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Emigration espagnole : un échec ?

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Écrit par Camille Guil
Publié le 24 janvier 2018, mis à jour le 24 janvier 2018

Lundi le Real Instituto Elcano a publié une étude traitant des raisons et des conditions de l’émigration issue des pays de l'Europe du sud, suite à la crise économique. Globalement les Espagnols s'en sortent moins bien que les autres. Pourquoi ?

 

La crise économique de 2008 a eu un impact majeur en Europe, notamment dans les pays du sud tels que la Grèce, l’Italie, le Portugal et l’Espagne qui ont souffert d’un taux de chômage particulièrement élevé et vécu une fuite des cerveaux cruelle. Les Espagnols notamment ont émigré en masse, privant le pays de sa main d’œuvre souvent la plus qualifiée. Un phénomène qui a surtout été interne à l’Union européenne, s’opérant du sud au nord, mais qui s'est aussi fait vers les Amériques et d'autres continents. Dix ans plus tard, les chercheurs font le constat suivant : l'émigration se passe moins bien pour les Espagnols. 

 

Les Espagnols ont émigré plus tard que les autres ressortissants du sud de l'Europe

 

Les Espagnols qui ont émigré suite à la crise économique de 2008 l’ont fait dans de moins bonnes conditions que les ressortissants du reste des pays d’Europe du Sud. Tout d’abord parce qu'ils ont émigré plus tard que les autres, en dépit du fait que la crise ait atteint le pays plus tôt, avec l’effondrement de la bulle immobilière en 2007. Selon les données récoltées par l'étude, jusqu’en 2010, le rythme de sortie des Espagnols est d’abord plus faible que les celui des autres pays, mais les dépasse l’année suivante. Il suffit d'observer l’évolution du taux de chômage chez les diplômés universitaires, pour en comprendre la cause : jusqu’en 2009, il est inférieur à 7% et à celui de la Grèce et du Portugal, puis augmente drastiquement les années suivantes pour atteindre plus de 15% en 2013.

Autre facteur : les raisons du départ viennent influencer les conditions de l’émigration. Si les Italiens et les Grecs partent en priorité pour améliorer leur formation, les Espagnols et les Portugais partent car ils "ne voient pas de futur dans leur pays". Ainsi, la deuxième raison de départ chez les Espagnols est le chômage et c’est le pays dans lequel le plus de personnes partent pour cette cause (33% contre 13% chez les Italiens, 24% chez les Grecs et les 22% chez les Portugais). Le taux d’Espagnols sans emploi avant d’émigrer est plus élevé que la moyenne des autres pays (48% comparé à 39%). Lors de leur départ, les Espagnols sont en majorité pessimistes et cela influe sur le succès de leur processus migratoire, tant en au niveau de la situation professionnelle que des revenus. 

 

Une fois à l'étranger, les Espagnols sont surreprésentés dans les professions sous qualifiées

 

Ainsi, l'étude souligne que parmi les migrants qui trouvent un emploi, les Espagnols sont surreprésentés dans les professions sous qualifiées. Sans surprise, les salaires suivent -ou ne suivent pas, plutôt. Ils sont 13% à gagner moins de 1.000€ par mois. Selon l’analyse, "si l’émigrant travaillait déjà avant de partir, la probabilité qu’il trouve un emploi est 70% plus élevée que s’il était au chômage".

Autre constat cruel de l'étude : les Espagnols ne maitrisent pas assez les langues étrangères, facteur d’intégration s'il en est. Plus de la moitié des Espagnols interrogés (55%) y voient un des problèmes rencontrés dans leur pays de destination contre seulement 31% des Portugais, 35% des Italiens et 37% des Grecs. En ce qui concerne la pratique de l’anglais, seulement 14% des Espagnols disent connaître suffisamment bien la langue pour soutenir une conversation, moins de la moitié de la moyenne européenne (32%). Concernant les autres langues, seulement 1% d'entre eux maîtrisent l’allemand, et 4% le français. Cette faiblesse réduit leur possibilités d’emploi, et rend en général, plus difficile la résolution de toute procédure, que ce soit des tâches administratives ou trouver un logement.

Enfin, le résultat des enquêtes menées montre que seulement 36% des espagnols qui ont émigré en 2007 se sont enregistré auprès de leur consulat, il faudrait donc multiplier par 2,7 le nombre d’inscrit pour trouver une estimation du nombre réel d’émigrants espagnols.

A lire > Les faiblesses de l'émigration espagnole, Real Instituto El Cano.