Mercredi, la légende suisse Roger Federer prenait la porte en quart de finale du tournoi de Wimbledon. Une défaite qui soulève beaucoup de questions pour celui qui fêtera ses 40 ans dans un mois.
L’homme aux 20 titres du Grand Chelem a été battu en trois sets secs (6/3 7/6 6/0) par le jeune Polonais Hubert Hurckacz, 18ème mondial et adorateur du Suisse. Plus que son élimination, c’est la manière dont elle est survenue qui inquiète et pousse fans et observateurs à se poser la question fatidique : était-ce la dernière fois que nous voyions Federer fouler le gazon du Centre Court ? Une question à laquelle l’intéressé lui-même n’a pas pu répondre en conférence de presse d’après match.
Mon dernier Wimbledon ? Je ne sais pas du tout. On va discuter avec mon équipe. Je vais prendre quelques jours. Je suis très content d'être allé aussi loin après tout ce que j'ai traversé. J'aimerais pouvoir revenir, mais à mon âge on ne peut pas savoir.
Il est vrai qu’à presque 40 ans, la plupart des sportifs professionnels ont déjà raccroché depuis longtemps, ou ne sont en tout cas plus que l’ombre d’eux-mêmes. Mais il s’agit tout de même de Roger Federer, celui qui a écrit l’histoire du tennis depuis plus de 20 ans, tombeur d’innombrables records et toujours détenteur d’une multitude d’entre eux malgré la concurrence féroce de Rafael Nadal et Novak Djokovic. Alors, peut-il se relever après la déconvenue de mercredi ?
Une défaite qui inquiète
« Rodgeur » n’avait plus encaissé de 6/0 depuis l’humiliation infligée par Rafael Nadal en finale de Roland Garros 2008 (6/1 6/3 6/0). En tout et pour tout, ceci ne lui est arrivé que deux fois depuis l’an 2000. Une statistique peu significative mais révélatrice de l’impuissance du Suisse face à Hurckacz. Une impuissance qu’on lui avait rarement connue, et encore moins à Wimbledon, son jardin, où il détient le record de huit titres dont cinq consécutifs.
Après avoir subi deux opérations du genou en 2020, il avait passé plus d’un an éloigné des courts. On se demandait alors s’il serait capable un jour de les refouler et d’évoluer à nouveau à son meilleur niveau. Ses retours peu concluants en mars 2021 à Doha et à Genève en mai n’incitaient pas à l’optimisme mais n’étaient pas si inquiétants pour un joueur sortant à peine de convalescence.
Il décide de jouer Roland Garros, où il est lui-même agréablement surpris de parvenir jusqu’en huitièmes de finale, stade auquel il doit faire le choix de se retirer du tournoi. Le but était d’éviter de trop tirer sur la corde sur la terre battue parisienne, surface la plus exigeante pour le corps. Même résultat à Halle (Allemagne), tournoi disputé sur gazon qu’il a remporté dix fois : il prend à nouveau la sortie dès les huitièmes de finale. Federer est donc arrivé à Londres avec peu de matches dans les jambes et un capital confiance loin d’être optimal.
Malgré l’accession aux quarts de finale, la défaite à Wimbledon symbolise ce que tout le monde craignait depuis quelques mois, à savoir la possibilité que Roger Federer ne soit plus capable de tenir le rythme physiquement face aux autres cadors du circuit ATP (la fédération internationale masculine de tennis). Il était monté en puissance tout au long du tournoi, mais ses lacunes physiques ont été mises en lumière, le limitant et ne lui permettant pas d’opposer de réelle résistance à un adversaire d’un très haut niveau, certes, mais qui ne lui aurait pas posé de problème par le passé. Les déclarations de l’octuple vainqueur de Wimbledon confirment ce sentiment.
C'était dur. Les derniers jeux, je savais que je ne reviendrai pas. Je ne suis pas habitué à ça. L'ovation à la fin était fantastique, le public a été incroyable. C'est pour ça que j'étais là. C'était une fin difficile.
N’oublions pas qui est Roger Federer
Tout n’est cependant pas à jeter dans cette édition 2021 car, malgré des performances en deçà de ses standards, Federer arrive quand même à gratter des records. En atteignant les quarts de finale, il est devenu le plus vieux joueur à atteindre ce stade de la compétition, glanant au passage sa 105ème victoire sur le gazon londonien. Il égale ainsi le record de victoires dans un même tournoi du Grand Chelem détenu par Rafael Nadal et ses 105 victoires à Roland Garros.
Encore des records pour Roger Federer ?
— We Are Tennis France (@WeAreTennisFR) July 6, 2021
✨ Plus grand nombre de victoires dans un GC → 105 à Wimbledon
✨ Plus grand nombre de 1/4 en Grand Chelem → 58
✨ Plus grand nombre de 1/4 à Wimbledon → 18 pic.twitter.com/fDmSWK9tQ7
Au-delà de ces quelques chiffres qui régalent les fans et l’histoire du tennis, il faut rappeler que ce n’est pas la première fois qu’on enterre le Suisse avant l’heure. Depuis qu’il a passé le cap des 30 ans, la presse n’a eu de cesse de matraquer que sa fin était proche, lui attribuant le sobriquet de « Papy Roger » et le prédisant incapable de revenir après sa désastreuse saison 2013 ou après sa blessure en 2016.
Mais celui que beaucoup considèrent comme le plus grand joueur de tous les temps a une fâcheuse tendance à déjouer les pronostics. Après une absence de six mois, il était revenu en 2017 pour signer une des meilleures saisons de sa carrière et remporter deux titres du Grand Chelem, alors que son dernier succès dans un des quatre tournois les plus prestigieux au monde remontait à 2012.
Les résultats mitigés de Federer peuvent également être le signe qu’il a encore besoin d’un peu de temps pour retrouver ses marques, sa préparation pour Wimbledon ayant été plutôt courte si l’on voit les choses sous un autre angle. Se relancer directement dans le grand bain n’est évident pour personne, et même la légende ne déroge pas à la règle.
Sa performance a été minimisée en raison de son palmarès, mais atteindre les quarts de finale d’un tournoi aussi prestigieux reste une performance impressionnante, particulièrement avec une préparation si courte. Comment pourrait-on donc, après seulement quatre tournois disputés, enterrer quelqu’un qui n’a pas cessé de nous surprendre pendant deux décennies ?
L’or olympique en ligne de mire
Personne ne souhaite voir le Suisse tirer sa révérence, mais la plupart de ses fans préféreraient le voir s’en aller tant qu’il n’a pas encore perdu toute sa superbe. Ils ne veulent pas avoir à lui dire adieu après une défaite déchirante au premier tour de Wimbledon car il était au bout du rouleau. Il s’agit là simplement du fantasme de voir nos idoles partir en beauté, au sommet de leur art. Ce n’est pourtant pas de son dernier match dont on se souviendra le plus (sauf bien sûr s’il décidait de partir sur un coup d’éclat), mais bien de sa carrière passée à faire rêver toutes les générations d’amateurs de tennis grâce à la magie qu’il produit du bout de sa raquette.
Mais n’allons pas trop vite en besogne. Son envie est toujours présente. Nous n’avons pas affaire à un joueur à bout de souffle, épuisé mentalement par les années passées à faire le tour du monde, mais à un presque quadragénaire avec la motivation d’un jeune de vingt ans. Il a encore faim de trophées, et c’est pour cette raison qu’il souhaitait disputer Wimbledon ainsi que les Jeux Olympiques, seul titre majeur manquant à son palmarès. La flamme olympique ne sera pas la seule à briller de mille feux cette année, car celle de Federer brûle encore.