Dans son nouveau roman intitulé « C », paru en octobre aux éditions Grasset, Amanda Sthers s’empare des fractures politiques, sociales et émotionnelles qui traversent la France et le monde. Rencontre avec une écrivaine installée à Los Angeles depuis 10 ans, qui revendique la nuance dans un monde dominé par la vitesse et la polarisation.


De retour d’une tournée promotionnelle en France, Amanda Sthers nous reçoit dans la chaleur de sa maison de Los Angeles. Son dernier roman, « C », publié en octobre aux éditions Grasset, est un projet né « d’un besoin de résistance » suite aux attaques du 7 octobre 2023 en Israël, raconte-t-elle. Résistance face à une actualité extrêmement sombre, mais aussi face à la simplification du débat public. Face aux réseaux sociaux, qui réduisent des drames humains à des prises de positions binaires qui se doivent immédiates et réactives. Avec « C », Amanda Sthers signe un roman profondément ancré dans le réel, où la littérature devient un moyen de saisir une époque traversée par la peur et la colère. Elle entend réintroduire de la nuance, rappeler que la réalité ne peut se lire en seulement 140 caractères.

Dans ce nouveau roman, un champignon toxique baptisé « C » envahit progressivement l’habitation d’un couple, Gilles et Rebecca - une métaphore de la contamination sociale et de la dégradation de leur relation. « Pour représenter la société, j’aurais autrefois eu besoin d’une famille. Aujourd’hui, la société est tellement polarisée qu'un couple suffit » souligne-t-elle. L’autrice, qui est viscéralement liée à la France à travers l’écriture, y aborde frontalement les tensions politiques, la montée de l’antisémitisme, la polarisation des opinions et les mécanismes de radicalisation.
Refuser la caricature
Pour Amanda Sthers, décrypter une situation aussi complexe et sensible demande de comprendre ses personnages, et exige de refuser toute caricature : « Il faut de l’empathie quand on écrit des personnages, il ne faut pas s'en moquer parce que sinon, on ne peut pas les comprendre. Personne ne pense être du mauvais côté de l’Histoire. » Ces personnages offrent alors un espace de réflexion : « Ils nous permettent d'explorer plusieurs pistes de pensées et ensuite de nous faire notre propre opinion. » Ce champignon, tout aussi atroce qu’envoûtant, incarne ainsi l’empoisonnement progressif des idées préconçues, accompagné par une fascination du pire, et de la glorification de solutions extrêmes présentées comme inévitables.
Los Angeles, une ville qu’elle a apprivoisée avec le temps
Elle-même s’est installée à Los Angeles avec ses deux enfants il y a 10 ans, après le choc des attentats terroristes du 13 novembre 2015. Elle confie qu’apprivoiser la Cité des Anges demande là aussi de la nuance, de la patience, de la curiosité et une forme d’initiative personnelle. « Il faut aller chercher ce qu’on aime, à LA rien ne vient tout seul. Mais une fois qu’on se pousse à s'intégrer, la ville s’ouvre » dit-elle. À l’image de nombreux expatriés, elle a mis plusieurs années avant de se sentir pleinement chez elle à Los Angeles, mais elle montre qu’il est possible de se recomposer un monde et de s’entourer d’un cercle social durable et solide. C’est sa générosité et son sens du partage qui ont transformé la ville en terrain de jeu.
Amanda Sthers rappelle également combien l'immensité californienne permet de se réinventer et d’explorer à son rythme, et que c’est cette nature californienne qui lui a finalement permis de se connecter à la ville : « Pour ceux qui aiment la nature, il y a quelque chose de vraiment magique ici. » En attendant l’adaptation cinématographique de « C », actuellement en développement pour le marché français, nous pourrons retrouver sa plume sur les planches parisiennes de la Comédie Saint Martin avec la pièce « Le Rôti », à partir du 2 décembre 2025.


















