Ikram Guerd, la Française qui se bat pour la santé des femmes, en Californie

Ce 23 octobre, Ikram Guerd nous a donné rendez-vous dans le quartier branché de West Hollywood. Le soir même, la Française organise un événement non loin de là, à Santa Monica, avec le SoCal Women Health Collective. C’est l’association qu’elle a créée en mai 2025 avec cinq autres femmes pour braquer les projecteurs sur une cause qu’elle a chevillée au corps : la santé des femmes. Un enjeu trop longtemps tabou, aux États-Unis comme en France, même si les choses commencent à bouger, en témoigne l’intérêt des fondateurs, investisseurs, chercheurs et médecins qui rejoignent leur mouvement. « Ce soir, 100 personnes se sont inscrites pour écouter notre invitée, Liz Powell, qui est une lobbyiste de la santé des femmes à Washington, se réjouit la jeune femme pétillante. La soirée est ouverte à tous ceux qui sont intéressés par le sujet, hommes et femmes. Ça prend de l’ampleur, on a une liste d’attente ! »

Quelques jours plus tôt, Ikram Guerd était à New York pour recevoir le trophée Women empowerment lors de la troisième édition des Trophées des Français des États-Unis, organisés par Lepetitjournal.com au Consulat général de France à New York. Un prix qui récompense plus de 20 ans d’une carrière audacieuse dans la santé, où elle a imprimé sa marque, des deux côtés de l’Atlantique. Ce soir-là, l’émotion était intense pour la jeune femme, aphone, qui a dû prononcer son discours en chuchotant. « J’étais émue et touchée, ça me paraissait un peu inaccessible. Les précédentes lauréates de ce trophée sont Julie Chapon de Yuka, et la virologue Océane Sorel, des profils hyper inspirants. Moi, je me sens petite face à tout ça. Je ne réalise toujours pas » confie-t-elle attablée à la terrasse de Zinqué. Une reconnaissance méritée pour la « bonne élève » longtemps restée dans l’ombre, qui a pris des risques pour faire de sa carrière une véritable vocation.

Bannir la douleur lors des procédures gynécologiques

Ikram Guerd est responsable de la branche américaine d’Aspivix, une start-up suisse innovante en gynécologie, ainsi que du marketing et de la communication de la boîte au niveau mondial. En 2023, c’est seule que la Française accepte d’implanter la boîte aux États-Unis et de faire connaître sa solution,« carevix ». Ce dispositif qui respecte les femmes, Ikram Guerd en parle avec passion. « Carevix est une alternative beaucoup plus douce au tenaculum, ou pince de Pozzi en français, l’instrument utilisé par les gynécologues depuis 130 ans pour attraper le col de l’utérus, sans anesthésie, provoquant de fortes douleurs chez les patientes, explique-t-elle. Notre solution utilise la succion pour épouser la forme du col de l’utérus et créer une petite pression pour le tracter de façon plus douce. Nous avons 94% de satisfaction chez les patientes.» Une petite révolution, dans un domaine longtemps oublié par la recherche et l’innovation. 

Validée par la FDA (Food and Drug Administration) et testée dans des cliniques américaines, la solution d’Aspivix vient d’être lancée sur le marché américain à Los Angeles, Orange County et New York. Mission réussie pour Ikram Guerd, qui, pour y parvenir, a opéré une véritable mue, en épousant la culture du business à l’américaine. Pitcher devant des investisseurs, s’emparer des réseaux sociaux, monter sur scène… « Ça a été un long chemin, se remémore-t-elle. Plus jeune, j’étais extrêmement timide. Aller parler en public, c’était impossible. Mais j’aime bien les challenges. Me mettre dans des situations inconfortables, c’est une façon de me tester.» Elle raconte comment, « au culot », elle a contacté une experte américaine en women’s health, pour lui faire connaître « carevix », qui réduit les douleurs gynécologiques. Séduite, celle-ci en a parlé dans cette vidéo, qui a récolté 2 millions de vues en deux jours sur Tik-Tok. « Ça ne fait que confirmer le besoin de changer les esprits ! », martèle Ikram Guerd.

La santé, le marketing et l’humain

Petite, elle rêvait de devenir pédiatre. Elle fait finalement des études en commerce international, mais la santé sera le fil rouge de sa carrière. La santé, l’humain et le marketing, pour lequel elle a « un coup de cœur » chez Procter & Gamble. Déterminée et enthousiaste,  elle monte les marches une à une. Un premier poste dans une société pharmaceutique, un second dans un groupe de maintien de soins à domicile puis un autre chez Radiometer -toujours dans le marketing - où elle est en charge d’un moniteur pour les bébés en réanimation néonatale. 

Envoyée en Californie en 2016, elle dirige des équipes marketing dans un environnement nouveau : « J’étais la plus jeune, la seule étrangère parmi des Américains, et la seule femme. J’ai appris à me positionner et à faire de ma différence une force, assure-t-elle. Les gens se rappellent de moi parce que je suis Française ou parce que je porte toujours du rouge ! » Après la naissance de son deuxième enfant, Ikram Guerd rejoint Beckman Coulter Diagnostics, « l’une des premières sociétés à développer des tests Covid », en pleine pandémie. « D’un point de vue communication, c’était une expérience unique » se souvient-elle. Depuis qu’elle a rejoint l’aventure Aspivix, plus rien ne l’arrête : « Plus qu’un job, c’est une vraie passion ! »  

A Los Angeles, un engagement communautaire

À côté de sa carrière intense, Ikram Guerd trouve le temps de s’engager dans la communauté franco-américaine de Los Angeles. Elle a mentoré une centaine de femmes bénévolement, elle est active chez French Cluster, The Elles Collective, et elle vient de prendre la tête du comité santé de la FACC California SF-LA, à Los Angeles (dont Lepetitjournal.com vous parlait ici). Sans oublier l'aventure du SoCal Women Health Collective qui commence. Infatigable, elle puise de l’énergie dans l'action collective : « J’ai besoin de sentir que je suis utile à d'autres.» 

Etre visible, le conseil d’Ikram Guerd pour percer aux États-Unis : « Souvent les gens ne reconnaissent pas ton travail. Ton meilleur allié, c’est toi-même. Pour te créer des opportunités, à toi de te mettre en avant. En France, dès que tu sors du lot, tu attires l'attention, les gens vont te juger, mieux vaut être dans l’ombre. Ici, pour réussir, il faut sortir du lot. Faire partie d’une communauté, faire parler de toi, parler de ta société. Il faut saisir n’importe quelle opportunité pour être visible. Les Awards m'ont permis d’arriver à ça.»