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Portraits de New-Yorkais : Raya, de Tati au boudoir

raya-photographeraya-photographe
Écrit par Nicolas Cauchy
Publié le 11 mai 2023, mis à jour le 12 mai 2023

Le Petit Journal vous propose de découvrir les parcours de Français qui ont un jour choisi de vivre à New York. Aujourd'hui, Raya, photographe

photo hollywood noir et blanc
Photo "Hollywood" réalisée par Your Hollywood Portrait

 

"Mon histoire avec New York a commencé à Miami. J’étais en Floride pour un shooting photo et j’ai demandé à mon mari qui m’accompagnait de me prendre des rendez-vous pour les trois jours qui nous restaient. Nous formons une super team, lui et moi. C’est un genre de Mr Fix-It. Vous voyez ce que je veux dire ? Qui n’a pas son pareil pour régler les problèmes. 

Nous nous sommes trouvés bien des années auparavant. J’avais abandonné le secrétariat pour devenir vendeuse chez Tati et au Printemps, assistante dentaire et télémarketeuse. Quand je l’ai rencontré, il m’a dit : « Fais ce que tu aimes ». Et je suis devenue photographe. C’était l’activité artistique la plus simple d’accès. Il me fallait juste un bon appareil. Je me suis constitué un book et j’ai tapé à toutes les portes. « Est-ce que vous cherchez un photographe ? » J’ai réalisé une première campagne de lingerie, puis j’ai shooté pour des magazines. J’ai reçu des prix, mis au monde deux petites filles, acheté un loft à Paris, voyagé en Europe et aux États-Unis. 

À New York, mon mari m’obtient plein de rendez-vous. Nous atterrissons pendant une tempête de neige. On marche toute la journéé. On discute avec plein de gens. Les agences de pub à qui je présente mon book débordent d’enthousiasme. Du jamais vu - ni entendu. En France, les gens peuvent être très méchants, très snobs. J’en ai pleuré plusieurs fois. Alors tous ces « OMG! ». Ces « Amazing! » J’adore. Je veux vivre ici. On se donne un an. 

Mon mari négocie avec l'entreprise qui l’emploie l’ouverture d’un bureau aux US. On inscrit nos filles au Lycée Français, mettons en location notre appartement parisien et puis un jour, ça y est. Nous voilà à New York ! 

La première année est magique. Mais l’entreprise de mon mari se fait racheter et les acquéreurs ferment le bureau US. On perd nos revenus réguliers et notre visa. À Paris, notre locataire arrête de payer son loyer. Tout s’écroule. Le temps nous est compté. On ne peut pas rester sans visa. 

Avec l’aide d’avocats, on lance une procédure qui me permettrait d’obtenir un visa « Extraordinary ability », réservé aux artistes, aux sportifs ou aux scientifiques qui ont particulièrement bien réussi. On fait revenir de France une valise complète de magazines qui parlent ou publient mon travail dans toutes les langues. On met en avant les prix que j’ai reçus. On obtient des lettres de recommandation d’éditeurs pour répondre à la problématique : « Prouvez-nous que vous êtes une grande photographe ». Le processus dure un an. Finalement, je l’obtiens, ce visa et, quelques mois après, ma Green Card. On peut rester. 

Pendant ce temps, mon mari a lancé une entreprise online de ventes privées et c’est moi qui photographie les objets présentés. On a vendu notre loft pour apporter la mise de fonds et travaillons comme des fous, jour et nuit. Le site décolle. Les grandes marques nous confient leurs invendus, jusqu’à l’arrivée de Gilt, un concurrent aux moyens colossaux qui nous souffle le marché. En quelques mois, notre business s’arrête complètement. Il faut trouver autre chose. 

Une opportunité pour mon mari se présente à HongKong où nous partons pendant deux ans, avant de revenir sans même de quoi nous payer un ticket de métro. On survit à six - nous avons recueilli deux adorables Pit Bulls entre temps - dans un petit appartement de Little Italy. 

portrait harcourt homme
Photo "Harcourt" réalisée par Your Hollywood Portrait

J’ai d’abord l’idée de faire des portraits Harcourt, en noir et blanc, jusqu’à ce que l’on me demande si je réalise des photos boudoirs. C’est très courant ici. Ce sont des séances qui incluent coiffure et maquillage et qui se font déshabillées, costumées ou en lingerie. Mes clientes sortent d’un divorce éprouvant et veulent se (re)trouver belles. Ou bien elles souhaitent offrir ce cadeau à leur mari au moment de leur mariage. Il y a toutes sortes d’histoires en fait. Et je leur donne la meilleure version d’elles-mêmes, dans de précieux albums qu’elles montrent parfois à la terre entière.  

Photo Boudoir
Photo "Boudoir" réalisée par Your Hollywood Portrait

Au début, je shoote dans notre petit appartement en envoyant mes filles se balader. Elles sont habituées. Je me souviens du premier « Dis, maman, pourquoi la dame, elle ne porte pas de pantalon ? » Progressivement, je gagne suffisamment d’argent pour louer un studio à Dumbo, l’un des quartiers les plus recherchés de Brooklyn et, récemment après trois refus de crédit, nous sommes parvenus à acheter le loft de nos rêves, où nous vivons avec mon mari. Mes filles ont quitté la maison. Elles ont toutes deux décroché de super jobs après leurs études dans des universités américaines. 

pin-up america
Photo "Pinup et Burlesque" réalisée par Your Hollywood Portrait

J’ai oublié l’hébreu de mon enfance. Je ne parle pas très bien l’anglais et écris mal le français. Mais je suis New-Yorkaise. Les gens ici sont généreux, respectueux, positifs, toujours pleins d’encouragement. Penser que tout est possible donne de l’espoir et de l’énergie pour continuer. Toutes les galères que nous avons rencontrées nous ont rendus plus forts, ça valait le coup. Elles nous ont ouvert les yeux sur les choses les plus simples et les plus importantes.

La magie est toujours là."

Le site Your Hollywood Portrait