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Mujeres Avenir: dialogue franco-espagnol pour lutter contre le harcèlement au travail

Mercredi 2 octobre, l'Association d'amitié hispano-française Mujeres Avenir a organisé une conférence à l'ESCP Business School de Madrid, axée sur le harcèlement sexuel au travail. 

les intervenantes lors de la conférence organisée par mujeres avenirles intervenantes lors de la conférence organisée par mujeres avenir
/ Julia Robles
Écrit par lepetitjournal.com Madrid
Publié le 4 octobre 2024, mis à jour le 7 octobre 2024

La table ronde était organisée à l'initiative d'Isabelle Boix, membre du conseil d’administration de Mujeres Avenir et CEO de Madridem, et de Gaëlle Lecomte, conseillère à l’Assemblée des Français de l’Etranger et fondatrice et CEO d’Equal & Co. Intitulée "Le harcèlement dans le monde du travail : un regard croisé entre la France et l’Espagne", elle a rassemblé des expertes pour discuter de ce problème qui persiste malgré les législations mises en place dans les deux pays. 

Isabelle Boix a partagé, en introduction des débats, son propre vécu, expliquant avoir été victime de harcèlement lorsqu’elle est devenue mère. "Il y a 23 ans, j'ai été victime de harcèlement au travail pour avoir décidé de devenir mère 'à un moment qui n'était pas approprié'. Même si la justice m’a donné raison, les cicatrices de cette expérience demeurent encore aujourd’hui. Je sais personnellement ce que signifie affronter un environnement hostile et discriminatoire, et c'est pourquoi cet événement a pour moi une signification particulière", a-t-elle exprimé. "Le harcèlement sexiste inclut des comportements et des paroles qui remettent en cause la capacité des femmes à assumer leurs responsabilités ou dévalorisent leur autorité, simplement parce qu’elles sont des femmes", a-t-elle rappelé.

"L'intimidation sur le lieu de travail affecte non seulement la productivité et le bien-être des employés, mais laisse également de profondes cicatrices sur les victimes", a rebondi Gaëlle Lecomte, modératrice des débats. "Au niveau juridique, l'Espagne et la France ont progressé dans la création de cadres juridiques visant à protéger les travailleurs et à punir les responsables. Mais dans quelle mesure ces cadres sont-ils efficaces ? Que ressentent réellement les victimes et quels schémas communs trouvons-nous dans ces cas ? Que font les entreprises pour l’empêcher ?", s'est-elle interrogé.

 

mujeres avenir
De g. à d. : Marian Fernandez Chueca, Inmaculada Vadillo, Martha Pecina, Rebeca Avila, Isabelle Boix et Gaëlle Lecomte / Julia Robles

Un besoin de réformes profondes

C'est d'abord concernant les mesures d'accompagnement des victimes de harcèlement que les échanges se sont concentrés. "Ce n'est pas autant le profil type de la victime que ce quelle ressent qui doit nous importer", a considéré Marian Fernández Chueca, membre de la Commission Jeune de Mujeres Avenir, psychologue et experte en diversité chez KPMG Espagne. Inmaculada Vadillo, avocate spécialisée dans l'accompagnement des victimes, a détaillé les différentes formes que peut prendre le harcèlement sexuel : commentaires déplacés, envoi d’emails inappropriés ou comportements inappropriés sur le lieu de travail. A l'ère numérique, le harcèlement a aussi lieu hors du bureau : voir le rôle des e-mails et autres messages téléphoniques. La déconnexion digitale est aussi un enjeu quand il est question de harcèlement. Inmaculada Vadillo a expliqué que si la législation espagnole, tout comme la législation française, pénalise ces comportements, de nombreuses victimes finissent par quitter leur emploi après avoir signalé ces incidents, car il est difficile de continuer à travailler dans ces conditions.

En France, l’organisme COOP-Egal, dirigé par la Française de Bilbao Martha Pecina, collabore étroitement avec les entreprises et les ministères pour combattre le harcèlement. "Dans les deux pays, les comportements sexistes sont encadrés par des lois qui visent à protéger les employés des commentaires grossiers ou des blagues déplacées", a-t-elle expliqué. Elle a souligné que les entreprises sont légalement tenues de garantir un environnement de travail exempt de sexisme. Menée à établir des diagnostics dans tout type de structures entrepreneuriales, publiques et privées, la Française a remarqué que, au sein de l'entreprise où ils travaillent, les hommes ont généralement une perception beaucoup plus positive que les femmes concernant la politique de lutte contre le harcèlement et la condamnation de ce type de comportement. D'où l'importance d'impliquer les femmes au plus haut niveau de direction au sein même des structures : si les protocoles de détection, d'enquête ou de sanction de harcèlement ne sont définis que par des hommes blancs de plus de 40 ans, il existe un risque certain de passer à côté d'une partie de la réalité du harcèlement au travail.

 

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Photo Julia Robles

 

Une culture d'entreprise à transformer

Marian Fernández Chueca a de fait insisté sur la nécessité pour les entreprises de mettre en place des mesures préventives, y compris des protocoles clairs pour traiter les cas de harcèlement. Elle a également mis en lumière le poids de la culture d’entreprise, qui reflète souvent les inégalités sociales. "Les entreprises sont le miroir de la société : elles héritent d’une asymétrie de pouvoir qui contribue à la naturalisation du harcèlement envers les femmes", a-t-elle expliqué.

Responsabilité collective et tolérance zéro

Les petites et moyennes entreprises (PME), quant à elles, manquent souvent de ressources pour mettre en place des politiques de prévention et d’accompagnement efficaces, a-t-elle en outre observé. Pourtant, selon les experts, des sanctions fortes et des actions de sensibilisation sont indispensables pour éradiquer ce problème. Au fil des interventions, le message principal est resté le même : les entreprises doivent devenir des espaces inhospitaliers pour les harceleurs. 

En conclusion des débats, la présidente de Mujeres Avenir, Rebeca Ávila, a dénoncé l'existence d'une "illusion d'égalité" dans de nombreuses organisations. Selon elle, cette impression de justice et de respect masque la réalité des cas de harcèlement sexuel, qui ne sont souvent révélés que par des enquêtes anonymes. Ces résultats montrent un besoin pressant de réformes pour garantir des environnements de travail sûrs et équitables. Rebeca Avila en a appelé à la "responsabilité" : celle des employés, à l'heure de dénoncer tout comportement suspect, mais aussi, bien-sûr, celle des entreprises, au sein desquelles le harcèlement ne pourrait être toléré.

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