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L’ invitation au voyage dans une Italie multiforme, de Philippe Vilain

Philippe Vilain devant la mer de NaplesPhilippe Vilain devant la mer de Naples
L'écrivain français Philippe Vilain, dirige la collection Narratori Francesi Contemporanei des éditions Gremese.
Écrit par Marie-Astrid Roy
Publié le 15 août 2021, mis à jour le 2 août 2023

L’écrivain français Philippe Vilain, napolitain d’adoption, œuvre à créer des passerelles culturelles entre la France et l’Italie. A l’instar des deux recueils de récits littéraires à paraître : Bella Italia et son pendant italien, Douce France.

 

Bella Italia est un recueil de récits littéraires invitant au voyage en Italie : pouvez-vous expliquer ce projet ?

Parce que l’Italie fascine depuis longtemps les écrivains français qui, de Montaigne à Patrick Modiano, de Stendhal à Dominique Fernandez n’ont pas cessé d’être inspirés par ce pays, parce que l’Italie constitue un territoire d’élection sans pareille pour nourrir son romantisme et s’éduquer à l’art du Beau, j’avais envie de réunir un certain nombre d’auteurs contemporains pour les inviter à explorer la relation qu’ils entretiennent avec ce pays. Je voulais savoir pourquoi le bel paese continue d’inspirer les écrivains français et je souhaitais connaître les raisons de leur italophilie, leur envoûtement pour un pays qui, d’ailleurs, divise parfois les Italiens eux-mêmes. Ce recueil de récits brefs, Bella Italia, peut ainsi être lu comme une déclaration d’amour à l’Italie mais peut tout aussi bien être lu comme un guide littéraire et intime du « voyage en Italie ».
Bella Italia a d’ailleurs suscité la création de son pendant italien, Douce France, recueil de récits brefs réunissant des auteurs italiens évoquant leur rapport à la France. Je suis très heureux d’avoir initié ce projet et de voir la dimension que celui-ci a prise en très peu de temps au profit d’une publication en miroir tout à fait singulière.

Comment avez-vous sélectionné ces auteurs français qui donnent leur point de vue sur l’Italie ?

Il y a les auteurs dont j’estime l’œuvre et que je sollicite ; et il y a les auteurs, assez nombreux, qui me sollicitent directement, et parmi lesquels je dois choisir, c’est-à-dire faire des mécontents. Dans ce choix, je suis soucieux de réunir des auteurs provenant d’univers très différents (comme Johan Faerber, Hervé Joubert Laurencin qui sont des brillants critiques de la littérature, et le réalisateur Lucas Belvaux qui m’est familier parce qu’il avait adapté mon roman Pas son genre au cinéma), mais aussi de réunir des auteurs reconnus à côté d’autres moins visibles. Cette mixité me tenait à cœur.

Quels sujets abordent-ils ? Quelles villes de la péninsule parcourt-on ?

C’est une Italie multiforme que ces auteurs représentent, plutôt des Italies, réelles et imaginaires, politiques et romantiques, étrangères et familières, muséales et populaires, fraternelles et maternelles, désirables, érotisées et fantasmées –visitées parfois « au-dessous de la peinture » comme l’écrivait Henri Calet-, dont le point commun est de permettre tout à la fois la description et le retour d’une mémoire, un voyage intérieur, de ressusciter aussi un sentiment de soi, un sentiment archéologique écrit très justement le poète Stéphane Bouquet. L’Italie semble incarner le désir-même du Voyage. Alors nous parcourons Venise, Turin, Ancône, Vintimille, San Remo, Rome, Florence, Milan, Trieste, Naples, la Sicile, soit tout le territoire de la Stendhalie. Nos auteurs ont l’Italie dans le cœur. Pour eux, l’Italie reste la mère des Arts et du Beau, mais c’est aussi une carte-postale de la mémoire, le souvenir de vacances ensoleillées, de voyages en train et de gelato al limone, d’amours et de flirts enchantés.

 

Aimer l’Italie c’est peut-être trouver son lieu le plus intime

 

Leur perception de l’Italie varie-t-elle d’une région à l’autre ? Et la vôtre ?

C’est une question intéressante. J’ai remarqué que la perception de ces auteurs varie parce que chacun nourrit bien évidemment une vision singulière de ce pays, mais que cette vision ne varie pas forcément en raison de la sensibilité de ces auteurs aux différences-mêmes des régions, aux antagonismes profonds ou même aux rivalités ataviques parfois que ces régions peuvent nourrir.
Certains auteurs se reconnaissent une passion avec l’Italie, un attachement fort, un lien culturel et personnel avant tout mais qui ne leur fait pas forcément percevoir les divisions et les déchirements de ce pays. En revanche, des auteurs comme Evelyne Bloch-Dano pour sa Sicile, Alain Vircondelet pour sa Venise, qui se dit « de l’Italie », et plus particulièrement « de Venise », et moi-même pour ma Naples -–moi qui n’ai pourtant jamais nourri aucun sens d’appartenance à une localité et qui me suis toujours senti « étranger » dans mon propre pays -, sommes peut-être plus sensibles à ces variations régionales, à ce que signifie, en Italie, se reconnaître d’une ville, d’une région, d’un pays, d’une terre quelconque. L’Italie tout entière est traversée par ces questionnements à propos de l’appartenance à un territoire, y compris au sein même des villes où être de tel quartier s’avère différent d’être d’un autre. Aimer l’Italie c’est peut-être trouver son lieu le plus intime, c’est se découvrir un pays ou une ville à soi.

Amoureux de l’Italie, vous œuvrez en faveur de la coopération franco-italienne littéraire au sein des éditions Gremese...

Cette mission est aussi essentielle que stimulante, et je prends beaucoup de plaisir à essayer de créer des passerelles culturelles entre les deux pays, à faire traduire en italien des romans français. Mon objectif, par ailleurs, à travers la création d’ouvrages collectifs notamment comme Bella Italia, est de constituer une famille d’écrivains dont les publications seront susceptibles de nourrir, dans les prochaines années, la collection Narratori Francesi Contemporanei. Un éditeur a besoin d’écrivains de qualité, et les écrivains ont besoin de traductions pour rendre visible leur œuvre, l’étendre à de nouveaux territoires et lui donner de l’épaisseur. Une traduction apporte cela.

Quels sont vos prochains projets ?

Il y en a beaucoup, c’est une période très créative pour moi. Tout d’abord, mes projets éditoriaux. Il y en a deux. Le premier est de réunir –ce que je fais en ce moment- des auteurs pour constituer un nouveau recueil sur les écrivains italiens. Il s’agit pour chaque auteur de questionner son rapport avec un écrivain, à travers un texte personnel, d’opinion et de réflexion, de dire la singularité de l’œuvre, ce qu’elle dit de son époque de la société. J’aime que les écrivains parlent des écrivains, sans doute parce qu’ils ont toujours une compréhension plus sensible du travail de l’écriture, de ses difficultés, de ses réussites et de ses impasses.

Le second projet, auquel j’avais commencé de réfléchir avant l’épidémie, concerne des rencontres avec des écrivains. Dès l’année prochaine, en 2022, lorsque l’épidémie sera derrière nous, mon souhait est de faire inviter en Italie des écrivains, avec le soutien des Instituts français et des universités italiennes, et de les faire présenter leur œuvre à l’université dans le cadre d’une production interactive. Depuis ma prise de fonction chez Gremese, ma seule frustration est que, pratiquement tous les événements et toutes les rencontres, que nous avions prévu de réaliser, ont été mis en sommeil, mais j’ai bon espoir que tout reprenne rapidement, après le mois de septembre.

Et puis, il y a mes projets personnels, littéraires je veux dire : j’achève un roman « napolitain » pour les éditions Grasset, et, ensuite, j’envisage d’écrire la suite de Pas son genre. Cela me tient à cœur de reprendre cette histoire plus de dix années après son écriture, six années après la sortie du film. C’est le bon moment et cela faisait longtemps que je n’avais pas eu un tel désir d’écrire. Et enfin, il y a le projet éditorial de la revue Dalhousie French Studies qui consacrera le numéro de l’été 2023 à mon œuvre, « Philippe Vilain, romancier de la pensée critique ». Je profite de cette occasion pour remercier chaleureusement la quinzaine de chercheurs-universitaires qui contribueront à cet ouvrage. C’est une revue que je consultais lorsque j’étais étudiant dans les années 90, alors forcément, c’est, pour moi, après l’ouvrage universitaire Philippe Vilain ou la dialectique des genres, une distinction importantissime.

 

Couverture livre Bella Italia

 

L’ouvrage Bella Italia sortira simultanément avec Douce France, son pendant italien, à partir du 15 juin en France, et à la rentrée prochaine en italien.

 

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