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La véritable histoire de l’Île de la Rose

Le 1er mai 1968, Giorgio Rosa, un ingénieur brillant originaire de Bologne, fonde l’Île de la Rose un État indépendant situé à 550 mètres des eaux territoriales italiennes.Le 1er mai 1968, Giorgio Rosa, un ingénieur brillant originaire de Bologne, fonde l’Île de la Rose un État indépendant situé à 550 mètres des eaux territoriales italiennes.
Écrit par Anaïs Lucien-Belliard
Publié le 3 mars 2021, mis à jour le 9 août 2024

Récemment, une production originale Netflix, L'incredibile storia dell'Isola delle Rose (2020), inspirée de l’histoire vraie de Giorgio Rosa, a éveillé la curiosité des cinéphiles au sujet de ce pan oublié de l’histoire italienne. Et comme il est aujourd’hui aisé de confondre faits historiques et fiction, il est tout naturel pour le spectateur d’investiguer quant à la part de vérité et d’invention présente dans l’œuvre de Sydney Sibilia.

 

L'Île de la Rose - construite sur le modèle des plateforme pétrolière 

 

Le 1er mai 1968, Giorgio Rosa (1925-2017), un ingénieur brillant originaire de Bologne, fonde l’Île de la Rose – en espéranto Insulo de la Rozoj – un État indépendant situé à 550 mètres des eaux territoriales italiennes. Mesurant 400 mètres carrés, l’île-plateforme fut construite à un peu plus de 11,6 km de la côte de Rimini, à partir de béton, de bois et d’acier. Il s’agissait d’un système modulaire : l’ingénieur utilisait des tuyaux vides, un peu comme des échasses, puis, il y faisait verser du béton, afin de les stabiliser et les rendre suffisamment solides pour soutenir sa plate-forme. D’après Lorenzo Rosa, son fils, Giorgio fit breveter les structures utilisées pour la construction de son île.

 

 

 

 

L’ingénieur bolonais fit ensuite forer un aquifère à 280 mètres sous la plateforme. Entre-temps, l’Insulo de la Rozoj accueillit un naufragé du nom de Pietro Bernardini, qui deviendra pendant un an, un locataire permanent de la micronation. Faisant de l’espéranto la langue nationale de son île, Giorgio créait également ses propres armoiries, sa monnaie, ainsi qu’une juridiction bien distincte de celle de l’Italie.

 

« [Georgio Rosa] rêvait d’être le roi de tout ce monde sans règles, avec une loi qu’il pouvait décider… C’était un cri de liberté.

Matteo Rovere, producteur de L'incredibile storia dell'Isola delle Rose

 

Director Sydney Sibilia avec Giorgio Rosa en 2017 - image issue de  Netflix Film Club sur YouTube

 

Giorgio Rosa était un homme du « pourquoi pas » ! Il n’avait de limites que celles érigées par son imagination débordante et son désir pressant d’affranchissement. La fin des années 60 fut marquée par de puissants changements socio-culturels à travers le monde occidental. En construisant sa propre île, loin du giron de la République italienne, l’inventeur ne manifesta pas seulement le désir de rompre avec les lois et le conformisme oppressant de son pays d’origine, il répondit à une demande. Giorgio Rosa fut celui qui entendit le cri désespéré d’une jeunesse courant après la liberté. Cela peut d’ailleurs expliquer le rapide succès de son île, qui se transforma en quelque temps en attraction touristique très prisée.

 

 

Giorgio Rosa et son épouse Gabriella

 

Malheureusement, l’île ne devait pas faire long feu. 55 jours après sa déclaration d’indépendance, les autorités italiennes envoyèrent la marine pour évacuer l’île et imposer un blocus qui préviendrait les curieux d’aborder sur l’île. Le gouvernement italien ordonna ensuite le démantèlement de l’île, mais échoua lamentablement. Il fut donc contraint de la bombarder à deux reprises, sans pour autant parvenir à la détruire complètement. Ce fut une tempête qui acheva de renverser le rêve du malheureux Giorgio Rosa, dont l’œuvre repose aujourd’hui dans les tréfonds de la mer adriatique.

 

« Comme il n’avait pas beaucoup d’argent, [Giorgio] a utilisé une très petite équipe d’amis et quelques ouvriers pour construire l’île. […] Quand nous avons construit l’île pour le film, nous avons dépensé beaucoup d’argent et nous avions besoin de centaines de personnes. C’était fou qu’il fasse la même chose avec juste quelques amis. C’était un génie »

Matteo Rovere, producteur de L'incredibile storia dell'Isola delle Rose

 

 

Peu de temps après, le gouvernement italien lui envoya la facture de la guerre, avant de prendre les mesures nécessaires pour qu’un événement similaire ne se reproduise jamais. Ainsi, avec l’appui de l’ONU, il fut décidé que les eaux territoriales italiennes passeraient de 6 à 11 milles marins. Comme mentionné à la fin du film de Sibilia, la destruction de l’île de la Rose fut la première et unique guerre d’agression de la République italienne. Pour Giorgio Rosa, le souvenir du fruit de son labeur réduit en cendres demeura un sujet de douleur et d’amertume jusqu’à sa mort.

 

Anaïs Lucien-Belliard
Publié le 3 mars 2021, mis à jour le 9 août 2024

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