des villes et villages de la côte comme Cullera et Gandia par exemple. Maintenant je vois qu'il existe une communauté plus jeune avec entre autres des entrepreneurs, des personnes qui viennent créer des entreprises ou qui ont déjà des sociétés qu’ils établissent ici. Ce sont des personnes avec une grande mobilité très souvent. Parfois, ils s’installent à Barcelone, puis ils viennent ici pendant quelques temps et s’ils voient que cela ne marche pas, ils s’en vont ailleurs. Dans la communauté éducative, nous avons aussi beaucoup d’étudiants français qui viennent à l’Université et qui repartent. Parfois ils restent. C’est un kaléidoscope très varié et c’est intéressant car la communauté française est beaucoup plus hétérogène mais surtout s'ouvre plus à la communauté locale. Elle s’intéresse à la culture, souhaite faire des connaissances, apprendre l'espagnol et sourire au reste des habitants de Valence, Espagnols et étrangers.
Selon les chiffres officiels, il y aurait de moins en moins de Français inscrits sur les listes consulaires de Valence alors que de plus en plus de Français viennent vivre dans la région.
C’est malheureusement vrai, notamment à cause du fait que qu’il y a une plus grande mobilité. Les Français qui s’installent ici ne savent pas s'ils vont rester donc ils ne s’inscrivent pas sur les listes. D’un autre côté, du fait qu’ils ne puissent pas faire leur passeport ou leur carte d’identité à l’agence consulaire, ils ne s’inscrivent pas, et c’est dommage. Je souhaite simplement transmettre le message qu’il n'y a pas que pour faire des papiers qu’il est important de s'inscrire. Nous l'avons vu lors de l'attentat Barcelone l'été dernier, pouvoir localiser les Français nous aide à les secourir. Mais même sans en arriver à cette situation, pour une série de démarches et les questions sociales, le fait d'être inscrit nous permet de les aider, c’est le cas pour les bourses notamment. Je veux donc encourager les Français à s'inscrire.
Que les Français soient assurés que s’ils en ont besoin, ils ont un Consulat honoraire et un Consulat général qui les aidera.
Ce début d’année 2018 a été marqué par l’annulation des législatives de notre circonscription. De nouvelles élections ont dû être organisées au mois d'avril. Comment se sont-elles déroulées à Valence ?
Elles se sont très bien déroulées, dans le calme, comme toute journée électorale doit se passer. Cela m’a permis de rencontrer des gens, d’avoir un contact direct avec eux, même si j’aurais aimé que les gens viennent plus nombreux. Malheureusement, il y a eu un taux d’abstention très élevé d'autant plus que beaucoup de Français ne sont pas inscrits sur la liste électorale consulaire. Il est vrai que quand ce genre d’élections se déroulent en parallèle des présidentielles, le taux de participation est plus fort. Etant donné que c'était une répétition, il n’y a pas eu autant d’engouement. Après les quatre tours électoraux de l’année dernière, il y avait peut-être aussi un sentiment de lassitude.
Quel est le bilan de cette première année en tant que Consul honoraire ? J’imagine qu’il est positif.
J’aurais aimé faire plus ... J'ai un travail qui est très accaparant mais j'ai redoublé mes efforts pour pouvoir travailler à la fois comme Consul honoraire et Directeur de la Fondation et du Musée de L’Iber. J'ai essayé, j'aurais aimé faire plus et j’ai fait ce que j’ai pu. Si je dois faire mon bilan, je dirais que ce fut une année dédiée à l’apprentissage. Là, je pense que je vais prendre ma vitesse de croisière.
A la veille du 14 juillet, avez-vous un message à transmettre à nos compatriotes ?
Que nous sommes là ! Je sais que beaucoup téléphonent ici et comme il n'y a pas suffisamment de personnes pour répondre aux nombreux appels, nous faisons tout ce que nous pouvons avec les moyens dont nous disposons. Nous priorisons surtout ceux qui en ont le plus besoin. Mais nous sommes là ainsi que le Consulat Général à Madrid. Que les Français soient assurés que s’ils en ont besoin, ils ont un Consulat honoraire et un Consulat général qui les aidera.
Quels sont les projets, les ambitions du bureau consulaire de Valence ? Il était question d’un déménagement je crois …
Nous n'avons pas pu déménager faute de budget. Nous aimerions déjà pouvoir maintenir le niveau d'exigence, de qualité que nous avons eu dans le passé avec moins de budget. Peu à peu, Madrid prends-le pas sur les agences consulaires, cela se centralise de plus en plus. Nous espérons pouvoir aider le plus possible et mon but, c'est de continuer dans les quatre lignes que j'ai évoquées auparavant : aider les Français et les entreprises françaises dans le domaine économique, dans le social, que je priorise particulièrement et continuer dans l’administratif où nous avons des compétences. Enfin, d’un point de vue diplomatique local, continuer de représenter la France quand on demandera notre aide.
Diriez-vous que votre rôle de Consul honoraire vous a rapproché de la France ?
Je pense que j'en étais déjà très proche. Je vais en France tous les ans, j’ai un groupe WhatsApp avec tous mes cousins et mes tantes avec lequel nous correspondons tous les jours. Je lis en français, c’est très habituel d'ailleurs car je préfère lire et écrire en français et j'ai fait toute ma scolarité en français.
Mais être Consul honoraire m'a permis de découvrir un autre aspect de la France. Je ne connaissais l’administration française que du point de vue usager, aussi, j’ai pu voir comment cela se passe de l’autre côté. C’est très intéressant et j’adore apprendre !