Politicienne, aviatrice, actrice, sportive de haut niveau, ou encore entrepreneuse brillante, une multitude de figures féminines ont impacté la société suédoise. En cette journée internationale des droits des femmes, la rédaction vous retrace le parcours de vingt femmes dont l’implication dans leur domaine a été remarquable.
Greta Garbo, La Divine
Classée à la cinquième place du classement féminin des 50 légendes du cinéma par l’American Film Institute, cette femme peut être considérée comme la plus grande actrice suédoise. Véritable mythe du cinéma, l’icône scandinave d’Hollywood a posé son empreinte de façon durable, interpellant les plus grands réalisateurs. À son propos, Federico Fellini dira d’ailleurs qu’elle « fut la fondatrice d'un ordre religieux appelé cinéma ». À travers une image mélangeant élégance et mystère, Greta Garbo a rapidement imposé son talent entre les années 20 et 40. Elle aura tourné pas moins de 32 films en 20 ans de carrière, dans lesquels son duo avec John Gilbert restera célèbre. La légende du cinéma s’éteint à 84 ans en 1990 à New York, après être devenue citoyenne américaine dans les années 50.
Hilma Af Klint, l’art abstrait à la Suédoise
Cette peintre extrêmement douée pour son jeune âge réussit un exploit : être formée à l’Académie suédoise des Beaux-Arts. Une vraie chance pour elle, car à la fin du 19ème siècle, cette prestigieuse école n’accueillait que très peu de femmes. Malgré cette barrière, Hilma Af Klint parvient à briser le plafond de verre, et arrive à vivre de sa passion, la peinture. C’est en respectant un style classique, très conformiste, qu’elle arrive à tirer des revenus. Néanmoins, son réel coup de pinceau s’observe au travers d’un style abstrait, tout à fait innovant pour cette époque. Aujourd’hui, après avoir été redécouvertes, ses œuvres sont entrées dans la postérité. Ses toiles sont exposées dans les musées d’art contemporain du monde entier, comme le Centre Pompidou à Paris (2008), ou plus récemment le musée Solomon R. Guggenheim de New York (2019).
Astrid Lindgren, la maman de Fifi Brindacier
Les enfants ayant grandi dans les années 70 la connaissent forcément. Fifa Brindacier, cette petite fille au fort caractère, remettant en cause l’autorité parentale mais aussi le rapport homme-femme, a vu le jour sous la plume d’Astrid Lindgren. La romancière apparait comme une figure majeure de la littérature pour enfants. Après avoir donné vie à Pippi Långstrump en 1945 (Fifa Brindacier), l’écrivaine créera également Zozo la grosse tête, ainsi que de nombreuses autres histoires, autour d’une jeunesse téméraire et curieuse. Depuis son décès en 2002, il existe désormais deux prix de littérature qui portent son nom. Une manière de commémorer l’œuvre d’une des plus grandes femmes de la littérature nordique.
Camilla Läckberg, le roman policier venu du froid
Littérature toujours avec une jeune romancière considérée comme une des meilleures en Europe. Camilla Läckberg a reçu plusieurs prix pour ses romans à suspens, notamment le fameux Grand prix de littérature policière, récompensant les meilleurs polars policiers français ou étrangers. Elle atteint la sixième place des écrivains de fiction les plus vendus en Europe, faisant la quasi unanimité en France ou en Grande-Bretagne. En Suède, son travail est largement reconnu et apprécié. La télévision suédoise a même adapté ses personnages sur le petit écran en 2011 ; deux ans plus tard, c’est France 3 qui diffuse cette série. Un marqueur d’un succès transfrontière pour une jeune romancière de talent.
Anni-Frid Lyngstad et Agnetha Faltskog, les voix féminines d’ABBA
Dès qu’on parle de musique suédoise, ABBA est sûrement le premier groupe dont le nom ressort. Ce quatuor des années 70-80 a durablement démocratisé le style disco, au travers de hits planétaires, comme Mamma Mia. Mais que serait ABBA sans ses deux chanteuses ? Anni-Frid Lyngstad et Agnetha Faltskog, aujourd’hui âgée de 75 et 70 ans, viennent toutes les deux du monde de la jazz-pop. Malgré une entente radieuse, le groupe se sépare au milieu des années 80. À partir de là, les deux figures féminines de la bande entament des projets solos, plutôt avec succès.
Tove Lo, le nouveau visage de la pop suédoise
Déjà évoquée comme artiste internationale grâce à son tube « Habits (Stay High) » de 2013, la chanteuse de 33 ans se situe dans la lignée du genre pop institué par ABBA des années plus tôt. Le plus souvent, l’interprète jongle entre différents thèmes : amour, sexe, souffrance sentimentale, etc. Sa voix douce et mélancolique se marie parfaitement avec les mélodies choisies, et ce dans ses quatre albums, parus entre 2014 et 2019. Désormais considérée comme une figure majeure de la scène musicale actuelle, Tove Lo connait une pleine popularité outre-Atlantique, ayant été nominée plusieurs fois aux Golden Globes ou aux Grammies, et figurant souvent dans le Billboard Hot 100.
Anja Pärson, la skieuse en or
Retirée du circuit professionnel depuis 2012, Anja Pärson a laissé une trace indélébile dans les annales sportives. La Suédoise de 39 ans est tout simplement considérée comme la meilleure skieuse de l’Histoire. Spécialiste du ski alpin en avance sur son temps, elle remporte son premier succès mondial à 19 ans… avant d’en décrocher 6 autres jusqu’en 2007. Personne ne l’a encore égalé. À côté de ces succès, on peut citer entre autres un titre olympique lors des JO d’hiver de Turin en 2006. Au total, 42 médailles d’or sur des épreuves diverses, du Super G au slalom pour celle qui semblent être née avec des skis aux pieds.
Jonna Sundling, la relève des pistes ?
Récemment médaillée d’or en ski nordique, la sportive de 26 ans est spécialisée dans le sprint. Elle n’a certes pas le palmarès de sa consoeur Anja Pärson, mais sa récente victoire lui valait bien une place au sein de cette liste. Ayant remporté plusieurs titres juniors dans sa jeunesse, sa carrière professionnelle dresse un bilan honorable, qui la place avec certitude comme l’une des meilleures sportives suédoises de la dernière décennie.
Birgit Thuring, la pionnière de l’aviation
L’aviatrice naît en 1912 dans la petite commune d’Idkerberget dans une famille plutôt modeste. Après des études qui la destinaient à une vie de bureau, Birgit rencontre Nils Thuring, un jeune aviateur qui deviendra son futur époux. C’est grâce à lui qu’elle commence à se passionner pour le monde, très masculin à cette période, de l’aviation. Après un tour de l’Europe en avion débuté en 1939, le couple revient en Suède. Dès son retour, Birgit Thuring passe diverses licences. Elle obtiendra d’ailleurs une licence de pilotage commercial, une première pour une femme, qui lui permettra d’exercer des activités de remorquage et de sauvetage jusqu’à la fin de la guerre. Se caractérisant par sa conduite aussi professionnelle qu’irréprochable, cette figure forte aura eu le mérite de favoriser la féminisation d’un monde très hermétique aux femmes jusqu’alors.
Sophie Adlersparre, l’une des figures de la parité
Avec Fredrika Bremer et Rosalie Roos, Sophie Adlersparre a ouvert la voie à la féminisation de la société suédoise. Elle rend légitime le travail journalistique des femmes, au travers de son activité de rédactrice en chef de plusieurs journaux et revues. C’est elle qui fonde le premier magazine féminin de Scandinavie, Home Review, qui permet d’offrir un support papier autour des débats sur le féminisme en Suède. En parallèle, elle lutte pour une plus grande place des femmes dans le monde du travail. On retient sa phrase choc sur ce point « Women need work, and work needs women ». Dans ce but, elle développe des écoles du soir ou des bibliothèques gratuites pour instruire les autres femmes, ainsi que la première organisation de défense de leurs intérêts : la Fredrika Bremer Association.
Greta Thunberg, le militantisme vert
Sa carrière d’écologiste débute à 15 ans seulement. La jeune femme, aujourd’hui âgée de 18 ans, a le statut de figure majeure de la lutte contre le dérèglement climatique. Elle incarne toute une génération, la génération Z, qui se soucie de plus en plus de l’avenir environnemental de la Terre. Après avoir manifesté contre l’inaction de l’État devant le Parlement suédois en 2018, la militante a acquis une notoriété fulgurante en prononçant un discours poignant au siège des Nations Unies, mettant les gouvernants face à leurs responsabilités. Désignée personnalité de l’année 2019 par le magazine Times, la Suédoise a su insuffler une vague de protestations chez la jeunesse du monde entier, et réveille les esprits sur l’urgence à agir pour le climat.
Sofia Kovalevskaïa, la première institutrice de Suède
Originaire de Russie, cette mathématicienne de formation est la première femme professeure à l’Université de Stockholm. En janvier 1884, elle obtient le privilège d’enseigner dans cet établissement, après des années de combat. Bien que sa première classe n’accueille que douze élèves, son talent inné pour les mathématiques lui vaut d’être rapidement admirée par la communauté scientifique européenne. Ses nombreux voyages entre la Russie, l’Angleterre, et la France, développent en elle des connaissances toujours plus grandes, notamment au contact de grands intellectuels comme Darwin, Picard ou Poincaré. Au terme d’une carrière riche, elle se voit décerner le prix de l’Académie des siens de Stockholm, symbole de toute une vie de lutte et de dur travail pour améliorer la place des femmes dans le monde scientifique.
Gun Hägglund, les femmes apparaissent dans le petit écran
Née en 1932, cette journaliste a ouvert la voie aux autres femmes dans le domaine de l’audiovisuel. Première femme à présenter un journal télévisé en Suède en 1958, elle a accompagné la transition vers un monde plus féminisé de la télévision. À côté de cette activité, elle figure aussi parmi les premières traductrices de films et séries du pays. Beaucoup de ses consœurs actuelles la cite comme source d’inspiration professionnelle.
Ingrid Bergman, actrice admirée et controversée
Poids lourd du cinéma des années 40 et 50, Ingrid Bergman est la grâce incarnée. La Stockholmoise connait le succès dans Hantise, pour lequel elle décroche l’Oscar de meilleure actrice. Entre 1945 et 1949, sa vie semble parfaite, elle est l’actrice la mieux rémunérée d’Hollywood, et enchaîne trois tournages sous la direction d’Hitchcock. Mais après être partie faire sa vie avec un metteur en scène italien, le vent tourne pour la Suédoise. Elle est désormais la cible de plusieurs détracteurs, qui poussent à l’évincer des plateaux tournages pendant sept ans. Mais cette mésaventure la forge, et elle revient en 1956 dans le film Anastasia, et décroche un second Oscar de meilleure actrice, une performance incroyable et peu égalée. Pour l’anecdote, cette femme a marqué la pop culture, au point qu’Andy Warhol lui a dédié une série d’œuvres, et que le Festival de Cannes l’a posté sur son affiche lors de la 68ème édition.
Karin Kock-Lindberg, une femme ministre en Suède
Première femme à occuper un poste ministériel en 1947, Karin Kock-Lindberg s’affiche aussi comme première professeure d’économie dans le pays. Elle occupera jusqu’en 1949 deux fonctions différentes au sein du gouvernement, d’une part comme ministre de l’Économie, puis comme ministre de la Fonction publique. Impliquée au sein du parti social-démocrate des travailleurs, elle se retire progressivement de la vie politique pour exercer des fonctions en tant que statisticienne, entre la Suède et les États-Unis, où elle devient membre de la Société américain de statistiques. Son parcours politique, bien que bref, est crucial dans l’ouverture de ce monde aux femmes.
Annika Billström, une femme à la tête de Stockholm
Stockholm est actuellement dirigée par une femme, Anna König Jerlmyr, élue en 2018. Une femme à la tête du pouvoir municipal de la capitale suédoise, un événement devenu presque habituel pour les citoyens. En effet, depuis l’accession à la mairie par Annika Billström en 2002, beaucoup de femmes ont été élues maire. La partisane du groupe des sociaux-démocrates travailleurs a vécu son élection comme un triomphe, une reconnaissance. Un pas de plus des femmes dans la sphère politique ; depuis la « période Billström », trois autres femmes sont devenues maire de Stockholm.
Cecilia Malström, une brillante politicienne européenne
À 52 ans, cette femme peut se vanter d’avoir mené une belle carrière. Figure importante du groupe des Libéraux en Suède, cette ancienne élève de la Sorbonne s’est hissée dans les plus hautes sphères de l’Union européenne. Son parcours politique commence à prendre de l’importance quand elle devient ministre des Affaires de l’Union européenne en 2006 pour la Suède. Ensuite, les décideurs européens s’intéressent un peu pus à elle ; en 2010, elle est ainsi nommée commissaire européenne aux Affaires Intérieures. Elle coordonnera notamment la mise en place de la nouvelle politique de lutte contre le terrorisme de l’Union. En 2014, c’est le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker, alors président de la Commission, qui va la proposer comme commissaire européenne au Commerce. Un choix payant, puisqu’elle réussit à mener à bien des négociations commerciales et économiques avec les États-unis et le Canada. Aujourd’hui, son avenir pourrait se dessiner à la tête de l’OCDE, organisation internationale pour mettre en commun les enjeux économiques.
Isabella Löwengrip, une entrepreneuse aux multiples facettes
Plus connue sous le pseudonyme de Blondinbella, la Suédoise de 30 ans accumule les projets. D’abord influenceuse star dès ses 14 ans, avec la création de son blog sur Internet 2005, Isabella Löwengrip se tourne rapidement vers le monde des affaires. Nommée Business Networker of the Year par le Business Network International en 2010, elle attire une audience toujours plus large, au point de devenir le plus gros blog de Scandinavie. Elle fonde sa première entreprise à seulement 16 ans, puis devient rédactrice en chef pour un magazine, mais également actrice de télévision et présentatrice. Après une période à vide en 2019, sur fond de scandales de trucage d’audience, la puissante dirigeante parvient à redresser la barre.
Lillemor Jakobson, designer et cofondatrice de Babybjörn
Le PetitJournal Stockholm avait rencontré cette femme au parcours inspirant en 2018. En soutenant son mari dans sa reconversion, elle l’aide à fonder ce qui figure de nos jours comme une des plus grandes entreprises d’habillage pour bébé. Comme elle l’avait confié, son chemin professionnel était semé d’embuches, principalement à cause d’une société d’après-guerre très peu sensibilisée sur les questions de parité. Dépasser les préjugés sexistes de l’époque semblait être un vrai défi, presque insurmontable. Pourtant à force de caractère, cette mère de famille et entrepreneuse avant-gardiste a réussi le pari de s’imposer, sans rester dans l’ombre de son mari, pourtant PDG de Babybjörn. Elle se félicite également d’avoir modifié la place du père dans la société, en le sortant du carcan purement masculin, et en faisant ressortir sa douceur en tant que parent.
Helena Helmersson, une femme à la tête d’une entreprise cotée
Anciennement responsable du développement durable de la marque de prêt-à-porter suédoise H&M, Helena Helmersson a été nommée directrice générale du groupe au début de l’année 2020. Une consécration pour la Suédoise, qui est la première femme à occuper de telles fonctions. Cette nomination peut paraitre assez politique, avec la volonté pour H&M de s’afficher comme entreprise pionnière dans l’égalité femme/homme. Néanmoins, c’est une décision qui en dit long sur le chemin parcouru depuis la fin du 19ème siècle, période à laquelle les premiers mouvements sociaux féministes se développent. Ce changement de direction très symbolique souligne de surcroit le travail et l’implication de cette femme d’affaires dans le monde professionnel, et on peut y voir un commencement à la rupture du plafond de verre, au combien dénoncé depuis décennies.