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Les deux événements majeurs dans la préfecture d'Iwate en 2019

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Écrit par Michael Amerigo
Publié le 16 septembre 2019, mis à jour le 16 septembre 2019

Parmi les trois préfectures qui ont été frappées par le tsunami de 2011, survenu à la suite du plus grand tremblement de terre que le Japon n'ait jamais connu, celle d'Iwate a payé un très lourd tribut avec plus de 6000 personnes tuées (ou portées disparues) et 26000 maisons détruites. Les efforts de reconstruction depuis la catastrophe ont été portés à un niveau très important et la côte pacifique de la préfecture, si elle présente encore des cicatrices profondément ancrées, affiche aussi le visage d'un territoire qui veut vivre en totale harmonie avec la Nature.


Tel le Phénix qui renaît de ses cendres, les villes et villages qui ont été ravagés par la vague de 15 mètres se reconstruisent et les habitants survivants, délocalisés à la suite du désastre, reviennent petit à petit. Et grâce à trois événements de grande envergure en 2019, la préfecture d'Iwate affiche le visage du renouveau. Ce sont d'abord deux matchs de la Coupe du Monde de Rugby qui se tiendront à Kamaishi, tandis que, un peu plus au sud, un musée de tsunami ouvrira ses portes à Rikuzentakata. Avec, un peu plus tôt dans l'année, un autre événement lié au transport, 2019 restera une année exceptionnelle pour la préfecture d'Iwate en vue de la Reconstruction. Lors du "Tohoku Media Tour" d'août 2019 organisé par le "Tokyo Metropolitan Government", nous avons pu visiter les sites de ces événements (dont le stade de Kamaishi qui fait l'objet d'un article indépendant) tout en mesurant l'ampleur et l'évolution du chantier entrepris au lendemain de la catastrophe de 2011.

 

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Le  Musée du Grand Tremblement de Terre et du Tsunami

 

Après une première journée passée à Kamaishi pour découvrir ce que représente le rugby dans la région, la deuxième journée du "Tohoku Media Tour" a été consacrée à Rikuzentakata, une des villes qui a le plus souffert du tsunami. Il n'est plus question de sport ici mais bien de culture, et plus précisément de la culture du souvenir. Avec le bus, on nous fait d'abord traverser la "ville" pour rejoindre la côte. Cette traversée de la zone, envahie de bulldozers, de camions de travaux publics et d'hommes en tenue de travail, nous fait passer à côté du bâtiment "Tapic 45", l'ancien centre d'informations de la ville, frappé de plein fouet par la vague et laissé en place volontairement avec les débris pour servir de témoins de la catastrophe. Le maire a décidé de préserver certains sites identiques à celui-ci pour leur valeur symbolique et pour servir de lieu de prières pour les personnes décédées.

 

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Comme à Kamaishi la veille, les images effroyables de la vague pénétrant dans les terres et dévastant tout ce qui se trouve sur son passage reviennent instantanément en tête. Celui qui vient ici pour la première fois réalise que les vidéos diffusées en masse après la catastrophe n'étaient pas des images de fiction mais bien la terrible conséquence du tremblement de terre de magnitude 9 et de la vague gigantesque qu'il a provoqué au large. Là où se dressait ici il y a quelques années une ville dynamique d'environ 24000 habitants (plus de 1700 personnes ont été tuées ou portées disparues) se trouve désormais un énorme chantier, synonyme de reconstruction pour la région. Car ce qui se construit ici servira aux générations futures et au monde entier de souvenir autant que de rappels des forces de la Nature qu'il faut pouvoir, si ce n'est maîtriser, au moins apprendre à affronter de la meilleure façon qu'il soit. La zone à visiter étant encore en travaux, on nous fait porter un casque dès la sortie du bus. L'océan n'est qu'à une vingtaine de mètres de nous mais nous ne le voyons pas. Nous sommes en effet au pied d'un mur de 12 mètres de haut qui a été construit ici au lendemain de la catastrophe pour prévenir d'éventuels tsunamis de même envergure. Des simulations ont été faites à ce sujet et si une vague de 15 mètres devait un jour revenir frapper la ville (un tel tsunami ne se produit que tous les 1000 ans selon les experts), le mur de 12 mètres permettrait de réduire la vague à 6 mètres. De plus, les travaux gigantesques qui s'effectuent en ville ont pour but d'élever le sol et les bâtiments construits dessus de plusieurs mètres, les protégeant ainsi de la vague.

 

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Une fois au sommet de ce mur, la vision est saisissante, que l'on se tourne vers la vallée en chantier, vers l'océan d'où est arrivé le malheur ou tout le long de ce mur très impressionnant de 2000 mètres de long. Le sable de la plage a été effacé par la vague et, comme il faudrait une centaine d'années pour le reconstituer de façon naturelle, c'est une plage artificielle qui a été installée. Entre le mur et la plage, des hommes s'évertuent à planter des arbres. Avant la catastrophe se trouvaient tout le long de la plage une forêt de 70000 pins vieux de 350 ans qui faisait la fierté de la ville et donnait à la plage un aspect boisé magnifique. C'était même un des 100 paysages les plus remarquables du Japon (un des trois spots les plus remarquables du Japon, Matsushima, un archipel constitué d'environ 260 îles couvertes de pins, se trouve d'ailleurs dans la préfecture voisine de Miyagi). Tout cela a disparu et a été littéralement balayé dès le premier impact de la vague. Un seul pin situé un peu en retrait a résisté et n'est miraculeusement pas tombé. Les dommages causés par l'eau de mer ont fini par le faire dépérir un an après mais, avec un renforcement, des traitements et des structures mises en place pour le maintenir debout, le "Miraculous Lone Pine" trône toujours fièrement dans le paysage de Rikuzentakata. C'est autour de ce pin, devenu un symbole d'espoir et de reconstruction, qu'un parc est construit en souvenir des victimes du désastre. Au centre de ce projet se trouve le musée qui fait face à l'océan et qui a pour but de montrer au Japon et au reste du monde ce qu'a été le tsunami dans la ville. Le souvenir n'est pas la seule vocation de cet ensemble puisqu'il transmettra aussi aux générations futures les enseignements à tirer d'une telle catastrophe tout en remerciant les pays et populations qui sont venus en aide au Japon au lendemain du tremblement de terre. La présentation du projet par les responsables nous montre l'ampleur du chantier qui a été imaginé très rapidement après le désastre. Une portion du parc avec le musée, qui portera le nom de "Great East Japan Earthquake and Tsunami Museum", ouvrira le 22 septembre 2019, quelques jours avant le premier des deux matchs de la Coupe du Monde de Rugby à Kamaishi, et sera d'accès libre. Des produits locaux seront également mis en vente ce jour-là pour soutenir l'agriculture locale. Le parc, appelé "Takatamatsubara Memorial Park for Tsunami Disaster", devrait, lui, être entièrement opérationnel au début de l'année 2021.

 

Ouverture du Great East Japan Earthquake and Tsunami Museum : 21 septembre 2019
Ouverture définitive du Takatamatsubara Memorial Park for Tsunami Disaster : début 2021

 

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L'ouverture de la Ligne Rias

 

Pour rejoindre Rikuzentakata au départ de Kamaishi, les organisateurs du "Tohoku Media Tour" nous avaient fait abandonner momentanément notre bus pour pouvoir emprunter un train. A bord d'un wagon magnifiquement décoré façon retro, on découvre vite que la ligne ferrée possède des caractéristiques particulières qui la rendent unique.
 

Sanriku Railways, fondée en 1981 pour opérer le transport en train sur la côte Sanriku, le long de l'Océan Pacifique, est la première compagnie ferroviaire japonaise appartenant au troisième secteur, c'est-à-dire pour moitié publique et pour autre moitié privée. La ligne était divisée en deux sections mises en service le 1er avril 1984. La partie Nord ("Kita Rias Line") faisait 71 kilomètres de long et permettait de relier les villes de Kuji, au nord de la préfecture, à celle de Miyako, au centre. La partie Sud ("Minani Rias Line") reliait Kamaishi à Sakari sur une distance de 36,6 kilomètres. Et entre ces deux lignes se trouvait la "Yamada Line", une voie de chemin de fer opérée par la compagnie publique JR East qui permettait de relier Miyako à Kamaishi, distantes de 55,4 kilomètres.

 

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A la suite du tsunami, de nombreuses voies ferrées, ponts et gares du parcours ont été détruits. Les travaux ont vite été entrepris pour remettre au plus vite les trains en circulation et certaines portions du parcours ont pu être rapidement réouvertes, certaines un mois après la catastrophe, puis progressivement sur les années suivantes jusqu'en juin 2014. Seule la partie centrale de la ligne, la "JR Yamada Line", restait encore à réparer et remettre en service. Des services de bus ont été proposés au public pour remplacer le train mais les communautés locales ont fait pression pour que les services de chemin de fer reprennent. Malgré ses difficultés financières, il a été décidé que Sanriku Railway reprendrait les activités de la section Miyako-Kamaishi, tandis que JR East assumerait les coûts de sa restauration. Le 23 mars 2019, après huit ans d'interruption de ses services, l'ancienne ligne Yamada a ainsi été réouverte, marquant la remise en fonctionnement total de cette voie de chemin de fer, si chère aux habitants de la région pour l'accès aux hôpitaux, aux commerces et aux écoles (beaucoup d'étudiants ont dû abandonner la poursuite de leurs études à cause du manque de transport) qu'elle propose. Sur une distance de 163 kilomètres de Kuji à Sakari, la nouvelle ligne Rias est devenue ce jour-là la plus longue voie ferrée publique-privée du Japon.
 

Parallèlement à cet événement, un transfert des activités de la JR a été opéré vers Sanriku Railways qui, avec les communautés locales, est consciente de l'espoir et de la force que peut apporter sa ligne de chemin de fer dans les consciences, ainsi que de son apport financier. En 2013 déjà, une série télévisée réalisée par la chaîne publique NHK ("Amachan") avait permis de rendre fameuse la Sanriku Railway dans tout le Japon. La diminution de la population locale présente forcément un impact financier pour la compagnie mais ses trains, qui peuvent être vus comme un symbole de la Reconstruction de la région, devaient continuer d'opérer pour ses passagers habituels et également pour les touristes. Des voitures spéciales ont d'ailleurs été construites pour ces derniers grâce à la contribution du Koweï. Pour soutenir les zones ravagées par la catastrophe, le gouvernement koweïtien a fait don de 5 millions de barils de pétrole qui ont ensuite été échangés contre de l'argent puis distribué par l'intermédiaire de La Croix-Rouge japonaise aux trois préfectures touchées par le désastre. Une partie de l'argent qui lui a été reversé a alors été utilisée par la préfecture d'Iwate pour acheter huit nouvelles voitures. Parmi celles-ci, un wagon est équipé d'un intérieur de style japonais avec tatami, un autre est équipé de kotatsu, ces tables avec chauffage intégré et couverture qui permettent aux passagers de se tenir au chaud l'hiver, et celui au style retro raffiné que nous avons emprunté. En reconnaissance pour l'aide apportée par le gouvernement et le peuple koweïtiens, un message en japonais, anglais et arabe est inscrit sur l'aile de ces huit voitures. L'insigne du Koweït est également dessinée à l'avant et à l'arrière de chaque voiture qui opère depuis ce 23 mars 2019 au renouveau de la Ligne Rias, pour le plus grand bonheur des populations locales et des touristes.

 

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Avec aussi le "Sanriku Disaster Prevention Project 2019" qui s'est déroulé du 1er juin au 7 août dans 13 municipalités de la préfecture pour mettre en avant les traditions, la culture et les arts développés dans cette partie du Japon, tout en plaçant Sanriku Railway au centre de toute cette agitation, ou la première visite du bateau de croisière de luxe "Diamond Princess" à Miyako le 25 avril, cet ensemble d'événements placent la préfecture d'Iwate au cœur de l'attention en 2019. Les organisateurs, et les habitants dans un esprit général, souhaitent que le monde comprenne l'importance de la phase de Reconstruction qui est opérée dans la région depuis le 11 mars 2011. Le monde devrait aussi prendre conscience du travail énorme qu'ont fourni tous les habitants pour permettre à leur ville et à la région de se relever. De nouvelles infrastructures, autoroutes, routes, ponts, voies ferrées, élévation du niveau du sol, mur contre le tsunami, nouveaux projets (ILC pour "International Linear Collider", un équipement qui a pour but de résoudre le mystère de la naissance de l'Univers).... sont autant d'éléments qui, mis bout à bout, révèlent la complexité et l'importance du travail accompli. Et qu'il reste encore à accomplir. La région, à l'image de Rikuzentakata, est encore en chantier et tous les problèmes, notamment de relogement ou de retour de la population locale, ne sont pas résolus. Mais le fait que la Reconstruction soit en bonne voie et qu'elle ait si rapidement, et de façon aussi incroyable, abouti à de tels achèvements prouve que le challenge sera relevé. Cela a déjà commencé en partie avec la remise en service de la Ligne Rias et prendra encore plus forme avec l'ouverture du musée du Grand Tremblement de Terre et du Tsunami, suivie des deux matchs de la Coupe du Monde de Rugby. Le but étant aussi d'attirer l'attention du monde sur la région et de l'inciter à venir ou revenir la visiter, pour lui donner une chance de lui montrer ce qui a été construit et achevé dans l'optique de la Reconstruction. Les gens ont fait preuve ici d'une grande volonté pour créer de nouvelles choses, et ces trois événements sont pour eux l'occasion parfaite de montrer au monde jusqu'où cette volonté les a menés. Imaginés pour prendre une part durable dans le développement de la région, ils feront de 2019 une année capitale pour la préfecture d'Iwate.

 

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