Dès ses débuts, le septième art a sollicité les plus grands talents de l’industrie de la mode. Travaillant main dans la main, cinéastes et créateurs sont devenus inséparables. Ensemble, ils ont donné vie à des costumes formidables et inoubliables. Le Petit Journal de Rome vous a sélectionné douze des plus belles collaborations entre costumiers et réalisateurs italiens.
Pain, amour, ainsi soit-il (Dino Risi, 1955)
Sublimé par un étalonnage pictural aux couleurs saturées et lumineuses, Pain, amour, ainsi soit-il offre un portrait hylique de Salento, un village de pêcheurs transformé en station balnéaire, où deux modèles de féminité s’affrontent. D’une part, il y a le traditionalisme vestimentaire bourgeois incarné par Lea Padovani, et d’autre part, la modernité plus populaire, cosmopolite et américanisée de Sophia Lauren et Yoka Berretty. Tandis que ces dernières se permettent des coupes sensuelles et des couleurs osées comme le jaune, le rouge et le vert, le personnage de donna Carmela fait le choix de la sobriété et même de l’austérité, à l’image de la rigueur morale qu’elle s’impose.
La dolce vita (Federico Fellini, 1960)
Il est vrai que la robe bustier d’Anita Ekberg est emblématique du film de Fellini, La dolce vita. Toutefois, on ne peut rester insensible au charme et au raffinement des costumes habillant Marcello Mastroianni. Ode à la masculinité et à l’art de la confection sur mesure, les œuvres du créateur Piero Gherardi enchantent l’œil de l’amateur de cinéma fellinien du début à la fin. Plongé dans l’atmosphère romano-bourgeoise des Trente Glorieuses, le spectateur découvre un fabuleux spectacle de mode à l’esthétique années 60. On pourrait craindre qu’un film en noir et blanc n’anile l’intérêt d’une audience jeune pour les vêtements des personnages, et pourtant, cela n’altère en rien leur beauté. Au contraire, Fellini, nous fait rêver avec ses magnifiques plans révélant la finesse et sophistication des pièces conçues par son costumier.
Malèna (Giuseppe Tornatore, 2000)
Monica Bellucci est sans aucun doute l’une des plus belles femmes du monde. Actrice internationale au talent sans commune mesure, cette muse du cinéma franco-italien a inspiré les cinéastes et costumiers du monde entier, et notamment Maurizio Millenotti. Entre contrastes et coupes sensuelles, l’esthétique année 40 des pièces présentées dans ce magnifique film de Giuseppe Tornatore ne peuvent que ravir les yeux du spectateur. Tandis qu’elle incarne les fantasmes de tous les hommes de son village, et le pire cauchemar de leurs femmes, le personnage de Malèna ne se laisse pas simplement porté par ses différents costumes, elle leur donne vie.
La Grande Bellezza (Paolo Sorrentino, 2013)
La veste jaune de Jep Gambardella, mondain invétéré de 65 ans est sans doute l’un des éléments les plus iconiques La Grande Bellezza de Paolo Sorrentino. Hommage vibrant au travail de Fellini, le film du réalisateur aux neuf David di Donatello s’inscrit avec ingéniosité dans cet héritage, tant narrativement que visuellement. Cette œuvre révélant l’envers du décor de vies bourgeoises désenchantées, oscillant entre douloureuse introspection et quête de la vanité est un superbe manifeste d’élégance à l’italienne. Créé pour « révéler l’âme du protagoniste » selon les mots Daniela Ciancio, chaque costume est une peinture révélant la frivolité et fatuité du personnage.
Je Voyage Seule (Maria Sole Tognazzi, 2014)
Irene (Margherita Buy) voyage dans le monde entier afin de juger la qualité des services des plus beaux établissements hôteliers de la planète. À l’image de son travail, le personnage ne laisse rien au hasard lorsqu’il s’agit de choisir sa garde-robe. Son style, composé par la costumière Antonella Cannarozzi allie chic italien et simplicité. Les coupes sont fluides, les couleurs, gris, taupe, marron, beiges et blanc crème confèrent à l’héroïne un charme et une autorité naturelle. Sans être froide, les pièces incarnées par la protagoniste installent une distance émotionnelle, sociale et même intellectuelle entre elle et les autres personnages.
De Djess (Alice Rohrwacher, 2015)
Réalisé dans le cadre d’une série de neuf courts-métrages de l’enseigne italienne Miu Miu, intitulé Women’s Tale, De Djess nous fait entrer dans un monde surréaliste où l’ordinaire cohabite avec l’exceptionnel. Proposant un regard critique sur les standards de la féminité contemporaine occidentale, Alice Rohrwacher donne vie à une robe désireuse d’imiter la délicatesse et le maniérisme féminin, grâce à la technique de l’animation en volume.
Il racconto dei racconti (Matteo Garrone, 2015)
À maintes reprises, le réalisateur Matteo Garone a démontré sa capacité à créer des univers visuels aussi fascinants qu’époustouflants. Librement inspirée des contes du Charles Perrault italien, Giambattista Basile, Il racconto dei racconti est un film fantastique aux accents d’horreur, narrant les étranges histoires de trois royaumes voisins. L’univers sombre et mystérieux évoque un espace rappelant à la fois le Siècle d’or espagnol et l’Italie baroque. Dessinées par Massimo Cantini Parrini, les pièces qui nous sont données à voir s’emparent de notre regard, avant de s’imprégner profondément en lui, à l’image de la magnifique robe rouge endossée par Salma Hayek, tandis qu’elle incarne la reine de Selvascura.
Armani Privé - A view beyond (Beppe Tufarulo, 2019)
Documentaire exclusif capturant la magie du travail de Giorgio Armani, l’un des plus grands créateurs de mode italiens, Armani Privé est une passionnante déclaration d’amour à la haute couture. Beppe Tafurolo nous invite dans le secret de la maison Armani, rue Borgonuovo à Milan, à la découverte de l’atelier où naissent les merveilles que nous contemplons sur les tapis rouges. Hommage raffiné à l’élégance traditionnelle transalpine, ce film honore avec simplicité le « made in Italy ».
Le Traitre (Marco Bellochio, 2019)
Pour interpréter Tommaso Buscetta, Pierfrancesco Favino a dû prendre une dizaine de kilos et apprendre le Sicilien. Auréolé d’une atmosphère rétro, l’acteur nous fait voyager dans les années 80 avec de superbes pièces signées Daria Calvelli. Glamours et quelque peu excentriques au début du film, les costumes s’assagissent à mesure que le film avance dans le temps. Le spectateur peut ainsi admirer l’évolution des tendances, mais aussi les différences culturelles de styles entre la Sicile, l’Italie et le Brésil.
Pinocchio (Matteo Garrone, 2019)
Dans un monde fait de bleu froid, de vert pâle et de gris glacés, impossible de manquer Pinocchio et son uniforme rouge. À l’origine, dans le conte de Carlo Collodi, la tenue du rebelle Pinocchio était faite de papier et son chapeau de miettes de pain. Pour des raisons pratiques évidentes, Massimo Cantini Parrini n’a pas tenu à conserver ses matières, mais sans pour autant se défaire du caractère éponyme et symbolique du costume du garçon de bois. À défaut d’être un véritable petit garçon fait de chair et de sang, l’humanité du personnage apparaît au travers du rouge qui colore son costume et qui symbolise ses émotions.
Franca : Chaos And Creation (Francesco Carrozzini, 2020)
Dans ce portrait intimiste de la légendaire rédactrice en chef du Vogue Italia, Franca Sozzani, son fils, Francesco Carrozzini, revisite la vie de sa mère, sa jeunesse, ses amours et sa formidable carrière. Initiant une véritable révolution de la mode dans les années 80, elle bouleversa le conventionnalisme des premières de couverture du magazine, quitte à choquer l’opinion avec des photographies parfois très controversées. Elle fut celle qui éleva la mode au rang d’art à part entière, et ce, notamment grâce à la photographie. Véritable icône de la mode occidentale, on découvre avec curiosité une femme cynique mais non départie d’humour, une femme fascinante qui jusqu’à son dernier souffle rêvait de trouver l’amour, le vrai.
L'Incroyable Histoire de l'Île de la Rose (Sydney Sibilia, 2020)
Sydney Sibilia a réveillé l’intérêt du monde pour le destin tragique de l’Île de la Rose de l’ingénieur bolognais Giorgio Rosa. Immergé au sein d’une ambiance festive estivale Soixante-huitarde, ce film est un véritable défilé de mode inspiration Pierre Cardin. Entre mini-jupes, jeans moulant, et robes trapèze, la mode jeune des années 68 déployé dans le film de Sibilia, annonce l’émancipation des corps féminins et le désir de liberté d’une jeunesse en rupture avec ses aînés.