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GASTRONOMIE – Turrón vs nougat : le match

nougatnougat
(Photo CC La Blasco)
Écrit par lepetitjournal.com Madrid
Publié le 15 février 2016, mis à jour le 18 octobre 2023

Les fêtes sont passées et vous avez pu mettre à l'épreuve vos connaissances des sucreries espagnoles. Or, comment ne pas être tenté par la comparaison entre ces deux spécialités nationales, l'une et l'autre tant appréciées de chaque côté des Pyrénées ? Même si turrón et nougat jouent sur le même terrain, leurs compositions et leurs histoires sont loin d'être similaires. Pour les plus gourmands, un petit comparatif s'impose.

 

Origines


Beaucoup de légendes circulent autour de l'histoire du turrón. Il s'agirait d'une sucrerie née au 11e siècle sous le nom de turrun dans la péninsule arabique. Les arabes tentaient alors de trouver un aliment particulièrement nourrissant et transportable à cheval sous des températures élevées. D'autres rumeurs font état d'une invention barcelonaise d'un certain pâtissier prénommé turro, d'où le nom similaire, mais son étymologie proviendrait davantage du mot catalan torrar et du latin torrere, signifiant "faire griller" ou encore de terró, "terre", en allusion à la couleur du produit.
Mais on retrouve également des traces du turrón à l'époque du Royaume de Valence et dans tout le bassin méditerranéen à partir du 14e siècle, c'est pourquoi le turrón est également consommé sous des formes semblables en Italie et donc en France. Car le Nougat de Provence, dénommé plus tard Nougat de Montélimar est un descendant direct de cette sucrerie arabo-ibérique. Ses premiers signes remontent au début du 17e siècle sous la dénomination de nogat, une pâtisserie figurant parmi les 13 desserts de Noël en Provence. On raconte aussi qu'Emile Loubet, Maire de Montélimar et Président de la République de 1899 à 1906, contribua à lui donner la réputation qu'on lui connait aujourd'hui en offrant des échantillons à tous ses invités prestigieux, de passage à l'Elysée. Pour ce qui est de la date de création donc, turrón 1, nougat 0.

 

Recettes


A l'inverse du nougat, fabriqué surtout dans la ville de Montélimar (Drôme) et respectant une composition stricte : 30% d'amandes, ou 28% d'amandes et 2% de pistaches, et 25% de miel dont 2% de miel de lavande produit en France, le turrón est une gourmandise dont la recette diffère en fonction des provinces. Cette répartition géographique s'explique surtout par un climat propice à la pousse d'amandiers, notamment en Catalogne et dans la Communauté valencienne. Ainsi, on peut distinguer le turrón d'Alicante (Communauté valencienne), dur et présenté généralement sous forme de tablette, à base d'amandes entières, de miel, de blancs d'?ufs et de sucre ; Le turrón de Jijona (Communauté valencienne) tendre et mou, de couleur marron, très sucré, huileux et fabriqué à base d'amandes broyées, ou encore le turrón d'Agramunt (Catalogne), comparable à celui de Jijona dans sa présentation et sa recette, mais différent dans sa texture plus poudreuse et comparable à l'halva, gourmandise ibérique voisine. Autres variantes : le turrón de yema, fabriqué à base de jaunes d'?ufs et frit à la manière d'une crème catalane, le Turron de Cherta (Catalogne) et sa forme circulaire, ou le Turrón de Casinos, originaire de la région de Valence, qui autorise plus de fantaisie dans sa conception, à base d'autres ingrédients comme la noix de coco, la crème catalane, les fruits confits ou le chocolat. En général, on juge la qualité du turrón à sa proportion d'amandes : un turrón supérieur est donc un turrón comprenant une importante quantité d'amandes. C'est d'autant plus vrai pour celui d'Alicante qui est particulièrement renommé. Il nécessite des amandes de la variété "marcona" auxquelles sont ajoutées du miel de fleur d'oranger. L'appellation "Denominacion de Origen" est une garantie de fabrication artisanale mais il existe désormais une multitude de recettes de turrón élaborées par des confiseurs en quête de nouvelles saveurs. Dernière invention en date : le turrón chocolat blanc et? gin tonic commercialisé par Vicens. Attention au "Turrón de chocolate" vendu en grande surface pendant les fêtes qui ne s'apparente en rien à une spécialité artisanale locale mais plutôt à un coup de marketing autour d'une simple tablette de chocolat au riz soufflé sans amandes, ni miel. Pour la diverstié des recettes et, comme on verra par la suite, pour l'appelation d'origine, turrón 2, nougat 0.

 

Poids économiques


Il convient d'apporter quelques précisions utiles concernant les appellations et les origines dans la fabrication de ces deux produits. Même si le nougat bénéficie d'une législation stricte dans sa composition, il ne dispose d'aucune IGP (Indication Géographique Protégée) lui garantissant une fabrication régionale. Les nougatiers montiliens luttent pour cette appellation depuis des dizaines d'années, sans succès. Pour le moment, tout le monde peut fabriquer du Nougat de Montélimar. Il existe aussi plusieurs labels officiels pour garantir la fabrication du Turrón, celui d'Alicante doit par exemple comporter au moins 46 % d'amandes ou de noisettes pour la catégorie extra, 60 % pour la catégorie suprême, mais en plus, leur fabrication est strictement encadrée par des critères géographiques et artisanaux grâce à l'appellation "Denominacion de Origen". Niveau consommation, la production de nougat en France est estimée à 4.500 tonnes par an pour un chiffre d'affaire de 40 millions d'euros. En comparaison, avec un total de 400 millions d'euros de chiffre d'affaire générés l'année dernière, le turrón est de loin la gourmandise préférée des Espagnols. Des chiffres de 2011 font état de 1.200 tonnes de turrón consommés en Espagne rien qu'au moment des fêtes, soit 200 grammes par personne et 89 % de la production annuelle. Les marques les plus prestigieuses du secteur sont installées à Jijona, dont le plus gros producteur du pays Sanchis Mira (qui comprend les deux marques les plus vendues, Antiu Xixona et La Fama) avec 82 millions d'euros de chiffre d'affaire en 2015, ou encore Almendra y Miel (El Lobo et 1880) et Turrones Picó, 7e et 8e producteurs nationaux. Le groupe El Almendro, qui a délocalisé sa production à Tolède après son rachat par l'entreprise de confiseries De la Viuda, est second sur le marché du turrón avec 75 millions d'euros de chiffre d'affaire en 2015. Et le secteur ne connait pas la crise puisque le chiffre d'affaire globale est en progression de 6,46 % par rapport à 2014. 3-0, hat trick et fin du match.

 

Simon MARACHIAN