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Délit d’écocide : un défi international pour sauver la planète

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Écrit par Aurélie Billecard
Publié le 1 décembre 2020, mis à jour le 4 décembre 2020

Le « délit d’écocide », visant à sanctionner les atteintes graves à l’environnement et dérivé d’une proposition de la Convention citoyenne pour le climat, est une problématique internationale. Cette année, la première Alliance parlementaire internationale a été créée pour la reconnaissance mondiale de l’écocide, et a pour objectif de l’inclure dans le Statut de Rome pour qu’il relève de la Cour pénale internationale.

Selon la Convention citoyenne pour le climat, un écocide se définit comme « toute action ayant causé un dommage écologique grave en participant au dépassement manifeste et non-négligeable des limites planétaires, commise en connaissance des conséquences qui allaient en résulter et qui ne pouvaient être ignorées ». Le terme fut utilisé pour la première fois en 1970 par le biologiste Arthur W. Galston, à propos de l’Agent orange, un puissant défoliant destiné à détruire la forêt, utilisé par l’armée américaine au Vietnam. Depuis cet événement, de nombreuses personnes veulent sanctionner les atteintes les plus graves à l’environnement et d’adopter un « accord international pour bannir l’écocide ».

 

Des géants mettant en danger l’environnement

Le délit d’écocide vise en particulier les sociétés multinationales, exploitant des ressources sans envisager leurs conséquences sur l’environnement. Ces entreprises, comme la société française Total, le groupe italien Ferrero, ou les entreprises américaines Coca-Cola et Chevron-Texaco continuent de polluer puisqu’aucune législation ne les empêche. Les Accords de Paris responsabilisent uniquement les États, et la Cour pénale internationale pénalise les « dommages » à « l’environnement naturel » uniquement lorsqu’il s’agit de crime de guerre.

« Ce défi est international », rappelle Marie Toussaint, juriste, fondatrice de l’ONG Notre affaire à tous, et eurodéputée chez les Verts. « La dégradation de la planète ne cesse de s’aggraver et les crimes environnementaux autant que leurs responsables restent le plus souvent impunis », expliquait-elle lors d’une conférence de presse organisée en ligne. « En tant que parlementaires, nous avons le devoir de porter la voix des citoyens ». 

 

L’écocide, vers une reconnaissance internationale

Certains écologistes, dont la juriste Valérie Cabanes, militent pour inscrire le « délit d’écocide » dans le droit pénal français et international. La première Alliance parlementaire internationale a été créée le vendredi 23 octobre 2020 pour la reconnaissance mondiale de l’écocide. Pour l’instant, la coalition regroupe dix parlementaires : le Brésilien Roberto Agostinho, le Belge Samuel Cogolato, la Philippine Eufemia Cullamat, la Suédoise Rebecka Lemoine, le Britannique Caroline Lucas, les Australiennes Janet Rice et Larissa Waters, l’Espagnole Ines Sabanes, l’Américaine Lindsey Schromen-Warwin, et l’eurodéputée française Marie Toussaint.

L’Alliance parlementaire internationale entend « partager des savoirs, compétences, expertises » pour faire évoluer la législation à l’échelle européenne, et défend la reconnaissance de l’écocide comme un crime à l’échelle planétaire, soutenant la démarche des Maldives et du Vanuatu, ayant demandé à la Cour pénale internationale de reconnaître l’écocide en décembre 2019. Les membres du groupe partageront leurs expertises, soutiendront les activistes et effectueront du lobbying. Leur but final serait l’inclusion du délit dans le Statut de Rome pour qu’il relève de la Cour pénale internationale.

 

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Des tentatives pour criminaliser l’écocide

Face aux désordres climatiques qui s’accélèrent, plusieurs ONG estiment que le développement du destin environnemental est crucial et veut mettre en place des juridictions climatiques mondiales pour que tous les pays appliquent les mêmes règles : « Aux Etats-Unis, la plupart des lois se concentrent davantage sur le fait d’autoriser les préjudices environnementaux plutôt que les punir », appuie l’avocat Lindsay Schromen-Warwin, membre du conseil de la ville américaine Port Angeles et de l’Alliance parlementaire internationale.

Selon le député Brésilien Rodrigo Agostino, membre de l’Alliance parlementaire internationale, « il faut donner une nouvelle dimension aux crimes environnementaux. Au Brésil, ceux qui détruisent la forêt ne sont pas pénalisés. Ils n’ont aucun compte à rendre ».

Du côté de la France, le dimanche 22 novembre 2020, le garde des Sceaux Éric Dupont-Moretti et la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili ont annoncé que l’infraction pénale de délit d’écocide, visant à prévenir et à sanctionner les atteintes graves à l’environnement, va être mise en place : « nous allons créer un délit général de pollution. Les pénalités seront modulées en fonction de l'intentionnalité de l'auteur. Les peines encourues vont de trois ans d'emprisonnement à dix ans d'emprisonnement selon qu'on est en présence d'une infraction d'imprudence, d'une violation manifestement délibérée d'une obligation et, la plus lourde, d’une infraction intentionnelle », rapporte Éric Dupont-Moretti. En France, les amendes iront de 375 000 euros à 4,5 millions d’euros : « autrefois, vous polluiez, vous gagniez ; demain, vous polluerez, vous paierez jusqu'à dix fois le bénéfice que vous auriez fait si vous aviez jeté vos déchets dans le fleuve », assure le garde des Sceaux.

 

 

Une justice environnementale

« L’écocide nous tue tous petit à petit, les écosystèmes dans lesquels nous vivons, et malheureusement ces écosystèmes n’ont pas les moyens de se défendre, alerte Marie Toussaint. Il nous incombe de rédiger de nouvelles lois pour défendre les droits humains et ceux de la nature ».

La reconnaissance des droits de la nature induit de réels changements. Grâce à l’intervention de juges, à la création de cadres juridiques responsabilisant les dirigeants politiques et économiques, les écocides peuvent être évités : le développement d’une approche par écosystème du droit s’opère mondialement. Une dizaine d’États a déjà reconnu ce crime, comme le Vietnam et la Russie. De son côté, l’Italie condamne les « désastres environnementaux » depuis 2015.

Depuis 2009, des « tribunaux sur le climat » sont organisés par l’ONG Oxfam. Ils ont pour objectif de faire des propositions concrètes aux niveaux national et international, telles que la mise en place d’un tribunal international sur le climat. L’organisation, lors « d’auditions du climat » donne l’opportunité aux victimes du changement climatique de se faire entendre par tous à l’échelle mondiale. En 2009 et 2010, plus de 1,6 million de personnes étaient impliquées dans ces audiences sur le climat dans plus de 36 pays, parmi lesquels le Brésil, les Philippines, et l’Inde.

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