Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 2

Japon : Fukushima et la flamme olympique en 2020

tokyo 2020 fukushimatokyo 2020 fukushima
Écrit par Michael Amerigo
Publié le 29 septembre 2019, mis à jour le 30 septembre 2019

Les yeux du monde entier seront tournés vers le Japon en 2020 avec la tenue des Jeux Olympiques et Paralympiques à Tokyo. Des milliers d'athlètes du monde entier viendront alors dans la compétition pour tenter de ramener une précieuse médaille dans leur pays. Et si les Jeux Olympiques de Tokyo en 1964 ont complètement transformé le Japon, ceux de 2020 s'annoncent comme une formidable vitrine de ce qu'est et de ce que veut être le Japon. La qualité exceptionnelle des infrastructures japonaises devrait également faire de ces jeux les plus innovants de l'Histoire. L'engouement des Japonais, leur envie de toujours se dépasser et de montrer au monde leurs valeurs, alliés à une qualité d'accueil irréprochable et à un positivisme à toute épreuve, malgré les difficiles épreuves qu'il a eu à souffrir tout au long de son Histoire, feront de ces 32èmes Jeux Olympiques d'été un très grand spectacle que des millions de personnes de par le monde pourront apprécier.


La désignation "Paralympiques" ayant été utilisée pour la première fois en 1964, Tokyo sera aussi la première ville à accueillir pour la seconde fois des jeux adaptés aux athlètes handicapés  avec les 16èmes Jeux Paralympiques de l'Histoire. Le sport possède ce pouvoir de changer le monde et le futur. C'est ce que ces JO veulent encore démontrer grâce aux performances des athlètes et à l'état d'esprit olympique qui devraient faire de ce rendez-vous toujours très attendu un moment inoubliable. Formidable témoignage pour les générations futures, les Jeux Olympiques et Paralympiques de Tokyo seront aussi, pour la région du Tohoku qui a grandement souffert de la catastrophe de 2011 et qui accueillera deux rendez-vous d'importance, les jeux de la Reconstruction. Et à l'occasion d'un voyage de presse organisé par "Tokyo Metropolitan Governement" dans les trois préfectures du Tohoku frappées par le tsunami de 2011, nous avons eu l'occasion de nous déplacer dans la préfecture de Fukushima pour visiter une énorme installation sportive qui réceptionnera un grand événement et qui sera bientôt, le temps de quelques heures au moins, le centre du monde sportif et olympique.

 

tokyo 2020

 


Les Jeux Olympiques 2020 en quelques chiffres
 

- Du Vendredi 24 Juillet au Dimanche 9 Août 2020
- 33 sports représentés
- 11090 athlètes
- 339 médailles d'or à distribuer
- Nouveaux sports olympiques : Karate, Skateboarding, Escalade, Surf et Baseball/Softball
- Nombre de sites sélectionnés : 43, dont certains ont déjà été utilisés lors des JO de 1964
- Le Stade olympique, d'une capacité de 68000 places (plus de 80 000 avec l'ajout de siège temporaires), est le nouveau stade national de Tokyo, construit depuis 2016 sur les bases du stade national qui était déjà le stade principal des Jeux de 1964.
 

Les Jeux Paralympiques 2020 en quelques chiffres
 

- Du Mardi 25 août au Dimanche 6 Septembre 2020
- 22 sports représentés
- 4400 athlètes
- 540 médailles d'or à distribuer
- Nouveaux sports paralympiques : Taekwando et Badminton

 

j-village fukushima japon

 


Le symbole de la flamme olympique
 

C'est le 7 septembre 2013 que la ville de Tokyo a été choisie par le comité international olympique pour accueillir les Jeux Olympiques et Paralympiques de 2020. Deux ans et demi après la catastrophe qui a frappé la région du Tohoku et de manière générale le Japon, cette annonce pouvait faire office de symbole et de grande opportunité en vue d'une meilleure reconstruction des zones sinistrées. En termes de symboles d'ailleurs, ces jeux olympiques n'en manqueront pas, à commencer par le premier lieu choisi pour le départ de la torche olympique.

 

fukushima 2020

 


La flamme olympique est une tradition qui se perpétue depuis les Jeux Olympiques d'Amsterdam en 1928. Plusieurs mois avant le début des jeux, la flamme olympique est allumée par les rayons de soleil à Olympie et commence son relais en Grèce, berceau de l'olympisme. Elle traverse ensuite tout le territoire grec avant de s'envoler vers le pays hôte. De là, une succession de coureurs l'acheminent sur plusieurs mois au Stade olympique, lieu des cérémonies d'ouverture et de clôture, où elle restera allumée tout au long de la compétition. "The Flame of Recovery" (qui pourrait être traduite par "la Flamme du Renouveau" ou "Flamme de la Reconstruction") a été dessinée sur le motif d'une fleur de cerisiers, si importante dans la culture japonaise. La couleur de la torche paralympique est d'ailleurs dans les tons rose alors que la torche olympique est plus dorée. Toutes deux ont été fabriquées en partie par de l'aluminium recyclé à 30 % qui avait été utilisé à l'origine pour les maisons préfabriquées ayant accueilli les réfugiés en 2011. Ainsi, c'est le matériel qui a aidé les gens à travers leurs combats et leurs efforts pour reconstruire leur vie qui a été transformé en symbole de paix à travers cette flamme. Cette initiative devrait démontrer au monde comment le progrès s'opère, étape par étape, pour permettre à ces communautés frappées de plein fouet par la catastrophe de se remettre en marche.


La torche, une fois parvenue sur les terres japonaises, parcourra ses 47 préfectures dans un relais de quatre mois qui débutera le 26 mars 2020 (du 13 au 25 août 2020 pour le relais de la flamme paralympique), aux premiers jours d'éclosion des sakura. Le concept du relais repose sur une image universelle : "Hope Lights Our Way", qui peut se traduire par "L'Espoir Eclaire Notre Chemin". Ce sera l'occasion de montrer au monde la richesse culturelle et scénique du Japon, à travers notamment des sites historiques inscrits au patrimoine mondial de l'Humanité. Pour rejoindre encore l'idée de renouveau et pour exprimer le respect envers les populations démunies qui ont dû travailler dur depuis 2011 pour se relever, la flamme sera présentée deux jours chacune, du 20 au 25 mars, dans les préfectures touchées par la catastrophe, Miyagi, Iwate et Fukushima. Et, toujours en accord avec l'importance mise sur ces jeux en tant que "Jeux de la Reconstruction", le départ du relais sera un endroit symbolique au nom de J-Village !

 

tokyo 2020 fukushima


 


Le J-Village, lieu de départ du relais de la flamme olympique
 

Situé dans la préfecture de Fukushima, à un peu plus de 100 kilomètres de la ville de Fukushima, le J-Village est le premier centre national d'entraînement de Football à avoir ouvert au Japon, en 1997. Il a été construit par la multinationale japonaise TEPCO (Tokyo Electric Power Company) et donné à la préfecture de Fukushima. Le centre de 49 hectares a été utilisé en préparation de coupes du monde ou de jeux olympiques par l'équipe nationale de Rugby et les équipes nationales de Football, masculines comme féminines. L'équipe d'Argentine en avait aussi fait son camp d'entraînement pendant la Coupe du Monde de Football organisée en 2002 au Japon et en Corée du Sud, et des équipes de la J-League (le championnat de Football japonais) ou de niveau inférieur sont également venus fouler ses 11 terrains. Mais sa localisation, à une vingtaine de kilomètres de la centrale nucléaire de Fukushima Dai-ichi, lui a donné, au lendemain de la catastrophe, une nouvelle dimension. En effet, le centre, situé à plus de 40 mètres du niveau de la mer, a été épargné par le tsunami et, à l'inverse des routes de ses environs, n'a eu à souffrir que de légers dommages liés au séisme. Il a ainsi été réquisitionné par TEPCO, propriétaire de la centrale, pour pouvoir être utilisé comme centre opérationnel et base pour les opérations de nettoyage et de sécurisation des installations nucléaires. Les installations sportives ont, elles, été fermées au public et les terrains de Football ont été utilisés comme parking pour le personnel de TEPCO. Des bâtiments préfabriqués construits dessus ont également servi aux différentes équipes pour se reposer, se laver, changer d'équipements...

 

tokyo 2020 fukushima

 


Avec le choix de Tokyo pour accueillir les JO en 2020, le projet de reconstruction du J-Village a aussi été enclenché. Mais ce n'est qu'en juillet 2018 qu'une partie du centre a été réouverte au public. Et il aura fallu attendre avril 2019 pour qu'il retrouve tout son sens originel, et le sport sa place, quand il a pu finalement réouvrir entièrement au public. Une gare, la J-Village Station, a également été construite au même moment, partie de la JR Joban Line, pour en faciliter l'accès. Véritable fierté nationale autant que symbole de la reconstruction de Fukushima, il accueille à nouveau les sportifs qui souhaitent s'entraîner dans un environnement tout entier dédié au Football. Ouvert aux sportifs de tout âge, il offre, grâce notamment à son impressionnant dôme (terrain couvert) construit après sa réouverture, son hôtel de 200 chambres, son restaurant, sa salle de fitness, ses salles de réunion et sa piscine, un environnement idéal pour la pratique du Football et d'autres sports (rugby, athlétisme, football américain...). Lors de notre visite du J-Village au début du mois d'août, le complexe montrait le visage d'un site totalement opérationnel. Difficile de s'imaginer les dizaines de voitures et préfabriqués reposant sur les pelouses, ainsi que toute cette végétation qui avait repris ses droits et recouvert certains terrains avant la réouverture. Au lieu de cela, le bâtiment central était envahi de jeunes footballeurs excités d'être à cet endroit et prêts à aller s'entraîner sur l'un des terrains du centre.


Adresse : 979-0513 Fukushima, Futaba District, Naraha, Yamadaoka, Utsukushimori-8
Site Internet (en japonais) : http://j-village.jp/. Pour avoir des informations sur le J-Village, faire des réservations et avoir accès à une constante remise à jour du niveau de radiations enregistré sur le centre.
Pamphlet en anglais : https://www.j-village.jp/img/English_pamphlet_opt.pdf

 

tokyo 2020 fukushima

 


La question de la sécurité
 

Fukushima a également été choisie pour accueillir un autre événement lié aux Jeux Olympiques. Avant même la cérémonie d'ouverture, le premier match de la compétition de Softball se jouera au "Fukushima Azuma Baseball Stadium", marquant ainsi le grand retour de ce sport (et du Baseball, si important au Pays du Soleil Levant) dans la compétition olympique.
 

Mais au-dessus de ces deux événements, la question qu'il est légitime de se poser concernant ces sites proches de la centrale nucléaire Dai-ichi, à l'origine de la catastrophe nucléaire de 2011, est celle de la sécurité pour les athlètes et les spectateurs. A la suite du grand séisme de magnitude 9 du 11 mars 2011, le plus important que le Japon n'ait jamais connu et le cinquième plus intense qu'ait connu l'humanité, un tsunami dévastateur a ravagé plusieurs centaines de kilomètres du littoral japonais et s'est engouffré jusqu'à 10 kilomètres à l'intérieur des terres, provoquant la mort de plus de 4 000 personnes dans la seule préfecture de Fukushima (près de 20 000 au niveau national). A ces deux catastrophes naturelles, une troisième, d'origine humaine celle-là, allait plus durablement s'implanter. La centrale de Fukushima Dai-ichi, conçue pour résister à une vague de 5 mètres de haut, a gravement été endommagée par celle provoqué par le tremblement de terre, trois fois plus haute.

 

tokyo 2020 fukushima

 


Le tsunami a eu des répercussions immédiates sur la centrale avec de graves incidents au niveau de ses six réacteurs, la propagation de radioéléments dans l'atmosphère, un taux de radiation des sols anormalement élevé et l'évacuation d'environ 160 000 personnes dans le secteur. Le monde entier, encore marqué par ce qui s'était passé à Tchernobyl en 1986, a vécu pendant les jours qui ont suivi dans la crainte d'une grande catastrophe. Après de nombreux efforts des employés de la centrale, souvent au péril de leur vie, le pire a été évité et la catastrophe a été enrayée. Et après plusieurs mois de combat journalier (même si la décontamination complète du site devrait durer encore plusieurs dizaines d'années), les restrictions qui avaient été imposées pour la plupart de ces zones touchées ont fini par être progressivement levées.


Aujourd'hui, le Gouvernement encourage encore les personnes déplacées, évaluées à plus de 40 000 dans la zone, à retourner chez eux. Néanmoins, bien que les inquiétudes à propos de l'impact à long terme de cette catastrophe d'envergure sont toujours présentes, à l'intérieur comme à l'extérieur du pays, les autorités se montrent rassurantes sur la situation actuelle. Et à en regarder les chiffres enregistrés, en-dehors de la zone d'exclusion, qui se situe dans le périmètre immédiat de la centrale, la décontamination est complète, les taux de radiation de toute la région du Tohoku sont retombés à un niveau normal et la sécurité du public est assurée. Les sites choisis pour accueillir ces deux grands rendez-vous des Jeux Olympiques de Tokyo 2020 (d'autres matchs se disputeront par la suite au "Fukushima Azuma Baseball Stadium") ne présentent pas de problèmes particuliers et public comme athlètes devraient les jours venus vivre l'événement dans la joie et la sécurité optimales.

 

tokyo 2020 fukushima

 


Le 26 mars 2020, le monde aura les yeux tournés vers Fukushima et le J-Village. Quelques mois plus tard et deux jours avant le début des Jeux Olympiques, ce sera un autre événement qui ramènera Fukushima au centre du monde. Au-delà de la torche olympique et du premier match de Softball de la compétition, ce sera surtout l'image de la reconstruction de la région qui sera mise en avant. Avec la dimension universelle des Jeux Olympiques, un message de premier ordre sera aussi lancé au reste du Japon et du monde : celui de montrer que la région est désormais sûre et que les dangers liés à la catastrophe nucléaire de 2011 n'ont plus lieu d'inquiéter les visiteurs de Fukushima. L'arrivée des Jeux Olympiques dans la région à travers ces deux événements compte certainement pour beaucoup dans le sentiment de reconstruction et de mieux-être de la population locale. C'est ce que nous a expliqué Ayako Masuda, ancienne gardienne de but de l'équipe de Football TEPCO Mareeze, lors de notre visite du J-Village où l'équipe était basée avant la catastrophe, avant d'être dissolue au lendemain de celle-ci. Originaire de la préfecture de Kanazawa, c'est en 2009, alors qu'elle était âgée de 34 ans, qu'elle a pris sa retraite, en restant tout de même impliquée avec son équipe. Après la catastrophe, elle a décidé de rester à Fukushima pour aider les réfugiés et a ainsi contribué, grâce à sa très forte détermination, à la reconstruction de la région. Consciente des problèmes liés à la gestion de la crise par son entreprise, elle n'en demeure pas moins optimiste vis-à-vis de l'avenir. La réouverture du J-Village au public d'abord, qui ne serait peut-être jamais produite sans le choix de Tokyo comme ville hôte des JO, a ramené le sourire, la confiance et le moral aux gens de la région. L'accueil de la torche olympique ensuite conforte encore plus ce sentiment. Elle voit dans le choix de ce lieu qui lui est cher un magnifique symbole et un grand message lancé à l'ensemble de la communauté internationale, sportive et extra-sportive : celui du retour de la région à la normale après des années d'efforts en vue d'une reconstruction optimale.

 

tokyo 2020 fukushima

 


Ces Jeux Olympiques seront donc bien, plus qu'un formidable événement sportif, l'occasion pour Fukushima de prouver au monde que la région se porte bien et qu'elle est en passe de réussir le défi de la Reconstruction qu'elle s'était fixé au lendemain de la catastrophe. C'est la contribution majeure que peuvent apporter les Jeux Olympiques de Tokyo à la région. Si le challenge est relevé et que les gens reviennent en masse au J-Village et plus généralement à Fukushima, cela pourra aider la région à se reconstruire complètement et aura un impact positif sur l'économie locale. Si en plus le centre est utilisé par de grands athlètes, en tant que camp d'entraînement pour les JO par exemple, le monde sera amené à savoir, à travers leurs expériences, que venir à Fukushima est désormais sûr. Ne cachant pas sa fierté de voir le résultat de son travail concrétisé, notamment dans la réouverture du J-Village, l'ex footballeuse a précisé que l'image positive pouvait être ainsi diffusée en masse grâce au Sport. Et avec une aussi grande assise médiatique que celle des Jeux Olympiques, on peut supposer avec elle que le message sera bien reçu de tout le monde.
 

Flash infos

    Pensez aussi à découvrir nos autres éditions

    © lepetitjournal.com 2024