Bertrand Buchwalter est devenu, le 1er février 2021, directeur de l’Institut français du Royaume-Uni et conseiller culturel de l’Ambassade de France. Dans un entretien accordé à Lepetitjournal.com, il revient sur les raisons de son arrivée à Londres et sur les missions qui l’attendent.
Avant d’arriver à Londres, quelles missions avez-vous exercées en tant que haut-fonctionnaire français ?
J’ai passé une partie de mon enfance en Turquie, un pays avec lequel je cultive un lien étroit, puisque j’y ai effectué mon service national en tant que lecteur dans un département francophone. Quelques années plus tard, j’ai intégré le ministère des Affaires étrangères en réussissant le concours d’Orient. Et si j’ai occupé récemment les fonctions de Consul général à Istanbul en 2016, c’est avant tout l’Europe et les relations qu’elle entretient avec son voisinage immédiat qui ont dominé mes vingt années de carrière. Même lors de ma mission à Washington, je travaillais sur les relations transatlantiques et conservais un lien fort avec le Vieux Continent. J’ai aussi effectué une mission à Bruxelles, pendant trois ans, comme négociateur dans un groupe de travail sur les relations entre l’Union européenne et la Méditerranée.
Qu’est-ce que vous appréciez le plus dans votre travail de diplomate ?
Ce qui est formidable dans le travail de diplomate, c’est que nous changeons de poste tous les trois ou quatre ans, et qu’il est donc possible d’exercer des métiers très différents. Il n’y a pas de profil type pour être conseiller culturel ou directeur de l’Institut français.
La culture et l’éducation sont deux sujets qui me passionnent et ils sont au cœur de notre diplomatie. Je m’y suis d’ailleurs beaucoup consacré lors de mes précédentes missions, notamment et plus particulièrement à Istanbul. En effet, toute une partie de mon travail consistait à participer à la politique de rayonnement de la France (culturelle, économique, politique). Dans un contexte compliqué, la culture constituait un liant extrêmement fort. J’étais également très investi dans la vie du lycée français Pierre Loti d’Istanbul.
Qu’est-ce qui vous a plu dans cette mission londonienne ?
Londres était mon premier choix. Il s’agit de l’un des plus anciens instituts, et il demeure l’un des joyaux de notre réseau culturel. Il existe ici un réseau exceptionnel, consolidé depuis plusieurs années par le travail considérable qui a été fait par toutes les équipes. Nous disposons également du soutien des alliances françaises et de l’institut français d’Ecosse, avec lesquels nous travaillons très étroitement.
Dans la culture au sens large du terme, par quoi êtes-vous le plus passionné ?
J’ai des goûts très éclectiques en la matière, même si je suis particulièrement intéressé par l’art contemporain. Il y a une nouvelle scène française composée des jeunes artistes marquants, à l’image de la plasticienne et vidéaste Laure Prouvost, qui sont connus et reconnus dans le monde entier. L’Institut en soutient certains grâce au programme Fluxus, qui existe depuis dix ans et qui est devenu, au fil des années, une pépinière de jeunes talents franco-britanniques.
J’aime également le cinéma. J’ai notamment été frappé par l’incroyable film de Ladj Ly, Les Misérables. J’espère d’ailleurs que nous pourrons prochainement organiser une rencontre avec ce réalisateur.
Avez-vous un ouvrage à conseiller à nos lecteurs ?
Pendant le confinement, j’ai beaucoup relu Gustave Flaubert, dont on fêtera le bicentenaire de la naissance cette année. J’aime particulièrement Le Dictionnaire des idées reçues, qui constitue, selon moi, un monument de drôlerie et de sagesse. Mais j’attaque en ce moment le dernier livre d’Alice Zeniter, que nous recevrons prochainement à l’Institut.
Comment l’Institut français du Royaume-Uni s’est-il adapté à la crise du Covid-19 ?
J’ai eu le temps de me préparer à mes fonctions et d’échanger avec les équipes déjà en place. A aucun moment pendant le confinement, l’Institut n’a cessé de mettre la culture à l’honneur. Nous sommes restés mobilisés en proposant une programmation en ligne et nous avons également mis à profit cette période pour préparer l’avenir. La rénovation du hall de l’Institut, commencée sous l’égide de mon prédécesseur, avec le soutien de notre trust, est bientôt terminée. Nous avons essayé de garder son esprit d’antan grâce à plusieurs éléments Art déco, mais aussi de projeter une image plus moderne. Lorsque l’Institut va rouvrir, notre public va redécouvrir ce lieu complètement transfiguré.
J’imagine que l’éducation reste aussi une priorité pour vous…
Oui, évidemment. Parmi nos autres projets en cours, un espace dédié à l’accueil des publics scolaires va voir le jour. Véritable point fort de notre activité, il mobilise tous les services de l’Institut, et notamment notre centre de langue ainsi que les équipes du cinéma et de la médiathèque. Avant la pandémie, nous pouvions recevoir jusqu’à 10 000 élèves britanniques par an, principalement de Londres. Dans le même temps, je pense qu’il est important de continuer à s’ouvrir à un public de jeunes actifs. Nous pouvons encore construire de nombreuses passerelles avec l’ensemble de ces milieux avec lesquels nous travaillons déjà.
Par ailleurs, nous avons un réseau d’enseignement français qui est formidable, avec près de 7 000 élèves répartis dans quinze établissements scolaires. Ce résultat est le produit d’un effort collectif : le réseau a beaucoup grandi ces dernières années grâce au « Plan Ecole ». Je commence en ce moment à me rendre dans ces établissements qui, bien que tous différents, possèdent un ADN commun qui est la force d’un enseignement français homologué par l’AEFE (Agence pour l’enseignement français à l’étranger, ndlr). Aujourd’hui, l’enjeu est de réussir à aller collectivement à la conquête de nouveaux publics, et notamment de recruter plus de jeunes Britanniques en mettant encore davantage l’accent sur l’apprentissage des langues étrangères, et pas seulement du français.
Quels sont les projets de l’Institut dans un futur proche ?
Grâce au soutien de notre trust et de nos mécènes, nous allons désormais nous attaquer à la rénovation du Centre de Langue, ce qui constitue un projet très structurant pour les années à venir. Ce n’est pas le service le plus connu de notre public français, car c’est ici que nous diffusons la langue de Molière aux Britanniques, mais il s’agit toutefois d’une pierre angulaire de notre projet.
Autre temps fort de l’année, notre festival de littérature Beyond Words qui, pendant une semaine, du 17 au 23 mai, nous permet d’organiser des débats et de recevoir des auteurs dont les ouvrages sont traduits en anglais. L’évènement se déroulera de façon hybride en ligne et sur site et marquera la réouverture de l’Institut, ce qui représente un grand temps fort aussi ! Les séances du Ciné Lumière, l’activité de la Médiathèque et le reste de notre programmation culturelle, reprendront au même moment.
Après le Brexit, de nombreuses questions se posent quant à l’avenir des relations franco-britanniques. Quel est, selon vous, le rôle de l’Institut français dans cette période un peu particulière ?
Nous sommes à l’an 1 d’une nouvelle ère franco-britannique. L’enjeu est que les sujets relatifs à la culture et à l’éducation continuent d’être au cœur de notre relation. Je souhaite faire de l’Institut la figure de proue des rapports culturels entre nos deux pays, en continuant de montrer la richesse, et la diversité des créateurs français.
L’histoire et la géographie nous unissent de manière indéfectible au Royaume-Uni, mais il faut continuer de se mobiliser pour éviter tout décrochage dans notre coopération, pour continuer à veiller à la fluidité de la mobilité de la jeunesse et des artistes. Nous avons, dans les domaines de l’éducation et de la culture, beaucoup de choses à faire avec les Britanniques !
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