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Japon : élections à la chambre des conseillers

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Natsuo Yamaguchi président du Kômeitô ("parti du gouvernement éclairé") le 11 juillet à la station de Funabori (Tokyo, Edogawa-ku)
Écrit par Théophile Blondy
Publié le 17 juillet 2019, mis à jour le 21 juillet 2019

Carnets (d’une drôle) de campagne... Le 21 juillet prochain se tiendront au Japon les élections de la chambre des conseillers qui verront se renouveler la moitié des sièges de l’assemblée (dans trois ans pour l’autre moitié). Un système qui n’est pas des plus simples car il mélange scrutin proportionnel et majoritaire (respectivement deux et trois cinquièmes des sièges disponibles) : la campagne est donc à la fois nationale et locale. Force est de reconnaître que le Japon ne risque pas un grand bouleversement de son échiquier politique. Plusieurs observateurs font d’ailleurs valoir que la recomposition du cabinet ministériel qui devrait suivre est au moins aussi importante si ce n’est plus, sur le plan de la politique stricto sensu. 


Cependant, et c’est peut-être là un effet de sa moindre envergure, la campagne qui bat son plein foisonne d’initiatives originales : les premières élections de l’ère Reiwa suscitent un intérêt inversement proportionnel au crédit que l’on était disposé à leur accorder. « C’est une élection hors du commun » a estimé Yoshimasa Nohara, candidat du Shinsengumi dans l’arrondissement de Tokyo, faisant écho au sentiment général. Cet emballement pourtant ne saurait faire oublier les règles de l’art, un certain nombre d’habitudes bien ancrées, pas plus qu’il ne porte préjudice à cette candeur, cet esprit presque « bon enfant » qui caractérise les manifestations politiques japonaises.

 

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Yamamoto Tarô, président du Reiwa Shinsengumi à Shinjuku (sortie Ouest) le 13 juillet

 


Des rencontres à ciel ouvert

Comme les forains, la vie des politiciens japonais en campagne dépend de leur camion. Plus qu’un simple moyen de locomotion celui-ci constitue aussi leur base opérationnelle et souvent la scène d’où ils vont faire leur discours. En effet, il n’y a pas de « meetings » au Japon. Ou plutôt, ceux-ci se déroulent en plein air et directement dans la rue, le plus souvent aux abords d’une gare et à l’aide d’une logistique minimaliste.
 

« Discours de rue » (街頭演説 - gaitou enzetsu) si l’on traduit l’appellation consacrée, le terme de « meeting » n’est pas inintéressant puisque les passants, desquels on n’a pas demandé l’avis, sont susceptibles à n’importe quel moment de croiser le chemin de l’un de ces groupes et éventuellement de s’y joindre. L’objectif majeur des bénévoles est d’ailleurs d’attirer l’attention des badauds sur le groupe et son candidat. Pour cette raison, ils se dispersent un peu partout dans la foule, crient à intervalles réguliers le nom du speaker, parfois associé à celui du parti et s'efforcent de créer de l'animation. Animation au demeurant largement assurée par les candidats qui n’hésitent pas à s’époumoner et monter dans les aigus.

 

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Natsuo Yamaguchin président du Kômeitô ("parti du gouvernement éclairé") le 11 juillet à la station de Funabori (Tokyo, Edogawa-ku)


 

Une héraldique colorée


Comme les supporters des équipes de sport les bénévoles adoptent un code couleur précis. Chaque parti en a un. Les partis traditionnels et solidement établis dans la vie politique se partagent les nuances de bleu pendant que ceux qui se réclament d’une certaine nouveauté ou de rupture choisissent des couleurs plus vives. Cette répartition est particulièrement visible sur les panneaux d’affichage municipaux de l’arrondissement de Tokyo. Ce n’est pas un hasard si le parti anti-establishment Reiwa Shinsengumi a opté pour le rose. Un parti, une couleur, un clan pourrait-on dire en grossissant à peine le trait.

 

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Un des nombreux tableaux pour les élections




Et, bien entendu, la bataille se joue aussi sur les réseaux : on trouve sur le site du Shinsengumi un lien pour les utilisateurs de Twitter générant sur leur compte un message de soutien et le partage d’une vidéo courte du fondateur Taro Yamamoto. L’initiative s’intitule sobrement « Inondons Twitter de Yamamoto Taro » : symbole qui rappelle le rôle crucial de la visibilité dans un pays si peu politique.

 

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Bénévole au "meeting" du parti Reiwa Shinsengumi à la station de Shinagawa (sortie Est) le 12 juillet
 


 

Un pays où l’on ne se « défie pas (encore) de ses représentants »


Ces rencontres ne s’éternisent pas, il est rare qu’elles durent plus d’une heure et les candidats profitent d’être en ville pour en faire plusieurs dans la même journée. Pourtant, malgré un laps de temps plutôt court la parole n’est pas monopolisée par un seul candidat : ses colistiers, le candidat de l’arrondissement, le président du parti et même des membres issus de la société civile sont amenés à se partager le perchoir du camion.


Il se dégage de l’ensemble une impression d’horizontalité entre les spectateurs et les orateurs ; ni les uns ni les autres ne sont en effet avares de marques de respect et d’affection : les applaudissements répondent aux courbettes et vice-versa. On n’applaudit pas les bons mots mais l’effort et l’abnégation des candidats qui sont disposés à s’aventurer dans un monde si obscur, autant que pour marquer son assentiment. De son côté l'orateur insiste avec emphase sur le quotidien des gens, leur demande de bien vouloir lui prêter leur énergie et ne manque jamais de s’incliner bien bas. 

 

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Supporter du parti Reiwa Shinsengumi à Shinagawa le 13 juillet dont la pancarte indique "Non à la base militaire américaine d'Henoko" et le chapeau "abolition des lois guerrières"




Toutefois, ces élections ont le douteux privilège d’être les premières où l’on recense des cas de violence verbales et même physiques (lorsque des femmes ont fait mine de filmer des agitateurs lors d’un meeting du parti libéral-démocrate, ceux-ci leur ont arraché et cassé leur téléphone). Il semblerait que certains militants qui se contentaient d’exprimer leur mécontentement au sein de leur propre parti aient pris l’initiative de perturber les réunions des autres, pratique qui reste largement très mal vue. Les deux partis de loin les plus touchés sont les partis de gouvernement (libéral-démocrate et démocrate constitutionnel), ce qui s’explique très bien dans le cadre de leur antagonisme chaque jour plus fort avec les partis d’opposition.



La politique : un sport de seniors


Comme les vélos électriques et les crises de colère intempestives, la politique au Japon est l’apanage du troisième âge. C’est particulièrement évident lors des élections de la chambre des conseillers et pendant ces « discours de rue ». Il est particulièrement peu fréquent de croiser des visages juvéniles parmi les spectateurs. S’il est en revanche moins rare d’en trouver parmi les bénévoles, il est une catégorie qui reste surreprésentée dans leur effectif : les souriantes et sympathiques grands-mères japonaises. Toujours prête à répondre aux questions et discuter avec les curieux, le rôle de distribution (flyers, t-shirts, éventails aux couleurs du parti…) et de démarchage le plus actif leur est aussi souvent dévolu là où les hommes ont tendance à s’occuper des aspects techniques (prise de vue, de son…) et de la criée. 

 

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Echange entre une famille et une bénévole du parti démocrate constitutionnel pendant le "meeting" de Yamagishi Issei, candidat du parti à l'arrondissement de Tokyo, à la gare de Nishi-Ogikubo (sortie Nord) le 13 juillet



A la gare de Nishi-Okûbo ce 13 juillet la sortie nord était occupée par Issei Yamagishi, candidat du parti démocrate constitutionnel pour la circonscription de Tokyo, qui n’attirait qu’une modeste audience. La sortie sud était quant à elle occupée par un groupe de quatre femmes, représentant huit arrondissements de Tokyo à l’initiative d’une campagne de sensibilisation aux enjeux du vote et de l’abstention, destinée particulièrement aux descendants d’immigrés coréens et aux jeunes, nombreux à ne pas s’intéresser à la chose politique. Toutes les quatre ont l’âge d’être grand-mère. 
 

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