Quand Velasquez meurt, le roi d'Espagne Philippe IV frémit de chagrin. Il lui reste le souvenir de quarante années d’amitié. Vélasquez fut chargé de préparer la rencontre du jeune Louis XIV avec l’infante Marie-Thérèse, la future reine de France.
Dans la touffeur de Madrid, le 7 août 1660, sous les voûtes de l’église paroissiale de San Juan Bautista, résonnent les derniers chants funèbres en l’honneur de Diego R. de Silva y Vélasquez, chevalier de l’ordre de Saint-Jacques. Philippe IV frémit de chagrin. Celui qui vient de mourir l’a accompagné tout au long de son règne et l’a immortalisé dans son art. Près de quarante ans passés côte à côte, où le roi a posé pour son peintre favori. Quarante années d’amitié faite de confidences et d’une confiance que le peintre n’a jamais trahie.
Premières années de l’artiste à Séville
Diego Rodriguez de Silva, baptisé en l’église San Pedro à Séville, le 6 juin 1599, naît un an avant le début du siècle. Son père était natif de Séville bien que d’origine portugaise. Sa famille fait partie de la petite noblesse. Le talent de Vélasquez se révéla tôt, commençant sa formation à l’atelier de Francisco de Herrera le Vieux, peintre prestigieux de Séville, puis il acquit une formation technique à l’atelier de Pacheco. Durant 5 années, le jeune Vélasquez écoute son maître Pacheco lui affirmer qu’il n’y a pas de salut hors de l’Italie. En 1617, Vélasquez devient membre de la corporation de Saint-Luc qui lui donne le droit d’ouvrir son propre atelier, de former des élèves, de peindre pour des églises et des édifices publics.
Vélasquez à Madrid
Vélasquez se rendit à Madrid sous prétexte d’étudier les collections de peintures de l’Escorial. Philippe IV règne depuis peu, et Vélasquez est présenté au roi qui connaît la rumeur concernant son talent. Le roi est un jeune homme de dix-huit ans dont l’extrême fraîcheur masque des traits caractéristiques des Habsbourg. C’est ainsi que le premier portrait du roi peint par Vélasquez inaugure une longue série qui couvrira quarante années. L’amitié de Philippe IV et de Vélasquez ne sera pas seulement un lien d’estime et de respect entre le pouvoir et le génie, mais aussi la rencontre entre deux hommes qui ont presque le même âge et qui, face aux vicissitudes de la vie, seront compagnons de route. Le roi n’a-t-il pas dit : “ Je ne veux plus à l’avenir d’autre peintre que Diego Vélasquez !”.
Le 6 octobre 1623, celui qu’on surnomme à Madrid “le Sévillan” est officiellement attaché à la maison du roi, aux appointements de vingt ducats par mois. 1628 est l’année où le peintre rencontre Pierre-Paul Rubens avec lequel il partage son atelier. Ils deviennent amis, visitent ensemble les collections et les églises, échangent des idées sur l’art et philosophent sur la vie.
Premier voyage en Italie
Après le départ de Rubens, Vélasquez sollicite une licence du roi pour voyager en Italie et compléter ses études. Ce voyage marque un changement décisif dans sa peinture. L’influence de l’art italien sur Vélasquez est notable dans ses tableaux: La Forge de Vulcain, la Tunique de Joseph, toiles réalisées de sa propre initiative. A Rome, il peint deux petits paysages du jardin de la Villa Médicis: L’Entrée de la grotte et Le Pavillon de Cléopâtre-Ariane.
Son retour d’Italie
Philippe IV le couvre d’honneurs, le roi songe à créer à Madrid une Académie des Beaux-Arts et charge Vélasquez d’une mission à Rome pour chercher des idées et des conseils, en même temps que des moulages pour la nouvelle école et des tableaux pour les palais royaux.
Trois œuvres choisies pour leur caractéristiques spécifiques
- Portrait de l’infante Marie-Thérèse, fille chérie du roi Philippe IV. Huit ans après avoir peint ce portrait, Vélasquez sera chargé de préparer la rencontre avec le jeune Louis XIV qui fera de l’infante Marie-Thérèse la reine de France.
- La Vénus au miroir : Le 11 mars 1914, la suffragette Mary Richardson lacère de sept coups de hache La Vénus au miroir, exposé à la National Gallery de Londres. Elle proteste contre l’arrestation d’une autre féministe anglaise ! Ce geste permet néanmoins à la toile d’être restaurée. Le corps de la Vénus en forme de guitare ne cède en rien aux sensuelles Vénus du Titien.
- Les Ménines : L’infante Margarita entourée de ses demoiselles d’honneur (les ménines) vient d’entrer dans le salon de l’Alcazar où Vélasquez peint, à moitié caché par un châssis. Et que peint-il ? Le roi Philippe IV et la reine Mariana qui, occupant notre place à l’extérieur du tableau, apparaissent reflétés dans un miroir suspendu au fond de la pièce. Entre l'œuvre d’art et la réalité, entre ce qui vit et ce qui est représenté, la frontière est brisée. Quand le tableau fut terminé, le roi se serait tourné vers l’artiste en lui disant : “Il manque quelque chose à votre tableau”. Prenant un pinceau, il aurait tracé sur la poitrine de son portraitiste favori la croix rouge de Saint-Jacques.
A l’aube du XVIIe siècle, l’Espagne peut avec fierté se pencher sur son passé : elle a asservi l’Amérique, subjugué l’Allemagne et l’Italie, humilié la France à Pavie, arrêté à Lépante les puissances de l’Orient, essaimé ses hordes de soldats maigres et bruns aux yeux brillants portant des chapelets enroulés à leur poing. L’Espagne est surtout fière de son artiste préféré: Vélasquez !