

Entrepreneurs, conjoint, de passage ou établi : cette rubrique dresse le portraits des expatriés à New York.
Aujourd'hui, Marie-Monique Streckel : travailler bien après 65 ans.
"Il s’est passé quelque chose en juillet 1999. J’ai eu 60 ans et l’on m’a mise à la retraite. J’étais alors la Présidente de France Telecom US.
L’entreprise avait la même politique pour tout le monde : à 60 ans, vous deviez partir. Le couperet. Du jour au lendemain, j’ai perdu mon statut, ma place. J’ai été frappée d’exclusion. Il fallait quitter l’entreprise et devenir retraitée.
« Devenir retraitée ». Voilà bien une idée qui ne m’a même pas traversé l’esprit. C’était simplement un job qui s’arrêtait et un autre qui commençait.
Je voulais rester dans les Telecom et avais entamé des discussions deux ans auparavant avec l’équipe de Ronald Lauder, un des fils d’Estee Lauder, homme d’affaires et grand collectionneur d’Art a New York, dont j’ai finalement intégré l’équipe en tant que Senior Advisor. Je l’ai conseillé dans ses différents investissements en Europe de l’Est.
Pendant ces cinq ans, j’ai complètement perdu mon lien avec la France. On ne s’y arrêtait jamais. Ronald Lauder parle le français. Il a un appartement à Paris, mais n’y a fait aucun investissement.
J’habite les États-Unis depuis 1964. Mon mari est américain. Mais je ne me suis jamais sentie américaine. J’ai attendu la présidence de Barrack Obama pour demander la citoyenneté. Alors, lorsque l’on m’a proposé de prendre la direction de la French Institute of Alliance Française, je n’ai pas hésité une seule seconde.
Comme c’est l’usage ici, le board m’a fait passer plusieurs entretiens et je suis devenue, à 65 ans, la Présidente de la célèbre Institution. Mais l’âge n’a rien à voir. J’aurais pu exercer ma mission vingt ans auparavant. Je voulais, et je veux toujours d’ailleurs, tout embrasser avec la même énergie que celle de mes trente ans. Les plats ne repassent pas. Il faut les saisir au vol.
Et c’est ça qui est formidable à New York : personne ne vous demande jamais quel âge vous avez, mais votre adresse. C’est la chose la plus importante. Qui dit combien vous gagnez, quel est votre statut social. Mais l’âge ? Tout le monde s’en moque ! D’ailleurs, c’est interdit de le demander pendant un entretien d’embauche. C’est discriminatoire. Non. On parle d’appétit. D’appétit de vie. De volonté d’apporter sa pierre. D’être dans le courant du monde. Rester sur le bord du fleuve et regarder passer sa vie n’entre pas dans ma philosophie. J’ai toujours voulu tout.
Je viens, par exemple, de prendre une nouvelle mission, après mes dix-huit années à faire rayonner fi:af. Je travaille à la rénovation et la réouverture de la Pagode qui a été rachetée par un développeur immobilier américain, passionné de cinéma et toujours plein de projets. Vous connaissez ce cinéma à Paris, dans le 7e ? Les opportunités continuent de se présenter.
C’est beaucoup plus compliqué en France. Ce qui explique que de nombreuses personnes, qui ont eu des carrières brillantes, les poursuivent, bien après 65 ans, aux États-Unis.
En France, une femme devient souvent grand-mère. C’est un statut, presque un job ! Mais aux US, dans ce grand pays où les petits enfants sont à des milliers de kilomètres, où il n’y a pas deux semaines de vacances tous les deux mois, c’est moins facile. Alors, les femmes qui se sont tellement battues pour arriver à des postes à hautes responsabilités ne veulent pas débrayer. Elles continuent.
J’ai presque 84 ans et toujours la même énergie. Mais je ne la mets pas aux mêmes endroits. Je priorise, fais des choix. Peut-être moins dans la représentation sociale. J’essaie de vivre avec plus d’intégrité. Ce qui ne m’interdit pas les expériences. J’ai quand même participé à mon premier Burning Man* il n’y a pas si longtemps."
**Burning Man est un grand rassemblement artistique, qui se tient chaque année dans le désert de Black Rock au Nevada pendant neuf jours.
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