Baignée depuis sa jeunesse dans l’amour de la danse, Ali Rouby est une jeune danseuse et chorégraphe française partie décrocher les étoiles du Hip-Hop aux États-Unis, avec son groupe orléanais OPCrew. Elle crée par la suite son propre groupe exclusivement féminin, Illégali, avec lequel elle vient défier les conventions du genre et prôner l’esprit du « girl power ».
Ali Rouby a 25 ans, et depuis toute petite, la danse lui est prédestinée. Adolescente, elle intègre le groupe OPCrew, au sein de l’association orléanaise OP45 et enchaîne rapidement les expériences nationales et internationales, à travers diverses scènes et compétitions où ils défendent les couleurs de la France. Aujourd’hui professeure de danse et à la tête de son propre crew Illégali, elle vient défier les conventions Hip-hop et nous emmène dans le dynamisme de cette danse, ponctuée de défis contemporains.
Pouvez-vous relater votre parcours dans la danse ?
Depuis mon plus jeune âge, la danse a été constante dans ma vie, héritée de ma mère, professeur de modern-jazz. Je me souviens être captivée par les clips musicaux américains qui passaient à la télé : beaucoup de danse, notamment de Hip-Hop, ce que l’on retrouvait très peu dans les clips français, en vérité.
Un jour, en feuilletant le journal régional, je suis tombée sur l’association OP45. En 2014, j’intègre ce club de danse local qui propose une diversité de genres de danse, et plus particulièrement le groupe OPCrew, que je n’ai plus quitté depuis. Récemment, le groupe a d’ailleurs fêté ses dix ans. Le temps passe si vite !
Lexique du Hip-Hop :
Un « Minicrew » : un trio de danseurs ;
Un « crew » : il s’agit d’un groupe composé de 5 à 9 danseurs ;
Un « mégacrew » : un groupe composé de 10 à 40 danseurs ;
Aujourd’hui, ma passion m’a conduite à enseigner cinq styles de danse à un public de tout âge. Outre mes engagements d’enseignantes, je reste membre d’OPCrew, axé principalement sur le Hip-Hop et dirigé par le chorégraphe principal Jessy Toto, ainsi qu’Élodie Antonio et moi-même. Il s’agit du groupe principal en quelques sortes, avec lequel j’ai évolué. En parallèle, je fais partie des Queens : nous sommes neuf danseuses au total de street-jazz, dirigées par Élodie Antonio. Enfin plus récemment, j’ai fondé mon propre crew, Illégali, qualifié de mégacrew en raison de ses trente danseuses. Notre style s’oriente vers du hip-hop “girly”, un mélange de street-jazz et de Hip-Hop, sur des musiques R’n’B ou pop.
OPCrew a participé à de nombreuses compétitions à l’international et obtenu différents titres. Pouvez-nous les citer ?
J’ai eu l’occasion de participer à de nombreuses compétitions avec OPCrew, principalement aux États-Unis. Ma première expérience remonte en août 2018 à Phoenix, en Arizona, dans la catégorie mégacrew (qui compte 15 à 45 personnes). Bien que notre effectif soit limité pour des raisons budgétaires, notre objectif était de monter sur le podium. Nous avons représenté la France parmi 8 crews lors du concours World Hip Hop, fondé par le Hip-Hop International (HHI), qui réunit des danseurs de plusieurs pays du monde. Malheureusement, nous n’avons pas été sélectionnées pour accéder aux étapes suivantes.
L’année d’après, en 2019, nous avons participé au World of Dance en catégorie adultes, aux Pays-Bas, pour les groupes de moins de dix danseurs. Bien que nous n’ayons pas remporté de classement également, l’expérience fut exceptionnelle.
Sur le plan national, notre succès a été marquant, notamment au Hip-Hop International France (HHI). En 2015, dans la catégorie adolescents, nous avons décroché la 4ème place. L’introduction de la catégorie méga crew en 2016 nous a propulsés à la 3e place, suivie d’une progression constante en 2017 et 2018, en seconde place. En 2019, nous avons atteint le sommet en devenant champions de France, ce qui a renforcé notre position dans le paysage Hip-Hop français.
Suite à la pandémie de Covid-19, les compétitions se sont malheureusement arrêtées. Nous avons cependant concentré nos efforts sur des performances scéniques, telles que la prestigieuse invitation au « All Stars Games » à l’AccorHotels Arena de Bercy, une des plus grandes scènes que nous avons pu faire.
5 catégories de compétition :
- Junior : de 7 à 12 ans ;
- Adolescents : de 13 à 17 ans ;
- Adulte : + de 18 ans
- Minicrew : tout âge confondu ;
- Megacrew : tout âge confondu ;
- JV Megacrew : 7/17 ans ;
La France ne médiatise pas autant le hip-hop que les États-Unis.
Selon vous, le Hip-Hop est-il un sport plus reconnu à l’étranger qu’en France, notamment aux USA ?
Je pense que tout provient de la musique. Le Hip-Hop est tout d’abord né aux États-Unis. Il s’agit d’un sport inscrit dans leur culture. Quand on se promène par exemple dans les rues de Los Angeles, il n’est pas anodin de croiser des danseurs performer dans la rue. Ensuite tout passe par la culture musicale. La danse n’est pas trop représentée dans les clips français de manière générale ; un peu plus aujourd’hui, mais très peu par le Hip-Hop. La France ne médiatise pas autant ce genre de danse que les États-Unis. Malgré tout, cette année, la catégorie break-dance a été introduite aux Jeux Olympiques ; j’ai été heureusement surprise. En espérant que la danse continue dans cette lancée de reconnaissance à travers le monde.
Que vous ont apportées vos diverses expériences à l’étranger ?
Mes expériences à l’étranger m’ont énormément appris, c’est indéniable. Mon évolution provient non seulement des compétitions, mais aussi des aspects humains de mon parcours. Quand nous nous préparons à performer au HHI, nous nous entraînons à côté des autres pays. Observer leur façon de penser, de chorégraphier, leurs routines d’entraînements, et partager cet espace avec eux a été très enrichissant. Je me souviens notamment d’un crew coréen qui faisait ses échauffements en récitant l’alphabet ; c’est assez surprenant, je dois l’avouer !
Qu’est-ce que le HHI ?
Le Hip-Hop International (HHI), fondé en 2002 à Los Angeles, est le producteur de compétitions et d’émissions télévisées majeures autour de la danse Hip-Hop. Parmi ses évènements parents figurent l’émission America’s Best Dance Crew sur MTV et le World Hip Hop Dance Championship, qui rassemble plus de 50 pays et 4 500 danseurs chaque année aux États-Unis. Le HHI est reconnu dans plus de 50 pays, avec plus de 140 millions de vues sur sa chaîne Youtube.
En France, le championnat national HHI est un rendez-vous majeur depuis 2009, propulsant les équipes lauréates au niveau mondial.
Malgré l’aspect de compétition, la barrière de langue et nos différences, nous avons entretenu des échanges avec tout le monde, créant ainsi une véritable connexion autour de notre passion commune pour la danse.
Nous sommes " les petits campagnards " qui représentent la France à l’étranger en quelque sorte ; c’est aussi une source de fierté particulière.
Évoluer à l’étranger participe-t-il au rayonnement de la France à l’international, d’après-vous ?
Absolument ! Même si nous n’avons pas décroché la médaille d’or à l’international, le simple fait de représenter notre pays du mieux possible est déjà un challenge. C’est aussi touchant de constater que des Français, en dehors de notre entourage, ont fait le voyage jusqu’aux États-Unis pour nous soutenir durant le HHI. De plus, nous venons d’Orléans, dans la région Centre-Val-de-Loire, et non pas de la capitale française : nous sommes "les petits campagnards" qui représentent la France à l’étranger en quelque sorte, c’est aussi une source de fierté particulière. Les dernières éditions du HHI France se sont d’ailleurs tenues au Zénith d’Orléans ; l’impact d’OPCrew, et plus globalement d’OP45, n’est pas anodin. Cela démontre que nous pouvons réussir et être reconnus, même originaires de petites régions rurales.
Avez-vous déjà envisagé de quitter la France pour évoluer à l’étranger ?
Oui, c’est quelque chose que j’ai déjà envisagé avec certains membres d’OPCrew. Nous participons parfois à des « camps de danse » à l’étranger par exemple, comme en Grèce - j’y retourne d’ailleurs cette année. Il s’agit de cours organisés par des danseurs et chorégraphes professionnels, parfois mondialement reconnus. Il s’agit d’un concept plus européen, bien que ces camps existent aussi aux États-Unis.
En été 2019 également, nous avons prolongé notre séjour et nous nous sommes rendus à Los Angeles, pour suivre ces cours, qui se déroulent généralement dans des entrepôts transformés en immenses studios de danse. Apprendre et danser aux côtés de grands chorégraphes que l’on admire à travers les réseaux sociaux, ou les diverses émissions télé, est une expérience tout simplement incroyable. D’autres villes comme New York offrent également ce type d’opportunités, mais il s’agit d’un style de Hip-Hop différent. Dans ce genre de cours, il est aussi très facile de se faire remarquer et de se voir offrir de grandes opportunités.
Mais il est important de noter que les danseurs européens sont également très talentueux : les Français excellent par exemple en matière de freestyle, tandis que les Américains sont souvent axés sur l’aspect scénique, le spectacle. De mon côté, je me rapproche davantage de la scène américaine.
Mais quitter totalement la France pour partir à l’étranger n’est pour le moment pas dans mes projets, je suis plus concentrée sur l'évolution de mon crew, Illégali !
À ma connaissance, aucun mégacrew féminin n’existe dans le monde. Illégali, c’est aussi cet esprit « girl-power ».
Quels sont vos projets en perspective ?
Le projet sur lequel je me concentre le plus reste mon crew, Illégali. Il s’agit d’une initiative qui a vu le jour il y a deux ans sous l'égide d'OP45, et c'est un projet personnel qui me tient énormément à cœur. Illégali est un megacrew composé de 30 jeunes filles : dans le milieu Hip-Hop, c’est quelque chose de très rare, ce style de danse étant un genre plutôt masculin. À ma connaissance, il n’existe aucun mégacrew de Hip-Hop entièrement féminin dans le monde. Il y a vraiment une bonne entente entre nous et un esprit « girl power » que je tente de transmettre au quotidien à mes danseuses.
Nous avons déjà accompli un bon parcours. En 2022, nous avons participé aux Jeunes Talents à Orléans, où nous avons décroché la 3e place. L’année dernière, nous avons relevé un défi majeur : The Code, un concours national au Zénith d’Orléans. Bien que n'atteignant pas la même envergure que le HHI, celui-ci prend de plus en plus d’ampleur dans le Hip-Hop français, et nous a d’ailleurs propulsés à la 3e place.
Grâce à l'implication d'OP45, nous contribuons à promouvoir le Hip-Hop à Orléans et dans toute la France, et ça fait vraiment plaisir.
Cette année, nous retournons à The Code avec l’ambition de tout déchirer ! Et pourquoi pas bientôt le HHI France…?