À l'occasion du 60e anniversaire de la disparation d'Eugene Bullard, premier pilote militaire noir américain et héros des deux guerres mondiales sous l’uniforme français, Jérémie Robert, Consul général de France à New York et l'American Society Of Le Souvenir Francais, sous l’impulsion de son président, Thierry Chaunu, lui rendent hommage ce samedi 30 octobre au cimetière de Flushing, dans le Queens.
Pierre tombale d’Eugene Bullard, avec une reproduction de sa Croix de guerre et de sa Légion d’honneur
Eugene Bullard, héros de la France
C’est l’histoire d’un héros nommé Eugène Bullard. Un Américain qui a reçu quinze décorations de la France. En 1954, il est invité à raviver la flamme de la tombe du Soldat inconnu sous l'Arc de Triomphe. En 1959, il est fait Chevalier de la Légion d'Honneur par le Général de Gaulle, qui l’a qualifié de « véritable héros français ». Bullard meurt à New York en 1961 et, est enterré avec les honneurs militaires dans la section des anciens combattants français du cimetière de Flushing dans le Queens. C’est sur sa tombe que Jérémie Robert, Thierry Chaunu et l’American Society of Le Souvenir Français se recueilleront ce samedi 30 octobre, à l’occasion du 60e anniversaire de sa disparition. « Alors que nous venons de célébrer le soixantième anniversaire de sa mort, nous honorons la mémoire d’Eugene Bullard, un héros américain et un héros de la France. Nous avons voulu, sur sa tombe à New York, afficher les plus hautes décorations qu’il a reçues, légion d’honneur et croix de guerre. Premier pilote militaire noir américain de l’histoire, engagé au sein des forces françaises lors de la Première Guerre mondiale, résistant durant la Seconde Guerre mondiale, son histoire est fascinante, » explique Jérémie Robert, « son histoire fait écho à la perspective de la Panthéonisation de Joséphine Baker - dont il fut d’ailleurs un ami - le 30 novembre prochain. »
Quelques semaines après sa nomination en tant que président de l’American Society of Le Souvenir Français, Thierry Chaunu décide, dans le cadre du Black History Month de rendre hommage à Eugene Bullard. « C’est notre mission que de lui rendre hommage, c’est un soldat américain qui a combattu sous l’uniforme français » explique le président de l’association. Et de rajouter « avec le Consul Jérémie Robert et Alain Dupuis (vice-président de l’American Society of Le Souvenir Français, NDLR), nous avons voulu donner un coup d’éclat au 60e anniversaire de la disparition d’Eugene Bullard en faisant incruster dans sa pierre tombale, une réplique de sa croix de guerre et de sa Légion d’honneur ». Pour le souvenir. Pour la mémoire. Malheureusement, ce vendredi 29 octobre, veille de l’hommage à Eugene Bullard, lors duquel Jérémie Robert déposera une gerbe sur la tombe du héros, Thierry Chaunu apprenait que « la Croix de guerre a été désincrustée et dérobée... Curieusement, la médaille de la Légion d'honneur est toujours en place. Ceci n'enlève en rien la caractère odieux de cet acte de vandalisme, mais nous pourrons malgré tout déposer les gerbes demain à côté de la pierre tombale...»
Informé de cet acte de vandalisme sur la tombe d’Eugène Bullard, le Consul général Jérémie Robert exprime « également sa condamnation la plus ferme ».
Devenu un héros français en fuyant le racisme américain
Né en Géorgie en 1895, Eugene Bullard est le septième de dix enfants d'un père né esclave en Martinique et d'une mère indigène Creek. En 1912, marqué par la discrimination raciale de son pays, il s'envole pour l'Europe. Là, commence un parcours hors-norme. Devenu boxeur, il s'installe en France après un combat à Paris où il travaille dans un music-hall et continue à boxer. Lorsque la Première Guerre mondiale éclate, Bullard s’engage et est affecté à la Légion étrangère française. D'abord mitrailleur, Bullard est gravement blessé lors de la bataille de Verdun et reçoit la Croix de guerre pour son héroïsme. Il se porte ensuite volontaire auprès de l'Armée de l'air et prend part à plus de 20 missions de combat jusqu’en 1919. Après la guerre, Bullard devient propriétaire de jazz clubs à Montmartre où vient danser l'élite parisienne. Bullard se lie alors d’amitié avec Joséphine Baker et Louis Armstrong. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il devient espion pour la Résistance française avant de rentrer aux États-Unis en 1940.
Le 15 septembre 1991, trente ans après sa mort, et soixante-quatorze ans après son rejet par l’U.S. Service en 1917, Eugène est promu à titre posthume au grade de sous-lieutenant de l’Air Force grâce à l’intervention de Colin Powell.
Le 12 avril 2012 un protocole franco-américain a été signé au ministère français de la Défense pour une célébration commune du centenaire de la Première Guerre mondiale autour du Mémorial La Fayette de Marnes-la-Coquette, occasion, pour les deux pays, de rendre enfin un hommage appuyé à Eugène Bullard, dont le cinquantenaire de la mort, en octobre 2011, a été passé sous silence.