Vous souhaitez vous mettre à votre compte? Télétravailler depuis l'Espagne ou la France? Mais quel statut choisir? Décryptage avec les témoignages de Français qui ont opté pour l'un des deux systèmes.
Inscription plus simple en France
En premier lieu, et de l'avis de tous, il est beaucoup plus simple et rapide de se déclarer autoentrepreneur en France. On le fait directement en ligne sur le guichet unique, depuis le 1er janvier 2023. Seule condition à prévoir pour les Français qui vivent déjà en Espagne: Il est indispensable d'avoir une adresse postale en France.
En Espagne, en revanche, le processus est plus compliqué pour devenir "autonomo" et il est facile de commettre des erreurs. Il faut bien penser par exemple à faire "el alta" (la déclaration) de façon simultanée auprès des autorités fiscales et de la sécurité sociale des autonomos (RETA). Il est d'ailleurs conseillé de se déclarer autonomo vía les PAE, Puntos de Atencion al Empresario, qui sont non seulement des centres d'information bien utiles, mais qui peuvent aussi s'occuper de cette démarche. Il suffit de prendre rendez-vous pour s'informer.
Alors qu'il est toléré en France de se déclarer autoentrepreneur et de travailler depuis l'Espagne, il n'en est pas de même avec l'Espagne
Autre différence avec la France: en Espagne, il n'est pas obligatoire d'avoir un compte séparé, à la différence de la France qui exige un compte impôt professionnel.
Aussi simplifié en France pour les micro-entrepreneurs
Fiscalement, le régime micro-entrepreneur en France est hyper simplifié: jusqu’à 72.600 euros de recettes, il n'est pas obligatoire de tenir une comptabilité. Il faut juste déclarer à l’URSSAF ce qu’on a encaissé, et indiquer les recettes en déduisant simplement un forfait de charges.
En Espagne, en revanche, il faut tenir des livres comptables, et garder toutes les factures. Par ailleurs, si l'on facture avec TVA (la grande majorité des secteurs, à l'exception des domaines de la santé, de l'éducation, des organismes publics ou de la culture), il faudra effectuer une déclaration trimestrielle au fisc pour rendre la TVA perçue.
C'est pour cette raison qu'une majorité de travailleurs indépendants préfèrent confier leur comptabilité à ce qu'on appelle en Espagne un "gestor" qui s'occupera de tenir les comptes et faire les déclarations pertinentes auprès de l'administration fiscale espagnole (AEAT). Cela a bien sûr un coût (entre 60 et 100 euros minimum par mois) mais cela peut être le prix à payer pour être tranquille.
En France, zéro euro encaissé, zero euro payé
Les revenus pris en compte pour le calcul des cotisations sociales ne sont pas les mêmes d'un côté et de l'autre des Pyrénées: Ainsi, en France, par exemple, on paye 20% sur les revenus bruts, c’est-à-dire si l'on gagne 2.000€ on payera 400 euros de cotisation sociale. Si on ne gagne rien, on ne paie rien.
En Espagne, ce n'est pas le cas. La cotisation dépend du revenu moins les charges et il y aura toujours un minimum de 234€ à payer (jusqu'à 670€ gagnés). Si l'on gagne 2.000€ mais on a par exemple 400 € de dépenses, ça fait un revenu net de 1.600 euros et la cotisation en Espagne sera alors de 299€. Il faut donc bien réfléchir et faire ses calculs, en fonction des charges que l'on peut déduire.
En outre, depuis le 1er janvier 2023, le régime de cotisation en Espagne s'est compliqué un peu plus. Ainsi, le mode de calcul des cotisations change au “réel”. C'est à l’autónomo d'indiquer à l'avance à la Sécurité sociale sa prévision de revenus annuels pour calculer ses cotisations, avec la possibilité́ d’ajuster six fois dans l’année. On l'a vu, jusqu'au 31 décembre 2022, la cotisation minimum était la même indépendamment des recettes. L'autonomo pouvait donc choisir de payer entre 293 €, le minimum, jusqu'à 1266 €.
Désormais, la cotisation dépend du chiffre d'affaire et il existe 15 tranches de revenus. Pour faciliter le calcul exact de la cotisation minimum à payer en fonction des revenus, le site de la TGSS (Trésorerie générale de la sécurité sociale) a mis en ligne un simulateur très simple d'utilisation.
A signaler enfin que ceux qui deviennent autonomo pour la première fois (ou à condition qu'un délai de 3 ans soit passé) bénéficient d'un forfait (tarifa plana) de 80 euros par mois pendant un an, voire deux ans en fonction des revenus. Certaines communautés autonomes, comme Madrid, subventionnent entièrement cette 'tarifa plana', autrement dit, le travailleur indépendant ne paie pas de cotisation sociale pendant un an (deux ans s'il touche moins du SMIC).
Les différences de l'impôt sur le revenu
En Espagne, tous les autonomos sont mis à la même enseigne et les impôts dépendront de plusieurs facteurs, dont les dépenses déductibles et le lieu de résidence. En France c’est différent. Il peut y avoir par exemple des réductions exceptionnelles et des bonifications suivant le statut de l'autoentrepreneur. Il convient donc là aussi de faire ses calculs. Un autoentrepreneur qui a une famille nombreuse paiera certainement moins d'impôts en France qu'en Espagne.
Attention aux autoentrepreneurs qui travaillent depuis l'Espagne
Si une personne garde ou prend le statut français d'autoentrepreneur mais travaille depuis l'Espagne, elle paiera ses impôts en Espagne. De l'avis de certains Français, cela peut compliquer les choses. Il faut bien penser que cet autoentrepreneur n'aura droit à aucune déduction, ce qui est loin d'être un détail. De plus, les clients en Espagne préfèrent des factures espagnoles, qui supposent moins de complications.
Enfin, sur les factures émises à des entreprises, le travailleur indépendant devra retenir 15% du montant de la facture (HT) au titre de l’impôt sur le revenu (7% l’année de la création et les deux suivantes). Si la majorité des clients sont des entreprises situées en Espagne (minimum 70% de la facturation), l'autonomo n’a pas d’autres déclarations à faire. Dans le cas contraire (une majorité de clients français par exemple), l’autónomo doit déclarer tous les trimestres son bénéfice et verser un acompte correspondant à 20% de ce bénéfice obtenu au moment de la déclaration (en déduisant les versements des trimestres antérieurs et éventuellement les retenues à la sources pratiquées par les clients).
Le casse-tête de la TVA en Espagne
En ce qui concerne la TVA, encore une fois, en France c’est fait pour être simple: Ainsi, il y a une franchise de la TVA pour les services jusqu’à 36.000€ facturés et il n'y a donc pas de TVA à inclure sur la facture, mais cette franchise est uniquement sur le territoire national. Avec l’Espagne, on ne paye pas non plus de TVA. Par contre, il faut demander un numéro de TVA intracommunautaire, mais c’est très facile. C'est par exemple le cas des personnes qui ont quitté leur boîte en France pour faire du télétravail en Espagne, et donc facturent depuis l’Espagne à leur ancienne entreprise française; leurs factures sont sans TVA.
Être autoentrepreneur en Espagne ou autonomo en France?
A signaler enfin un point fondamental: alors qu'il est toléré en France de se déclarer autoentrepreneur et de travailler depuis l'Espagne, il n'en est pas de même avec l'Espagne. Une personne qui devient "autonomo" doit avoir sa résidence en Espagne, de même que son compte bancaire. De plus, si cette personne a reçu des aides de la communauté autonome où elle réside pour devenir autonomo, un changement de résidence aura des conséquences fâcheuses (devoir rembourser les aides perçues, par exemple). Enfin, le statut de microentrepreneur n'existe pas en Espagne. En résumé, il faut prendre sa calculatrice pour voir ce qui convient le mieux, en fonction des prévisions de revenus et de dépenses.