La Consule Générale de France à Madrid a rencontré Lepetitjournal.com pour expliquer comment le consulat contribue à soutenir les victimes de violence de genre dans un pays, l'Espagne, qui est pionnier en la matière.
Quel type d'aides apporte le consulat aux femmes victimes de violence?
Le Consulat Général de France apporte principalement un soutien personnalisé et un accompagnement aux femmes de nationalité française séjournant en Espagne victimes de violences de genre. Nous traitons notamment des retours en urgence vers la France. Pour celles résidant en Espagne, nous les orientons vers les services locaux compétents.
On n’en parle pas et on imagine mal que ce soit possible, mais cela existe aussi chez les expatriés?
Ce phénomène touche toutes les classes sociales et il est présent dans toutes les sociétés. Le sexisme et les violences de genre sont des fléaux contre lesquels la France et l’Espagne luttent de concert et sans relâche.
On peut donc imaginer que cette situation est plus difficile à vivre pour les femmes seules loin de leur famille?
Effectivement, le Consulat Général de France œuvre pour soutenir les femmes seules loin de leur famille. Mais il soutient également, et ce, même en dehors des violences de genre, nos compatriotes confrontés à des situations difficiles, notamment s’ils sont isolés et vulnérables. C’est le cœur de notre métier, dont nous sommes fiers.
Vous soutenez les femmes battues, mais également les enfants? Êtes-vous confrontés en Espagne à d’autres situations, telles que les mariages forcés?
En effet, nous traitons tout type de problématiques qui touchent aussi bien les hommes, les femmes et les enfants. Nous n’avons jusqu’à présent pas eu connaissance de situations de mariage forcé, en Espagne.
L’éloignement et l’isolement qu’induit parfois l’expatriation rendent plus difficile encore la décision de passer à l’action pour s’en sortir, fuir et se mettre en sécurité.
J'ai lu que le consulat de Madrid est pionnier avec un programme de soutien. En quoi consiste-t-il? Les autres consulats s'en sont-ils inspirés? Est-ce dû au fait que l'Espagne est un modèle en matière de protection de la femme (loi de 2004)?
L’Espagne est effectivement pionnière en matière de protection de la femme, notamment avec son Unité spéciale au sein de la Police Nationale (Unidad de Atencion a la Familia y a la Mujer - UFAM). Sans être pionnier en la matière, le Consulat général de France a un rôle d’observation, d’écoute, de soutien et d’attention à l’égard de chaque compatriote lui demandant de l’aide. Par ailleurs nous coopérons avec nos collègues étrangers, notamment des Consulats du Brésil, Colombie, Italie et Roumanie, avec lesquels nous tenons des réunions régulières sur cette problématique.
S’agissant de la récidive, la ministre espagnole s’est montrée très intéressée par les résultats de l’étude menée, en France, sur les auteurs des agressions
Pouvez-vous préciser les grandes thématiques de la coopération entre la France et l’Espagne à ce sujet?
La ministre Isabelle Rome est venue en Espagne fin octobre dernier et a échangé avec son homologue, Mme Irene Montero. A cette occasion, les deux ministres ont convenu qu’il fallait continuer à inciter les femmes à dénoncer les violences et à ne pas les masquer, par exemple sous des procédures de divorce. En France, la loi a été modifiée pour lever le secret médical et permettre à un médecin de porter des violences à la connaissance du procureur, même sans le consentement de la victime. S’agissant de la récidive, la ministre espagnole s’est montrée très intéressée par les résultats de l’étude menée, en France, sur les auteurs des agressions.
En termes de prévention, Mme Montero a signalé la campagne "point violet" organisée pour faire connaître les "lieux sûrs" vers lesquels les victimes pourront se tourner (services sociaux, cabinets de médecins, pharmacies etc.). A la demande de Mme Rome, des informations plus précises sur les modalités techniques de ce dispositif seront transmises aux autorités françaises.
Comme son homologue française, Mme Montero estime que les violences de genre n’appartiennent pas à la sphère privée. Elles relèvent au contraire de questions de société et de changements culturels, qui passent par une action publique forte et engagée. Les politiques de lutte contre ces violences ont de multiples facettes, touchant notamment à l’information, la formation (des policiers, des magistrats, des médecins…) et l’instruction. L’éducation à la sexualité est un élément d’évolution des mentalités, dès le plus jeune âge : Mme Rome a rappelé l’engagement du ministre de l’Éducation à mettre en œuvre la loi de 2001 et les obligations d’enseignement qu’elle comprend en la matière.
Un nouveau programme pour les femmes expatriées, “Save You", a récemment été lancé. Est-ce un projet exclusivement privé ou y participez-vous?
Nous encourageons toutes les associations ayant pour but d’aider, mais également de sensibiliser l’opinion publique. Le ministère des Affaires étrangères a établi un partenariat avec SAVE YOU, une plateforme de protection, de soutien, d’entraide et d’accompagnement pour les femmes françaises établies hors de France, victimes de violences conjugales et intrafamiliales. Cette plateforme est proposée par The Sorority Foundation, en lien avec l’Association Solidaire des Français à l’Étranger, l’association Cœurs de guerrières, le réseau France victimes et le collectif Mots et Maux de Femmes.
Elle met à la disposition des femmes françaises établies hors de France et rencontrant des problèmes de violence au sein de leur foyer, une équipe de professionnels du domaine social, de la santé et du droit, toujours prêts à les écouter, les aider et les guider dans les démarches à suivre pour se sortir de ces situations. L’éloignement et l’isolement qu’induit parfois l’expatriation rendent plus difficile encore la décision de passer à l’action pour s’en sortir, fuir et se mettre en sécurité. C’est pourquoi SAVE YOU est accessible gratuitement et partout dans le monde par appel téléphonique : +33 1 88 61 51 51, par discussion sur WhatsApp au +33 7 61 01 70 01 ou via l’adresse mail saveyou@jointhesorority.com.
Pour en savoir plus : https://www.jointhesorority.com/saveyou
Disposez-vous d’un budget spécifique?
Non pas spécifiquement, nous incluons ce thème dans le budget dédié aux Français en difficulté à l’étranger, sous la forme d’une aide exceptionnelle.
Le sexisme et les violences de genre sont des fléaux contre lesquels la France et l’Espagne luttent de concert et sans relâche
Pouvez-vous fournir des chiffres et leur évolution?
Il est difficile d’obtenir des chiffres exacts en matière de violence de genre. En effet, certains de nos compatriotes ne font pas appel à nos services et passent directement par les services de l’UFAM.
Pour terminer, lorsqu’une femme est battue ou veut fuir, que doit-elle faire?
Toutes les situations sont différentes, mais je dirais en priorité qu’il est important qu’elle contacte le 016 pour sa sécurité immédiate. Elle prendra ensuite notre attache (service des Affaires sociales) ou celle de SAVE YOU afin de définir les mesures appropriées à sa situation. Je ne peux que conseiller à nos compatriotes de consulter notre page