En poste à Madrid depuis septembre dernier, la Consule générale de France, Marie-Christine Lang, arrive dans la capitale espagnole dans un contexte particulier, où l'action sociale plus que jamais s'avère cruciale, mais où la dématérialisation des services -avec les mesures de distance sociale au cœur de la question de l'accueil- est aussi un enjeu primordial. Avec en perspective l'aide à nos concitoyens, mais aussi les élections consulaires de fin mai, puis les échéances présidentielles de 2022, les équipes du Consulat passent au peigne fin les registres, pour dessiner une cartographie la plus exacte possible de la présence française sur la circonscription.
Avec plus de 30 ans de service, Marie-Christine Lang a, au sein du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères, gravi tous les échelons de la hiérarchie qui l'ont menée à la tête du Consulat général de France à Madrid. De sténo-dactylo à Consule générale, en passant par une foultitude de postes en France et surtout à l'étranger, à Zurich, à San José de Costa Rica, à Munich, à Phnom Penh, à Luanda, Abou Dhabi, Dubaï et Sao Paulo. Elle était adjointe au sous-directeur des visas à l'administration centrale à Nantes de 2016 à 2020. "Tous les concours que mes agents ont passé, je les ai passés aussi", comme elle le rappelle. Chevalier de la Légion d'honneur, Chevalier de l'ordre national du Mérite et décorée de la Médaille d'honneur des affaires étrangères, Marie-Christine Lang connaît sur le bout des doigts les spécificités de chacun des services du Consulat général, pour les avoir exercées à la première personne, mais aussi pour avoir été formatrice au sein du ministère.
Comment se sont déroulés vos premiers mois au sein du Consulat ?
Je n'ai pas vu le temps passer ! Ces 6 premiers mois se sont déroulés de façon très particulière, avec les difficultés pour organiser des réunions et rencontrer les interlocuteurs habituels, que ce soit au niveau des autorités locales ou au sein de la communauté française. Les réunions de service ayant été annulées, tout se fait par vidéo ou audio-conférences, ce qui n'est pas toujours idéal. D'autant que le hasard veut que le Consul adjoint, Stéphane Sobanski, ainsi que Candie Schlepfer, la cheffe des affaires sociales, un service particulièrement sensible en cette période, prennent eux aussi leurs fonctions en cette rentrée. Il y a donc eu toute une question de transmission des dossiers et de prise de contact qu'il a fallu réaliser avec les restrictions que l'on connaît, sachant aussi que nous avons été contraints d'annuler les tournées consulaires en province. Vous ne serez pas surpris d'apprendre qu'une des premières mesures que j'ai prises à mon arrivée a été de faire installer le matériel nécessaire aux vidéo-conférences, pour garder le contact avec les équipes, échanger avec les consuls honoraires, les autorités espagnoles ou mes homologues dans le pays, mais aussi les différents organismes institutionnels ou associatifs français.
On évoque souvent le Consulat général de France à Madrid comme un des principaux consulats du réseau, mais qu'en est-il exactement ?
Le consulat général de France à Madrid regroupe la cinquième communauté au niveau mondial de compatriotes inscrits au registre des Français établis hors de France. Nous sommes 42.700 inscrits (dont 50 % ont moins de 40 ans). L'année 2020 a été marquée par une légère baisse du nombre d’inscrits (- 2,2 %) après une augmentation de +24,5 % en 2019. Sur l’ensemble de l’Espagne, 81.000 compatriotes sont inscrits au registre consulaire. Cela place l’Espagne au septième rang mondial.
Le consulat général de France à Madrid est le quatrième poste le plus important s’agissant de la délivrance de cartes nationales d’identité sécurisées et de passeports. Compte tenu de la crise sanitaire, les chiffres sont moins parlants en 2020. Mais en 2019, plus de 5.000 cartes nationales d’identité sécurisées et près de 4.700 passeports ont été délivrés. Si l’on compare avec les chiffres de 2016, cela représente des augmentations de 15 % pour les cartes nationales d’identité sécurisées et de 21 % pour les passeports. Plus de 1.450 déclarations de perte et vol de titres de voyage ont été reçues en 2019. En ce qui concerne les demandes de nationalité, un peu moins de 100 ont été reçues en 2018 et 2019. S’agissant des visas, le Consulat général de France à Madrid est compétent pour l’Espagne, l’Andorre et le Portugal, avec un peu moins de 1.000 visas délivrés par an, s’agissant essentiellement de visas pour installation en France, puisque nous sommes dans l’Espace Schengen.
La pandémie est venue bouleverser l'organisation des tâches consulaires, avec notamment l'urgence sociale qui en a découlé. Quels dispositifs ont été pilotés par le MEAE ?
Le Gouvernement a mis en place un dispositif afin d’aider les ressortissants français les plus démunis : le Secours Occasionnel de Solidarité (SOS). Les Français résidant en Espagne les plus vulnérables et traversant temporairement une période difficile occasionnée par la crise de la Covid-19 peuvent solliciter cette aide sous certaines conditions. Cette aide s’inscrit dans un cadre strictement social et non dans un cadre économique de compensation de la perte de revenus : c’est une aide sociale qui ne peut pas être demandée sur le seul motif d’une légère perte de revenus. Elle est soumise à des critères d’attribution et à la transmission de documents. Je vous invite à consulter notre site Internet pour prendre connaissance de la procédure. Le gouvernement français a débloqué au niveau mondial 50 millions d'euros à cette fin, en avril 2020. Depuis peu, les règles d'attribution de ce secours occasionnel de solidarité ont été assouplies par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. Désormais, cette aide peut être perçue jusqu’en juin 2021 et ce, en sus de la perception d’aides sociales et/ou familiales.
Comment s'est déclinée cette aide en Espagne ?
Le Secours Occasionnel de Solidarité a permis d’aider 51 adultes et 34 enfants touchés par la crise sanitaire, pour un montant total de 13.300 € en 2020. Par ailleurs, en 2020, le Conseil Consulaire pour la Protection et l’Action Sociale (CCPAS) a attribué à 63 compatriotes une prestation d’assistance consulaire. Le CCPAS attribue également 31 allocations diverses versées aux adultes et enfants handicapés, secours mensuels spécifiques, etc. Cette aide sociale directe s’élève à 316.300 € pour l’année 2020. À noter aussi que 24 dossiers de rapatriement ont été traités, donnant lieu à 16 rapatriements aboutis en 2019 et 2020. Ces dossiers sont particulièrement chronophages car ils nécessitent de nombreux appels et échanges de courriels avec les administrations locales et françaises. Enfin l’aide sociale indirecte du Département, programmée, s’est traduite en subventions versées à 8 organismes locaux d’entraide et de solidarité (OLES) représentant un montant total de 34.000 €, tandis qu'un redéploiement des crédits antérieurement destinés au STAFE (soutien au tissu associatif des Français de l’Etranger, ancienne "réserve parlementaire") a été mis en place : 5 associations ont bénéficié de ces subventions exceptionnelles représentant 81.000 € pour 2020.
Qu'en est-il des bourses ?
Les familles françaises en difficulté à travers le monde ont pu être soutenues grâce à un abondement du budget consacré à l’aide à la scolarité à hauteur de 50 millions d’euros et à un aménagement du calendrier des bourses. Je tiens à souligner que ces aides, spécifiquement débloquées pour nos ressortissants de l'étranger, résultent des impôts réglés par les contribuables en France.
Sur la scolarité 2020-2021, 21 établissements accueillent des boursiers. L’Espagne est le pays européen qui compte le plus d’élèves français boursiers : 1.471 élèves pour 6.968.000 €. Pour Madrid, cela représente 1.100 boursiers en 2020, pour un montant de 4.895.000 €. Outre les bourses, une aide spécifique a été mise en place dans la cadre de la crise sanitaire. Pour l’année scolaire 2019/2020, ce sont 70 nouveaux boursiers et 193 bénéficiaires dont les bourses ont été revues à la hausse, pour un montant attribué de 280.000 €.
La campagne des bourses scolaires de l’Agence pour l’Enseignement Français à l’Etranger (AEFE) a été lancée le 22 décembre 2020. Les dossiers ont été réceptionnés entre le 2 et le 28 janvier. A ce jour, ce sont 667 dossiers qui ont été reçus et qui sont en cours d’instruction. Il s’agit d’un travail qui occupe pleinement le service des Affaires sociales du Consulat pendant un mois et demi, tandis que le service des affaires sociales doit continuer de traiter les dossiers quotidiens : décès, rapatriements sanitaires, accidents, versements des aides sociales. C'est un travail colossal, il est important aussi que nos concitoyens en aient conscience. Une fois l’instruction terminée, un dialogue s’instaurera avec l’administration centrale du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères et avec l’AEFE afin de définir l’enveloppe qui sera attribuée pour le Conseil consulaire des bourses fin mars/début avril et auquel participent notamment les Conseillers des Français de l’étranger, les proviseurs, les associations de parents d’élèves, les organismes locaux d’entraide et de solidarité.
À quand les résultats ?
Les dossiers sont soumis à la Commission nationale des bourses dont les résultats seront en principe communiqués à l’été prochain.
Entre-temps auront lieu les élections consulaires, qui devaient avoir lieu en 2020 et ont été repoussées pour cause de pandémie. Comment s'organisent-elles sur la circonscription ?
Les élections des Conseillers des Français de l’Etranger sont prévues le 30 mai prochain. Six Conseillers seront à élire pour la circonscription de Madrid (qui couvre une grande partie de l’Espagne, y compris le Pays Basque, l’Andalousie, et les Canaries). La liste électorale consulaire compte 38.086 électeurs inscrits auprès du Consulat général de France à Madrid et 3.768 électeurs auprès celui de Bilbao, qui fait partie de la circonscription électorale de Madrid.
Comment pourra-t-on voter ?
Pour voter, il faut être inscrit sur la liste Electorale consulaire. Il est possible de vérifier si vous êtes inscrit sur le site service-public.fr.
Pour favoriser la participation, tout en tenant compte de la situation sanitaire, nous allons ouvrir des bureaux à Madrid et en province. A Madrid, notamment, nous allons installer pour la première fois le centre de vote au Lycée français et non plus au Consulat. Le Lycée français est un endroit magnifique et spacieux, et je remercie très chaleureusement le Proviseur et son équipe d’avoir accepté de nous accueillir.
Par ailleurs, outre le vote à l’urne, les électeurs pourront voter par Internet, à condition bien entendu d’avoir fourni une adresse courriel, lors de leur inscription au consulat. Cette adresse électronique doit être personnelle et ne doit pas être la même que celle indiquée pour un autre membre de la famille. Si cela n’a pas été fait ou en cas de doute, ne pas hésiter à vérifier votre dossier, ou contacter le consulat.
Par ailleurs, il reste toujours possible d’établir des procurations pour ce scrutin.
Comment vous organisez-vous pour servir au mieux les Français qui ont recours à vos services ?
C'est évidemment compliqué en ce moment. Les exigences sanitaires nous ont obligés à réduire le nombre de rendez-vous que nous sommes en mesure d'accepter chaque jour. Il faut être conscient que le protocole d'accueil s'est considérablement alourdi. Par exemple, après le passage de chaque personne reçue, les agents doivent nettoyer les chaises, les claviers, les surfaces et les outils en contact avec le public, ce qui rallonge notablement le temps dédié à chaque acte. Même si nous avons réaménagé les locaux pour respecter la distance sociale, nous ne sommes pas en mesure d'accueillir le public en aussi grand nombre qu'auparavant. Dans ce contexte, nous encourageons nos compatriotes à aller sur le site du Consulat général, sur lequel un grand nombre de démarches peut être réalisé, sans nécessité de rendez-vous présentiels. Des tutoriels très clairs sont en ligne pour aider et accompagner nos concitoyens dans leurs démarches.
Et concernant les Français de passage qui vous sollicitent ?
Il faut être très clair à ce propos : le gouvernement a demandé aux Français de ne se déplacer en dehors des frontières qu'en cas d’extrême nécessité. Il est évident qu'un week-end touristique à Madrid ne rentre pas dans ce cadre. D'une part nous faisons appel à la responsabilité de nos compatriotes et d'autre part nous leurs demandons de respecter les consignes locales, qui sont par ailleurs actualisées très régulièrement sur notre site. Il n'est enfin pas inutile de rappeler que la France exige un test PCR de moins de 72 heures pour rentrer dans le pays, que ce test est payant en Espagne et qu'en aucun cas, le Consulat général ne pourra prendre à sa charge les tests de nos ressortissants en déplacement dans le pays, ni établir de dispense de test.