Depuis le début de l'année 2021, la violence machiste a coûté la vie d'une trentaine de femmes en Espagne. Plusieurs féministes dénoncent comment l'histoire de la pensée a toujours enseigné deux messages différents aux hommes et aux femmes.
L'association d'amitié hispano-française Mujeres Avenir, qui se mobilise pour consolider la visibilité de la femme dans tous les secteurs de notre société et pour une égalité réelle et effective entre hommes et femmes, a organisé mardi un débat autour du livre philosophique "Ética para Celia" d'Ana de Miguel, aux Éditions B. L'événement, qui comptait sur la présence de la Consule Générale de France en Espagne Marie-Christine Lang, a été animé par la participation de l'auteure, des expertes en communication Teresa Lozano et Zua Méndez, fondatrices de "Towanda Rebels", et de la philosophe Concha Roldán, Directrice de l'Institut de Philosophie du Conseil Supérieur des recherches Scientifiques (CSIC).
L'auteure du livre a lancé le débat en rappelant que "jamais au cours de l'histoire l'homme n'a voulu vivre ce que nous les femmes souffrons au quotidien". Ana de Miguel a expliqué que "les grands penseurs philosophiques ont créé un sens de la vie pour les femmes et un autre bien différent pour les hommes. Maintenant que nous obtenons notre autonomie, nous devons penser ce qui est bon pour notre société depuis le point de vue des femmes". Et de poursuivre : "Les femmes ont parfois tendance à banaliser nos problèmes et notre situation, et cela n'est plus possible ; asseyons-nous pour penser ce que nous voulons et quel monde nous voulons léguer. Nous devons ouvrir une table de dialogue avec les hommes pour changer ce monde à la racine. Il est clair que les femmes ne sont plus ce qu’elles étaient il y a 200 ans, et nous avons beaucoup progressé vers l’égalité formelle dans les sociétés démocratiques, mais nous avons besoin d’un nouveau monde qui s’adapte à une nouvelle femme aspirant à l’égalité réelle. Et ce sera un monde meilleur où tout le monde pourra vivre : c’est l’essence de la philosophie féministe."
Pour Teresa Lozano, "le livre de Ana de Miguel devrait être lu par tous les hommes, pour qu'ils se mettent à la place des femmes et comprennent alors l'importance d'arrêter tous ces privilèges que leur confère une société patriarcale comme celle dans laquelle nous vivons. La philosophie féministe doit être exposée aux jeunes générations. Cette analyse de la réalité à travers les yeux de la femme devrait être dans le programme de chaque école".
Zua Méndez a pour sa part expliqué que "dans une société qui n'est pas égalitaire, il existe un système de domination qui devient invisible à force de s'être converti en quelque chose de normal. Il affecte nos relations avec les hommes, avec notre corps, avec les autres femmes, avec nos mères".
Selon Concha Roldán, "nous pouvons dire que le sujet de l'égalité entre hommes et femmes a quelque peu avancé sur les cinquante dernières années, mais cela n'est pas suffisant pour atteindre une égalité de faits". "Au cours de l'histoire les grands philosophes n'ont pas défendu l'égalité de la femme“, a estimé la Directrice de l'Institut de Philosophie. "Aujourd’hui, nous sommes encore sous le joug du patriarcat parce qu’il y a une vérité qui est enseignée aux garçons et une autre très différente aux filles. Le grand livre d’Ana de Miguel montre comment l’androcentrisme envahit notre vie, dans une société qui place les hommes au centre et les femmes au second plan. Le féminisme cherche à placer l’humanisme au centre de nos vies, mais tant que nous continuerons à vivre cachés sous cette double morale, sous cette double vérité, nous resterons prisonniers".
Et de conclure : "Nous les féministes, nous devons démonter cette ontologie de la double vérité de la double morale, qui est directement liée à la mort de plus de trente femmes depuis le début de l'année. Nous les féministes, nous devons éradiquer cette éthique et ces politiques traditionnelles qui légitiment le fait de voir les femmes comme des domestiques, des soignantes ou des objets sexuels."