Édition internationale

Devenir gynécologue au Royaume-Uni : l’expérience de Victoire Kotur de Castelbajac

Dr Victoire Kotur de Castelbajac est une gynécologue française qui a emménagé à Londres avec sa famille et repris cette année ses fonctions médicales à « La Clinique française », au sud-ouest de Londres. Elle nous raconte son intégration dans le milieu gynécologique britannique et ses différences par rapport à la France.

Victoire Kotur de Castelbajac, gynécologue à LondresVictoire Kotur de Castelbajac, gynécologue à Londres
Écrit par Nellie Monneret
Publié le 17 juillet 2023, mis à jour le 20 juillet 2023

Qu’est-ce qui vous a fait choisir cette voie ?

J’ai fait médecine pour être pédiatre puis j’ai décidé de me spécialiser dans la santé de la femme qui m’intéressait plus. J’ai donc décidé de me spécialiser en gynécologie médicale (« gynéco med ») qui est une spécialité purement française de suivi non-chirurgical et non-obstétrique.

 

Quand êtes-vous arrivée à Londres et qu’est-ce qui vous a amené au Royaume-Uni ?

Après plusieurs années d’internat, de recherches et de pratique en France, je suis arrivée à Londres en septembre 2022 et j’ai commencé à pratiquer ici en janvier 2023. Mon mari a fondé sa boîte au Royaume-Uni avec son petit frère et quand on s’est rencontré, j’avais toujours eu envie de partir à l’étranger. En me spécialisant dans la gynéco med, une petite voix dans ma tête me disait : « souviens-toi que tu ne pourras pas la pratiquer à l’étranger », mais j’avais quand même très envie de le faire donc j’ai sacrifié cette envie car la chance de rencontrer un étranger me paraissait faible, même si c’est ce qui a fini par m’arriver. J’ai dit à mon mari que je me verrai bien vivre à Londres et il m’a demandé en mariage.

 

Comment avez-vous intégré la gynécologie au Royaume-Uni ?

J’ai eu la chance de rencontrer l’année dernière des médecins françaises qui avaient pratiqué à Londres. Elles m’ont présenté à la clinique franco-britannique où je travaille actuellement. Grâce à mon mari qui est devenu britannique il y a quelques années, j’ai obtenu le pre-settled status assez rapidement. Pour la langue, j’avais peur de ne pas connaître les termes médicaux même si je parlais l’anglais couramment, mais j’ai appris avec l’aide de Google translate et d’articles médicaux.

 

Comment avez-vous réintégré la gynécologie au Royaume-Uni ?

Quand je me suis installée ici, je me suis demandé d’où venaient les petits acronymes devant les noms de médecins au Royaume-Uni (RPOG, MS, etc.). J’ai réalisé qu’il s’agissait en fait de leur affiliation à des « societies » (associations) médicales. J’ai consulté plusieurs sites et j’ai beaucoup aimé le côté formation continue et les newsletters fréquentes et webinars organisés. L’affiliation a été assez simple, mais m’enregistrer comme médecin avec le GMC (organisation britannique délivrant le statut officiel de médecin) a été plus difficile. J’ai dû m’y prendre à plusieurs fois pour obtenir le test d’anglais requis, puis la vérification des diplômes a été assez longue malgré la réactivité des institutions françaises.

 

Le plus important est d’écouter, d’informer les patientes et de les examiner avec respect.

 

Qu’est-ce que vos formation et expérience françaises vous ont apporté ici ?

En France, ma formation s’est beaucoup appuyée sur le « sens clinique » - c’est-à-dire l’utilisation de ses connaissances dans la pratique et le contexte clinique. En d’autres termes, la vie n’est pas simplement un QCM. Or ici, il y a un côté très procédurier et les médecins s’appliquent à « tick the box » (cocher les cases), car ils doivent beaucoup se protéger contre les risques de procès face auxquels on n’est peu sensibilisés en France. J’avais peur d’être aussi craintive en arrivant ici et de changer mon sens clinique, mais je suis restée moi-même. Le plus important est d’écouter, d’informer les patientes et de les examiner avec respect.

 

J'essaie de donner mon temps pour aider les personnes qui n’ont pas les moyens de payer des consultations privées

 

Quelles autres différences avez-vous remarqué dans ce milieu ?

L’hôpital public en France ne va pas bien du tout, mais la NHS (hôpital public britannique) a malheureusement 10 ans d’avance dans la galère. Il y a un système à deux vitesses entre le système public qui prend du temps car tout passe par le médecin généraliste et le système privé où tout se paye et est soudainement plus rapide. J’essaie de donner mon temps pour aider les personnes qui n’ont pas les moyens de payer des consultations privées. Le gouvernement britannique a récemment décidé d’injecter 25 millions de livres sterling pour fonder des « Women’s Health Hubs » (centres de santé pour la femme) et je me demande comment ils vont les remplir s’ils n’ont pas de personnes formées. Dans la clinique où je pratique, il y a quand même beaucoup de demandes pour de la gynécologie med grâce à la communauté française et d’autres communautés étrangères à Londres qui connaissent cette culture.

 

J’aimerais aussi fonder un « vagina truck » (bus du vagin) avec la NHS

 

Quels sont vos projets futurs ?

J’aimerais étendre mon activité pour aider un maximum de femmes ici et si possible commencer à travailler à la NHS, soit dans ma surspécialité qu'est la cancérologie, soit en gynécologie. J’aimerais aussi fonder un « vagina truck » (bus du vagin) avec la NHS. Il existe déjà un projet similaire avec le bus de la prostate qui voyage dans tout le pays pour faire des dépistages du cancer de la prostate.