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Vivre le confinement à Rome

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Écrit par Olivia Audin
Publié le 20 mars 2020, mis à jour le 20 mars 2020

Voilà près d’une semaine que ma famille et moi sommes en confinement total, dans notre appartement romain. A travers la fenêtre, je vois, jour après jour, le printemps fleurir les arbres de rose, et le soleil, qui entre à grands flots dans le salon le matin, vient nous narguer et repart sans qu’on puisse le suivre.

Nous sommes une famille française installée à Rome depuis presque 4 ans. Des moments exceptionnels, nous en avons eu des tas : un hiver enneigé, un mois de février radieux, des Noëls illuminés, des étés brûlants. Mais tous ces souvenirs sont liés à une Rome vibrante, éternellement pleine de touristes et de bruits de voitures, dans laquelle retentissent les cris typiques des vendeurs sur les marchés. Or, depuis une semaine, Rome est vidée de son sang. Restent les pierres, qui ressemblent plus que jamais, dans ce silence, à des ruines.

Scrupuleusement, tous les romains suivent l’interdiction de sortie presque totale. La maladie n’est pas prise à la légère : un voile vient d’être jeté sur la ville. De confinée, elle devient atténuée : plus de bruits dans les parcs fermés, plus d’acheteurs dans les magasins aux rideaux baissés. L’air est pur. Presque comme avant que l’humanité n’accélère la vie.

Pour faire les courses au supermarché, munie de mon autorisation de sortie, je prends, comme les autres, mon numéro d’attente avant de pouvoir rentrer. Devant le magasin, pendant ¾ d’heure, j’ai le temps d’observer les masques, les foulards sur le visage, les gens qui n’osent plus se parler, plus vraiment se regarder non plus. A l’intérieur, les rayons sont pleins, mais le marquage au sol, qui nous condamne au fameux mètre de distance, éloigne les corps les uns des autres.

Et pourtant : je suis loin, très loin d’être à plaindre. Je ne suis pas de ceux qui se battent en première ligne pour nous aider à mettre fin à la pandémie. Jour après jour, je cherche les avantages à cette situation historique. Les enfants, à la maison, travaillent presque autant que s’ils étaient en cours. Mon fils, au collège, fait des visio-conférences avec ses professeurs, gère son emploi du temps de la semaine, partage ses travaux avec la classe. On apprend qu’une autre forme d’apprentissage, de communauté, de groupe est possible. La gestion de classe ne sera plus jamais la même, et ils ne le savent pas encore : des élèves timides osent poser des questions, la cyber-prise de parole permet à chacun de se regarder, et non plus simplement au professeur de fixer les élèves sans qu’ils osent se voir entre eux. L’implication enseignante est palpable, et la surcharge de travail assumée dans la bonne humeur : certains professeurs enregistrent des podcasts, d’autres proposent des défis littéraires ou photographiques, et tous essayent d’adoucir la solitude de l’apprenant.

On commence doucement à se retrouver, à regarder vers l’intérieur, plutôt que vers l’extérieur. Et l’intérieur avait bien besoin qu’on s’occupe de lui : à nous les livres, le yoga, les vieux films, les recettes de cuisine bizarres trouvées sur Internet et qu’on ose enfin tester, les jeux de société. On se met à la peinture, à l’écriture, au dessin. Le monde nous donne une bonne excuse pour nous délivrer des habitudes. A heure fixe, les voisins s’envoient des messages lumineux, font résonner les rues de chansons, applaudissent, et l’union est là, plus forte que jamais.

Tout n’est pas rose. J’ai bien conscience que des vies sont perdues, ou transformées par la maladie. Que si mon enfant a la chance d’avoir les outils technologiques pour poursuivre le travail, il n’en est pas de même pour tous. Et si, en tant qu’enseignante, je peux continuer mon activité de chez moi, beaucoup y perdront des plumes.

Il y aura un avant et un après le Covid-19. J’attends avec impatience que l’étrange parenthèse d’angoisse soit derrière nous. Qu’elle nous épargne, aussi.  Et j’espère que nous aurons davantage appris sur nous-même entre temps.

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