Ce mois-ci, Lepetitjournal.com de Rome vous propose de voir ou revoir "La solitude des nombres premiers", un film de 2010 réalisé par Saverio Costanzo. Le cinéaste s'est fortement inspiré du premier roman récompensé par le prix Strega d'un jeune Italien, Paolo Giordano, diplômé de sciences et passionné de mathématiques. Pourquoi ce titre étrange ?
« Les nombres premiers ne sont divisibles que par 1 et par eux-mêmes; soupçonneux et solitaires, certains possèdent cependant un jumeau dont ils ne sont séparés que par un nombre pair. »
Ces nombres premiers sont personnifiés par Alice et Mattia dont on va suivre la vie durant plus de 20 ans, et le nombre pair qui les sépare est le traumatisme subi dans l'enfance, tenu secret et impossible à effacer.
Enfant, Alice est restée boiteuse à la suite d'un accident de ski, abandonnée dans le brouillard d'une piste neigeuse par un père autoritaire et intolérant, peu soutenue par une mère dépressive et anorexique. Adolescente, elle subit les sarcasmes et les humiliations des élèves de son lycée. Mais c'est là, dans les couloirs qu'elle croisera Mattia, son « jumeau »dont elle tombera amoureuse et qui influencera sa vie à jamais.
Mattia, lui, ne se pardonne pas d'avoir laissé sa s?ur autiste sur un banc pour pouvoir participer pleinement, sans honte, à une fête d'anniversaire quand il avait 8 ans, et d'être responsable de sa disparition.
Mattia vit sa solitude au contact des nombres premiers et de la recherche mathématique, tandis qu'Alice se réfugie derrière son appareil photographique.
Même passé douloureux, même solitude à la fois voulue et subie, même difficulté à réduire la distance qui les isole des autres. De l'adolescence à l'âge adulte, leurs existences ne cesseront de se croiser, de s'effleurer et de s'éloigner.
Quand on les revoie à l'âge adulte, après 7 ans de séparation, Alice semble au bord du gouffre, anorexique et proche de la folie, d'une maigreur effrayante, tandis que Mattia a engraissé son corps toujours mutilé.
Deux attitudes bien distinctes, dont le seul dénominateur commun réside alors dans la transformation du corps, et l'éloignement du monde extérieur.
Que penser de ce film ?
Extrêmement bien interprété par des acteurs magnifiques : Alba Rohrwacher et Luca Marinelli (Alice et Mattia adultes) Arianna Nastro et Vittorio Lomartire (jeunes).
Tenue en haleine du début à la fin, c'est beaucoup dire, car le film est assez lent, les images à l'esthétisme un peu clinquant et la musique synthétique donnent une ambiance oppressante. Mais curieuse, oui? car Saverio Costanzo entretient une sorte de suspens. Que s'est-il passé dans leur enfance pour être à ce point asociaux ? Vont-ils enfin laisser parler leur c?ur ? Connaître la résilience qui leur permettra de vivre ? Avoir l'espoir qu'ensemble ils seront assez forts pour se sortir de leur enfermement moral ? Et il faut que j'avoue avoir été un peu agacée par cette attitude, et avoir eu envie de les secouer ! Je prends l'exemple de la scène où Mattia annonce à Alice qu'il va partir au moins 3 ans travailler en Allemagne; Alice lui dit alors « Que vais-je faire sans toi ? », il lui répond « Que vais-je faire sans toi ? » alors, moi devant mon écran, je pensais : mais, bon sang, dis-lui « pars avec moi !, ou « je pars avec toi !» mais non, ils se réfugient dans un mutisme qui les empêchent d'aller l'un vers l'autre, tout en étant désemparés. Et c'est ensuite qu'on les retrouve 7 ans après, dans un état lamentable. J'ai quand même l'impression -tout à fait subjective- que la fin du film est un peu optimiste : la dernière image nous montre Mattia bouleversé, assis sur le banc où sa s?ur a disparu, Alice le rejoint, pleurante, lui passe la main dans les cheveux, se penche et l'embrasse.?
Est-ce vraiment le début d'un rapprochement libérateur, ou ai-je envie que cela le soit ?
Louisette Crombet (Lepetitjournal.com de Rome) - Vendredi 17 mars 2017.
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