La signature du traité de double nationalité franco-espagnole permet de clarifier la situation pour les Français déjà binationaux et, pour les autres, de ne plus avoir à renoncer officiellement à leur nationalité. Mais concrètement, qu'est-ce que ça va changer ? Et quelles sont les démarches ?
Le traité de double nationalité entre l’Espagne et la France a finalement été signé. Plusieurs années de négociations difficiles et de pressions diplomatiques ont été nécessaires pour aboutir à cet accord historique. Il aura cependant fallu attendre encore plus, Covid oblige, pour que les deux pays scellent cet accord le 15 mars dernier.
Une légitimation de la double nationalité
La déclaration commune stipule que cette convention "ouvre la possibilité aux ressortissants des deux pays d’acquérir la nationalité de l’autre État et facilitera la vie quotidienne de milliers de nos concitoyens". Cependant, pour beaucoup de Français et d’Espagnols qui possèdent déjà les deux nationalités depuis des années, dans les faits cet accord ne change rien, si ce n’est que cela officialise une situation qui, jusqu’ici, n’était pas permise par l’Espagne. Pour cette raison, cette convention est présentée comme la légitimation de la double nationalité franco-espagnole.
En effet, la législation espagnole actuelle est très restrictive et ne permet qu’aux ressortissants de certains pays d’avoir la double nationalité. Ainsi, l’Espagne n’octroie le droit à la double nationalité qu’aux pays ibéro-américains (dans lesquels sont inclus Andorre et le Portugal), aux Philippines et à la Guinée Équatoriale.
Les Français devaient renoncer à leur nationalité
Cet accord, le premier du genre à être signé avec un État extérieur à ce que l’Espagne considère comme "la sphère ibéro-américaine", va donc désormais permettre aux Français d’obtenir la nationalité espagnole sans devoir renoncer à leur nationalité française.
Cela équilibrera la balance puisqu’il y avait une certaine forme d'injustice du fait que l’Espagne obligeait les Français à renoncer à leur nationalité alors que la France n'exige pas qu'un étranger devenu français renonce à sa nationalité d'origine.
Quels avantages ?
Outre cette légitimation de la double nationalité franco-espagnole, l’obtention du statut de binational présente plusieurs avantages pour les Français qui résident en Espagne. Avoir deux passeports peut faciliter le passage des frontières en cas de fermeture. On s’en rend particulièrement compte en ce moment. Mais cela peut également permettre de simplifier des démarches administratives telles que l’obtention d’un visa (certains pays demandant un visa aux ressortissants français et pas aux Espagnols et vice versa).
Par ailleurs -et c’est loin d’être négligeable, en particulier pour ceux qui paient déjà leurs impôts en Espagne-, la double nationalité franco-espagnole permettra de voter ou même d’être élu lors des élections nationales ou autonomes. Il sera aussi possible de postuler à la fonction publique espagnole, tout en gardant sa nationalité française. Cependant, de nombreux postes sont déjà accessibles aux ressortissants de pays membres de l’UE.
Quelles démarches ?
Selon le texte de l’accord signé entre la France et l’Espagne, les ressortissants des deux pays pourront acquérir la nationalité de l’autre État, "dès lors qu’ils remplissent les conditions définies par l’État en question". Autrement dit, les procédures d’accès à l’une ou l’autre nationalité restent inchangées et, comme le signale dans son communiqué La Moncloa "aucun privilège d'accès à la nationalité n'est prévu, ni de réduction du nombre d'années pour obtenir la nationalité espagnole par résidence, qui restera de 10 ans pour les citoyens français".
Par conséquent, pour qu’un Français qui vit en Espagne depuis au moins dix ans puisse demander la nationalité espagnole, il doit y résider légalement et de manière ininterrompue. Cela veut dire quoi ? La résidence légale en Espagne est accréditée par le certificat du registre central des étrangers, où sont indiqués le nom, la nationalité et l'adresse de la personne inscrite, ainsi que son numéro d'identité d'étranger (NIE) et la date d'inscription (qui compte ainsi comme preuve de la date d'arrivée sur le territoire). Attention, le temps passé en Espagne en tant qu'étudiant n'est pas valable pour l'acquisition de la nationalité espagnole.
Autre cas de figure : les Français ayant un parent ou conjoint de nationalité espagnole. Dans ce dernier exemple, il est possible de demander la nationalité espagnole après un an de mariage.
En ce qui concerne les démarches à suivre, le parcours du combattant consiste en premier lieu à adresser la demande au registre civil du domicile en remplissant le formulaire 790 accompagné des justificatifs (NIE, passeport, certificat de "empadronamiento", certificat de naissance, traduit officiellement, etc. Toute l’information se trouve sur www.mjusticia.gob.es.)
La dernière étape consiste à passer deux tests auprès de l'Institut Cervantès afin de déterminer le niveau d’espagnol et d'intégration dans le pays.
Il s’agit :
- du diplôme d'espagnol DELE (niveau A2 ou supérieur) pour pouvoir justifier d’une maîtrise basique de la langue espagnole. Un minimum de 60% de bonnes réponses est nécessaire pour valider l’examen.
- du diplôme Connaissances Constitutionnelles et socioculturelles de l'Espagne (CCSE) pour justifier d’un minimum de connaissances sur l'histoire de l'Espagne et sa réalité socio culturelle. Il s’agit d’un test de 25 questions qui traitent de culture générale, d'histoire ou de sujets de société. Comme pour le DELE, il faut obtenir au moins 60% de bonnes réponses (15 sur 25). L'institut Cervantès a mis en ligne un guide pour se préparer à cet examen.
Enfin, pas besoin de se précipiter puisque ce traité de double nationalité franco-espagnole n’entrera en vigueur qu’à l’issue des procédures de ratification espagnole et française, qui durent normalement plusieurs mois. Comme on dit en Espagne, las cosas de Palacio van despacio, pour faire référence à la lenteur administrative…