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Protection de la partie la plus faible dans les relations commerciales

Contrat de travail italieContrat de travail italie
Écrit par Pirola Pennuto Zei & Associati
Publié le 10 juillet 2018, mis à jour le 10 juillet 2018

Qui dit contractuel dit juste ? Un sujet complexe pour les juristes et plus encore pour les entreprises. Qu’en est-il en Italie.


Qui dit contractuel dit juste ? Pas toujours. Au contraire, il arrive souvent dans les relations commerciales - notamment entre fournisseurs et distributeurs de la grande distribution dite « GDO » - que l’une des parties se trouve dans une position de faiblesse empêchant le libre jeu de l’autonomie contractuelle. Le législateur s’est donc chargé de mettre en place plusieurs dispositifs (généraux ou spécifiques, comme ceux propres à l’agent commercial ou à la franchise, en instaurant par exemple des obligations d’information précontractuelle afin de réintroduire un peu de fair play en réduisant ce déséquilibre, tant dans la formation du contrat que dans son exécution.  Un sujet complexe pour les juristes et plus encore pour les entreprises. Qu’en est-il en Italie ?

Un principe général en matière de clauses abusives : la forme l’emporte sur le fond

Dès 1942, le code civil italien a prévu (articles 1341 et 1342), une protection contre les clauses dites abusives s’appliquant aux conditions générales de contrats et aux contrats d’adhésion (c’est-à-dire conclus sans une véritable négociation) tant entre particuliers qu’entre commerçants ou entreprises.
Tandis qu’en droit commun des contrats, le droit français sanctionne (en la frappant de nullité) toute clause introduisant dans les contrats d’adhésion un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties, l’article 1341 du code civil italien, dans une approche plus formaliste qui a le mérite de la clarté, fournit une liste exhaustive des clauses dites abusives (telles que les clauses limitatives de responsabilité, d’attribution de juridiction, de résiliation unilatérale ou de prorogation tacite du contrat) et en subordonne l’efficacité à l’approbation expresse et par écrit de la part du cocontractant. Ainsi, le juge n’apprécie pas, de manière concrète, au cas par cas, le caractère abusif d’une certaine clause au vu de l’économie globale du contrat comme en droit français, emportant avec soi l’incertitude - détestée par les juristes et les entreprises - quant à la validité de la clause. Dans le système italien, dès lors que le formalisme prévu par la loi a été respecté, ces clauses ne peuvent plus être remises en cause.

Le déséquilibre significatif en dehors du code civil : l’abus de dépendance économique

La notion de déséquilibre significatif, reprise en droit de la concurrence français (article L. 442-6 du code de commerce) en tant que source de responsabilité pour tout commerçant imposant à son partenaire des obligations vexatoires (pour parler à l’italienne), se retrouve en Italie au détour de l’article 9 de la loi n. 192/1998, sanctionnant tout abus de dépendance économique de la part d’une entreprise à l’encontre d’une autre entreprise cliente ou fournisseur. Un tel abus peut prendre la forme d’un refus de vendre ou d’acheter, de conditions contractuelles discriminatoires ou encore de la rupture brutale des relations commerciales. Bien que cette loi traite de la sous-traitance, la jurisprudence a étendu la disposition à toutes les relations commerciales entre entreprises, sous condition cependant de l’existence d’une dépendance économique entre les cocontractants. Le déséquilibre significatif est ici sanctionné par la responsabilité de l’auteur de la clause l’obligeant à réparer le préjudice subi par le cocontractant et par la nullité de la clause.

La rupture des relations commerciales : peut-on en sortir en toute impunité ?

Mettre fin à une relation commerciale, notamment de longue durée, peut ne pas être aisé. S’il est vrai qu’en droit italien il n’existe pas de disposition générale comme celle contenue à l’article L.442-6 du code de commerce français concernant la rupture brutale des relations établies, il n’en demeure pas moins vrai qu’il faut faire attention quand on souhaite se séparer d’un partenaire commercial. Outre les dispositions prévues en matière d’abus de dépendance économique, la jurisprudence en matière de distribution a précisé que pour résilier un contrat (ou une relation commerciale établie) il faut toujours respecter un préavis conforme à la bonne foi au regard de la durée de la relation, en évitant tout abus au vu des modalités d’exercice d’un tel droit, indépendamment de l’éventuel préavis prévu au contrat. En outre, la loi n. 192/1998 susmentionnée frappe de nullité toute clause contenue dans un contrat de sous-traitance prévoyant la faculté d’interrompre la relation sans un délai de préavis équitable.

La lutte contre les retards de paiement

Retarder le paiement des fournitures constitue un abus à l’égard des créanciers qui provoque des déséquilibres financiers au sein de la filière, menaçant de crise les entreprises, en particulier celles individuelles ou de petite taille, ce qui explique les raisons d’une règlementation spécifique, proche de celle française car issue de la même directive européenne, au-delà de certaines différences. Ainsi, en droit italien, le délai de paiement « légal » est de 30 jours, les parties pouvant s’accorder pour un délai supérieur, pourvu que, s’il est supérieur à 60 jours, cela soit fait par écrit et ne soit pas sérieusement inéquitable. Le texte prévoir par ailleurs, en cas de retard de paiement, l’application d’un taux d’intérêt égal à celui appliqué par la BCE majoré de 8 points ou 12 dans le secteur agroalimentaire.

Sans remettre en question le principe général de liberté contractuelle, la réponse à la question « qui dit contractuel dit juste ? » est donc nuancée, tant dans les relations commerciales B2B comme nous venons de le voir, que dans les contrats conclus avec les consommateurs (B2C), comme nous l’examinerons lors de notre prochain rendez-vous après l’été !

 

Studio avocats fiscaliste milan Pirola

Avec la collaboration de Nicola Lattanzi, Avocat au Barreau de Milan  

 

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