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Stéphanie Rigourd, étincelante Chef sommelière du Raffles

Stéphanie Rigourd, Raffles Hotel, sommelier expatriationStéphanie Rigourd, Raffles Hotel, sommelier expatriation
Écrit par Michèle Thorel
Publié le 15 mai 2018, mis à jour le 20 mai 2018

Stéphanie Rigourd, 30 ans, chef sommelière du Raffles. Ou la réussite éclatante d'une self-made Woman qui a sur rester simple, modeste et humble.

Visage pur, grands yeux clairs pétillants, port altier, sourire serein et une douceur empreinte de fermeté, de maturité et d’ambition dans la voix cristalline de celle qui a surmonté pas mal d’épreuves déjà. Elle revient de loin : en échec scolaire à 12 ans lorsque son rêve de gymnaste olympique se brise, elle connait les affres du désespoir. L’adolescente éprouvée a réussi à renaitre de ses cendres avec un singulier panache lorsqu’elle a découvert sa passion : le vin. Apprentissage juché d’embûches, un parcours du combattant qui a révélé une volonté, un courage et une résilience hors du commun par amour pour le vin, par ambition de se réaliser humainement et de s’affirmer socialement.

Portrait d’une jeune femme aussi talentueuse que chaleureuse, énergique, travailleuse et déterminée.

lepetitjournal.com/singapour - Avant la passion du vin, vous avez connu celle de la gymnastique rythmique. Que vous en reste-il?

Stéphanie Rigourd - Bonheur sublime, souffrance physique, énergie infinie, sentiment d’être parfaitement moi, prête à tout pour m’améliorer. C’est beau. C’est puissant… Si je ferme les yeux, mon corps se souvient. Souffrance et jouissance. Non… pas par masochisme! Parce que la perfection que je visais exigeait une rigueur absolue dans les entrainements. Tout donner… et recommencer, recommencer… des milliers de fois. Fatigue et douleur sont presque des gros mots quand on s’entraine! On les ignore. C’est même dangereux parfois…

Il m’en reste une envie de rester en contact avec l’actualité de la gymnastique : je suis toutes les grandes compétitions mondiales et continue d’entrainer bénévolement des équipes singapouriennes.

Je crois que cela a forgé ma “niaque”, ma résistance, ma persévérance.

 

 

Suffisamment de résistance pour survivre à l’arrêt brutal et au retour à la maison, l’école de tout le monde et le sentiment de vide sans doute?

Le vide, oui. Total. Abyssal. L’école, ce n’était pas mon truc. Je cherchais ma voie et ne la trouvais pas. C’est en discutant avec mon père que l’idée de l’hôtellerie/restauration a jailli. “Tu aimes manger, parler, communiquer et tu es pleine d’énergie : va dans l’hôtellerie!” Et me voilà inscrite en CAP de … serveuse ! Pas vraiment le plus prisé, souvent mal perçu, à tort je pense. Mais encore une fois, au vu de mes notes, je n’avais pas trop le choix.

 

 

Votre papa vous a guidée, soutenue, éduquée tout seul avec votre petite sœur. Quelle influence a-t-il exercée dans votre rapport à la table, le vin, la cuisine ?

Une influence énorme, positive et je lui en suis vraiment reconnaissante. Mécano possédant son petit garage, c’est un normand aux moyens modestes mais un épicurien ouvert au monde : chez moi, on ne mangeait pas pour se nourrir, mais pour partager. Il fallait honorer ce partage en mettant les petits plats dans les grands, tous les jours. Impossible de mettre un simple pâté en croûte directement sur la table dans son emballage! Non. On devait le disposer joliment dans une assiette de présentation, au quotidien.

Et il y a toujours eu du vin à table. Dès 3 ans, on me mettait 2 ou 3 gouttes de vin dans mon gobelet d’eau pour que je puisse trinquer avec tout le monde! J’adorais tremper mes sablés dans le verre de mon papa. J’ai eu mon premier Calva vers 6 ans. Normal pour la fille d’un normand!

 

 

Faut-il avoir un don particulier pour devenir sommelier ? Un palais plus sensible que la moyenne, un peu comme les “nez” en parfumerie ?

Stéphanie Rigourd
Non, pas vraiment. Aimer le goût évidemment, l’artisanat noble du vigneron, la symbolique de partage, de convivialité et de plaisir d’un moment de dégustation. Le sommelier est le messager du vigneron, son histoire, son âme… et un prescripteur de plaisir. Il faut apprendre à déguster le vin avec des techniques et une structure précises. Puis, il faut s’entrainer. Enormément. Tous les jours. Vouloir apprendre toujours plus… Comme dans tout, en fait.

C’est comme apprendre à lire. Il y a des codes, une structure… Plus on lit, et plus on apprécie la finesse de la langue. C’est pareil pour le vin.

Question d’attirance, de goût et fondamentalement, de volonté.

 

 

Quelles sont les étapes principales de votre parcours globalement admirable?

1/Le petit restaurant familial de La Sophinnière dans la Drôme où j'ai fait mon apprentissage, tenu par un couple d'ancien expats : Washington, Milan…, ils me parlaient du vaste monde…et cela me faisait rêver. Ils m’ont fait confiance et m’ont permis de découvrir mon intérêt profond pour la sommellerie. J’ai alors décidé de devenir la meilleure dans mon CAP aussi modeste qu'il soit. Je n’allais pas laver des verres et balayer toute ma vie.

2/ L’Ecole Hôtelière de Tain l’Ermitage après mon CAP… Mon rêve! Inespéré. Semaine 2 : stage en vinification et oenologie. À  30 km de chez moi (je devais rentrer seule, la nuit, sur une petite mobylette) : je confirme ma passion.

3/ Le stage à La Bastide de Gordes, Relais & Châteaux (restaurant Peir, repris récemment par Pierre Gagnaire) où je découvre les hôtels de luxe: paradis pour le client, moins pour le personnel ... Je suis tombée sur un chef sommelier dur et exigeant, mais qui m'a beaucoup appris.  J’ai ravalé pas mal de larmes, accepté des horaires de folie et subi une pression permanente. J’étais totalement épuisée, physiquement et moralement. C’est vrai que j’ai pris pas mal de “coups de pieds dans le derrière”, mais c’est cela qui m’a fait avancer. Aujourd’hui, j’en suis reconnaissante.  

4/ Mes 2 premiers jobs : aux Sources de Caudalie dans le Bordelais, puis au Charlemagne (1*) à Pernand Vergeless, au cœur des vignes ! Je désirais découvrir les vins de Bourgogne. Sublimes… Corton-Charlemagne, Pommard,… J’étais insatiable. Je travaillais 14 h par jour mais j’avais 2 jours de repos : je me suis débrouillée pour aller visiter un maximum de caves de Bourgogne. J'avais 21 ans. Les vignerons me regardaient bizarrement au début. Et puis, ils ont vite compris que j’étais passionnée et que j'avais soif d'apprendre.

 

 

Comment vous retrouvez-vous en Asie?

Une homme extraordinaire, directeur Asie de Hilton, m'a repérée au Charlemagne et m'a proposé le poste de Chef Sommelier au Hilton sur Orchard road. Je ne parlais pas un mot d’anglais; je n’étais jamais sortie de France…

Il m’a prise sous son aile, comme sa fille. Il m’a appris l’anglais et à me tenir en société : parler avec le ton adéquat, un vocabulaire choisi, une posture élégante… J’ai servi des chefs d’Etat, Mr Lee Kwan Yew, Tony Blair, …

 

 

L’expérience au Hilton a duré 6 ans : que vous a-t-elle apporté ?

Une maturité professionnelle, des compétences nouvelles en gestion, media, communication dans les réseaux sociaux. Apprendre à gérer mes contacts, savoir les relancer, ... m’auto-promouvoir en somme. J'ai eu l'opportunité de lancer un cours d’initiation à la dégustation pour nos clients : Wine Apprentice. Il a eu beaucoup de succès. Tout cela a payé puisque Le Raffles Hotel Singapore m'a contactée en 2015 pour reprendre le poste de Wine Director.

 

 

En fait, le Raffles vous a “piquée” au Hilton?

Dans la profession, c’est normal de changer d’établissement. Surtout quand c’est pour une magnifique promotion. Je gère toutes les caves de tous les restaurants du Raffles. Avec les travaux, j’ai dû tout répertorier, vider et préparer un plan d’achats. Nous avons 7 restaurants et attendons la réouverture fin 2018 avec de très beaux projets…

 

 

Que souhaiteriez-vous développer plus encore aujourd’hui?

Des idées d’accords mets et vins extraordinaires. Le vin doit apporter au plat ce qui lui manque, le compléter en termes de texture, saveurs, arômes.

On parle d’accord en rivalité complice, par exemple, pour des Saint Jacques sauce crémeuse : on cherche à leur apporter l’opposé : fraicheur, croquant, relief avec un Chablis. Si l’on préfère un accord en mariage, on prendra un Meursault. Plus rond, riche, gras. Je voudrais trouver et oser des accords inédits, avec du saké par exemple, que je me suis mise à étudier récemment.

 

 

Admirable carrière; vous êtes une référence à présent à Singapour. Heureuse?

Je ne sais pas si je suis une référence, mais j’ai un peu fait mon trou, c’est vrai… d’autant plus que j’ai rencontré ici mon fiancé et que nous fourmillons de projets. Et oui, cela me rend heureuse! Aujourd’hui, j’ai du soutien pour les réaliser. Mais je ne suis pas du style à me reposer sur mes lauriers. Je hais l’idée de stagnation, de médiocrité. Je me suis imposée par mes compétences, sans “piston” ou passe-droit… C’est un acquis qui me donne une force et un optimisme parfois… excessif? Je ne sais pas. Ce qui est certain, c'est que la cancre “paumée” s’est métamorphosée. Et je ne le dois qu’à moi-même. Oui, c’est satisfaisant. Cependant, j’ai encore tant à apprendre! J’ai toujours envie de m’améliorer.

 

 

 

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