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Apeurée mais inerte : le portrait de l’Italie du Rapport Censis 2023

Le 57e rapport Censis photographie la situation sociale du pays, et pointe du doigt les préoccupations des Italiens, mais en même leur « hypertrophie émotive » comme la définit l’Institut de recherche. En matière de droits civils, une nouvelle ère se dessine.

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Unsplash
Écrit par Marie-Astrid Roy
Publié le 4 décembre 2023, mis à jour le 11 décembre 2023

« La société italienne semble souffrir de somnambulisme, plongée dans un profond sommeil du calcul rationnel qui serait pourtant nécessaire pour faire face à des dynamiques structurelles aux conséquences désastreuses ». C’est ce qu’affirme l’Institut de recherche Censis dans son 57e rapport annuel sur la situation sociale du pays, présenté le1er décembre à Rome. « Certains processus économiques et sociaux, dont les effets sont largement prévisibles, sont écartés de l'agenda collectif du pays ou en tout cas sous-estimés », ajoute le rapport.

« Tout est une urgence, mais rien ne l’est vraiment », constatent les chercheurs. Pour 80% des Italiens le pays est en déclin, pour 69% la mondialisation engendre plus de dommages que de bénéfices. 84,0% des Italiens ont peur du climat devenu "fou", 73,4% craignent que les problèmes structurels non résolus du pays ne provoquent dans les années à venir une très grave crise économique et sociale avec une pauvreté et une violence généralisées. Pour 73,0% des bouleversements mondiaux soumettra l'Italie à la pression de flux migratoires de plus en plus intenses sans qu’il ne soit possible de gérer l'arrivée de millions de personnes fuyant les guerres ou le changement climatique. En outre, 53,1% craignent que la dette publique colossale ne provoque l'effondrement financier de l'état. Le retour de la guerre a aussi suscité de nouvelles craintes : 59,9 % des Italiens craignent qu'éclate un conflit mondial qui impliquerait également l'Italie. Et pour 59,2 % l’Italie n'est pas en mesure de se protéger des attaques terroristes djihadistes.

Une Italie « somnambule » face à la crise démographique

D’ici 2050, l’Italie aura perdu au total 4,5 millions d’habitants, l’équivalent des deux plus grandes villes du pays, Rome et Milan. Le déclin démographique résultera d'une diminution de 9,1 millions d’individus de moins de 65 ans. Le pays comptera également près de 8 millions de personnes en âge de travailler de moins en 2050. Une réduction qui aura un impact inévitable sur le système de production. Mais le « somnambulisme » n’est pas seulement imputable aux classes dirigeantes, le phénomène est répandu parmi la majorité des Italiens, d’après le Censis : 56,0% (61,4% parmi les jeunes) sont convaincus qu'ils comptent peu dans la société.

Manque d’influence des jeunes

L’Italie compte actuellement un peu plus de 10 millions de 18-34 ans, soit 17,5% de la population totale, contre 13 millions, soit 23% de la population, il y a 20 ans. Et les prévisions pour l’avenir sont fortement négatives : en 2050, il y aura un peu plus de 8 millions de personnes âgées de 18 à 34 ans, soit à peine 15,2 % de la population. Peu nombreux au niveau démographique, les jeunes comptent peu dans la société. Par exemple, seuls 11,1 % des 7.786 maires italiens actuellement en fonctions (860 au total) ont 40 ans maximum. La grande majorité des Italiens (57,3%) reconnaît que les jeunes sont la génération la plus pénalisée de toutes

Les personnes âgées de demain

Si les jeunes italiens fuient leur pays, les personnes âgées qui restent se retrouvent de plus en plus seules. Et si aujourd’hui elles représentent 24,1% de la population totale, en 2050 elles seront 4,6 millions de plus et atteindront 34,5% du total. Les personnes âgées de demain seront toujours plus sans enfants et de plus en plus seules, rapporte le rapport Censis. Le nombre moyen de membres d'une famille diminuera en effet de 2,31 en 2023 à 2,15 en 2040. Les couples avec enfants diminueront jusqu'à ne représenter plus que 25,8% du total en 2040, tandis que les ménages composés d’une seule personne augmenteront à 9,7 millions (37% du total). Parmi eux, ceux constitués de personnes âgées représenteront près de 60 % (5,6 millions) en 2040.

Les nouveaux désirs de la population

Les désirs de la population italienne évoluent également. Avant la recherche de la richesse, c’est le bien-être au quotidien qui prime : 62% recherchent des moments à se consacrer et 94% valorisent le bonheur émanant des petites choses de tous les jours comme les loisirs et les passions personnelles. Plus de 80 % se déclarent très attentifs à la gestion du stress et aux relations personnelles. Et la satisfaction professionnelle n’est plus au premier plan : pour près de neuf salariés sur dix, mettre le travail au centre de la vie est une erreur.

En ce qui concerne les droits, une nouvelle ère semble s’ouvrir. Environ 74% des Italiens se disent favorables à l'euthanasie tandis que sept Italiens sur dix approuvent l'adoption d'enfants par des célibataires et 54% par des couples homoparentaux.

L’Italie, un pays d’émigration

En attendant, nombreux sont ceux qui cherchent une vie meilleure à l’étranger. L’Italie continue d'être un pays d'émigration : plus de 5,9 millions d'Italiens vivent actuellement à l'étranger, soit 10,1% des résidents en Italie), alors que 5 millions d'étrangers résident en Italie, soit 8,6% de la population. Et la tendance augmente : les Italiens installés à l'étranger ont augmenté de 36,7% au cours des dix dernières années, soit près de 1,6 million de plus.

Parmi eux, figurent de plus en plus de jeunes. L'année dernière, l’Italie comptait 82.014 expatriés, dont 44% avaient entre 18 et 34 ans (36.125 jeunes).

 

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