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Nancy Berthier : "L’hybridité de la Casa de Velázquez, c’est sa richesse"

Nancy Berthier, directrice de la Casa de Velázquez à MadridNancy Berthier, directrice de la Casa de Velázquez à Madrid
Nancy Berthier, directrice de la Casa de Velázquez à Madrid / DR
Écrit par Armelle Pape Van Dyck
Publié le 1 février 2022, mis à jour le 3 février 2022

Première femme à diriger la prestigieuse Casa de Velázquez, Nancy Berthier a plusieurs projets très ambitieux pour une institution qu’elle connaît bien. L’une de ses priorités sera de mettre en valeur la spécificité de Casa Velázquez qui en fait un établissement unique dans le monde.


"J’ai un peu l’impression de revenir à la maison en étant à la Casa de Velázquez -affirme avec émotion Nancy Berthier. Ça a vraiment été étrange comme sensation". Il faut dire que la nouvelle directrice depuis le 1er janvier de la Casa de Velázquez en a été membre entre 1992 et 1994, un moment particulièrement important dans l’Espagne de cette époque.

"J’étais venue à Madrid pour mon Master quand j’étais étudiante -se souvient Nancy Berthier- et j’ai passé deux ans pour ma thèse à Casa de Velázquez. Avec ma promo on est arrivés en 1992, juste au moment de l’Exposition universelle à Séville, les Jeux olympiques à Barcelone et Madrid Capitale culturelle, donc au moment où l’Espagne brillait le plus, et s’affranchissait définitivement d’une image associée à la dictature". 


1ère femme à diriger la Casa de Velázquez de Madrid

Première femme nommée à ce poste dans l'histoire quasi centenaire de la Casa de Velázquez, Nancy Berthier est professeure des universités à la faculté des Lettres de Sorbonne Université depuis 2010, et a successivement dirigé le laboratoire de recherche CRIMIC (Centre de Recherche sur les Mondes ibériques contemporains) et l’Institut d’Études Hispaniques (UFR d’études ibériques et latino-américaines).

La nouvelle directrice connaît donc bien l’Espagne et l’Amérique Latine où elle a également vécu. Pas étonnant donc qu’elle souhaite renforcer le rayonnement international de l'institution, notamment en direction de l'Amérique latine. "Maintenant que je suis revenue à la Casa de Velázquez –raconte Nancy Berthier- je constate qu’elle a beaucoup évolué et c’est merveilleux d’en voir la métamorphose, la façon dont cette institution s’est adaptée aux défis du monde actuel".

Mais dans son projet d’établissement, en plus du renforcement international, il y a deux projets qui lui tiennent particulièrement à cœur, et qui doivent marquer son mandat. En effet, depuis sa création, la Casa de Velázquez a développé ses activités autour d'un modèle unique, en soutenant à la fois la création artistique contemporaine et la recherche scientifique dans le domaine des sciences humaines et sociales.


Faire rayonner l’établissement et, à travers lui, le modèle français

Elle souhaite mettre en avant cette double mission : "C’est un établissement unique en son genre -explique la directrice de Casa de Velázquez- car il est à la fois lieu de recherche et résidence pour la création artistique. Il convient de consolider et développer la synergie entre recherche scientifique et création artistique. Cette hybridité, c’est une richesse". 

Le deuxième projet est d’assurer une gestion écoresponsable à tous les niveaux, depuis la gestion des déchets ou l’économie d’énergie, en passant par des aspects plus immatériels comme la bibliothèque numérique ou la recherche. "En ce qui concerne les thématiques de recherche -souligne Nancy Berthier-  les jeunes sont très mobilisés par les enjeux environnementaux et le changement climatique. Par exemple, il y a un chercheur qui étudie l’évacuation des déchets à l’époque antique et un autre qui fait une recherche sur la gestion de l’eau. Se pencher sur une autre époque en analysant par exemple la façon dont les Romains géraient le défi environnemental est riche d’enseignement, et également sur la façon dont on peut faire face à quelque chose qui peut sembler inéluctable. On peut apprendre beaucoup en analysant le passé. Les artistes en résidence sont également très sensibles, dans leurs créations, à ces défis du monde où nous vivons".

 

mancy berthier, casa de velázquez madrid
En 1993 le photographe Max Armengaud réalise la série "Portrait de la Casa de Velázquez" où apparaissent les différents acteurs qui participent à la vie de l'institution, dont Nancy Berthier, "membre de l'Ecole des Hautes études hispaniques". Trente ans plus tard, la directrice pose au même endroit.


Centenaire de la Casa de Velázquez

Le troisième projet, plus lointain, mais déjà bien présent dans les pensées de la directrice est le centenaire de la Casa qui se célébrera en 2028. Et cela tombe à pic, puisque Nancy Berthier a déjà dirigé l’organisation du centenaire de l’institut qu’elle gérait. "C’est alors l’occasion de réfléchir sur ce qu’on a été, sur ce qu’on est et sur ce qu’on sera -affirme-elle- et ça, je l’ai déjà en tête. Mon objectif est de profiter de ce centenaire pour faire rayonner l’établissement et, à travers lui, le modèle français".


Quand Velázquez peignait

La Casa de Velázquez est une institution française, inaugurée par le roi d’Espagne Alfonso XIII en 1928, au cœur de la Cité Universitaire de Madrid. Selon la légende, ce site spectaculaire, qui fait face à la Sierra de Guadarrama, était l'endroit préféré de Velázquez pour poser son chevalet.

 

casa de velazquez madrid

 

Détruite pendant la guerre civile, la Casa de Velázquez s’installe d’abord au Maroc, à Fès, avant d’être hébergée à partir de 1939 dans les locaux du Lycée français, puis à partir de 1940 dans un petit palais de la rue de Serrano. En 1959, au terme de quatre années de reconstruction, l'institution retrouve son emplacement d'origine. Son rôle, en revanche, n’a pas changé. Il est toujours de promouvoir la coopération et les échanges artistiques, culturels et universitaires au niveau bilatéral et international.

Pour pouvoir être membre (terme générique pour se référer aux artistes résidents ou étudiants de la Casa de Velázquez), il faut nécessairement faire des recherches ou des créations en lien avec la péninsule Ibérique. Le périmètre de recherche comprend également l’Amérique latine et le Nord du Maghreb. 


Plus de partenariats avec les universités

Il existe aussi un instrument privilégié pour l’internationalisation : l’Institut d’Études Avancées (MIAS), projet européen qui, en partenariat avec l’Université Autonome de Madrid (UAM), offre un vaste système de mobilité pour les chercheurs, entre deux mois et cinq ans. "Un de ses axes forts -souligne Nancy Berthier- est de se tourner vers l’Amérique latine, et nous avons un nombre croissant de chercheurs qui viennent de là. Et l’un des moyens de renforcer les liens avec cette région est notamment à travers ce dispositif, avec un partenariat ouvert à d’autres universités". 

Pour les artistes, les bourses étant attribuées par la France, il y a une majorité de Français mais, comme tient à le rappeler la directrice de la Casa de Velázquez, "c’est la qualité des dossiers qui importe et il y a de plus en plus d’étrangers. Depuis que je suis arrivée, je suis allée visiter quelques ateliers, et j’ai rencontré par exemple une jeune artiste andalouse qui était absolument émerveillée des conditions de création extraordinaires, avec un environnement formidable, et en plus une bourse". 


Un tremplin pour la carrière

Outre les conditions exceptionnelles qu’offre la Casa de Velázquez pour la recherche ou la création, cette institution représente un véritable tremplin pour ses membres. "Nous avons des dispositifs –explique la directrice- qui leur permettent d’exposer leurs œuvres à Paris, Madrid, Nantes, etc., ou, dans le cadre du Festival Viva Villa, en collaboration avec les artistes des résidences similaires de Rome (Villa Medicis) ou Kyoto (Villa Kujoyama)". 

Il existe aussi une coopération avec ARCO ou PHotoESPAÑA, sans parler des rencontres professionnelles que Casa de Velázquez organise avec des galeristes auxquels les membres auraient difficilement accès. "Pour les artistes -souligne Nancy Berthier- c’est un moment inoubliable, une année de création, de liberté. Quant aux chercheurs, ce n’est pas seulement un lieu privilégié pour faire des recherches et écrire sa thèse. Il y a également des dispositifs pour eux, avec des formations, un accompagnement pour monter leur dossier post-résidence, acquérir certaines compétences spécifiques, organiser des événements et nouer des liens avec d’autres chercheurs. Pour le curriculum vitae c’est un vrai plus".


Portes ouvertes le 6 mars

De nombreuses personnalités reconnues sont passées par la Casa de Velázquez. Depuis bientôt 100 ans qu’elle est ouverte, l’institution a accueilli pas moins de 600 chercheurs et 630 artistes, et abrite une collection de près de 1.400 œuvres. Sa bibliothèque compte quelque 150.000 livres et plus de 1.800 titres de revues. Les portes ouvertes, qui auront lieu le 6 mars, permettront aux visiteurs de découvrir ce lieu majestueux. Dans le cadre de la crise sanitaire, l'inscription sera obligatoire, et l'accès à la plateforme d'inscription sera ouvert à partir du 15 février. Mais nous en reparlerons.


 

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