Jeudi soir, alors que je me promenais près de Piccadilly Circus et profitais de ma dernière virée londonienne avant de retourner en France pour Noël, Londres m'a encore une fois démontré qu'elle est pleine de (bonnes) surprises.
"Ouïghours" était écrit au rouge-à-lèvres sur la vitrine du magasin Zara sur Oxford Street, volontairement inscrit juste en-dessous des mots "Merry Christmas", comme si la marque souhaitait, d'une manière tristement ironique, un Joyeux Noël au peuple qu'elle réduit en esclavage depuis des mois.
Cette découverte était une bonne surprise. Bonne, car elle est pour moi le témoignage qu'une partie de la population commence à prendre conscience, et plus encore, à dénoncer ce crime contre l'humanité, d'après les termes de l'eurodéputé Raphaël Glucksmann. Ce dernier est à l'origine des révélations concernant l'exploitation du peuple Ouïghour dans la province chinoise du Xinjiang. Il est devenu depuis le porte-parole du mouvement populaire demandant la fermeture des camps de concentration dans lesquels les victimes du totalitarisme chinois sont déportées, et l'instauration de sanctions contre ce dernier.
Adrian Zenz est l'auteur de la dernière enquête sur l'exploitation des Ouïghours en Chine, réalisée grâce à l'analyse de documents officiels sur les actions du gouvernement de Xi Jinping. Il révèle que 570 000 ouïghours ont été forcés, par le Parti Communiste Chinois au pouvoir, à cueillir du coton dans les champs du Xinjiang.
Aujourd'hui, trois millions de ouïghours sont internés et torturés dans des camps de concentration chinois, pour l'unique raison de leur confession musulmane. Une "liste de la honte" a été publiée par l'eurodéputé, révélant les noms des multinationales utilisant la main d'œuvre Ouïghour dans leurs usines. Parmi celles-ci, Amazon, Huaweï, H&M, Alstom, Bosch, Google, Puma, Nike et bien d'autres. Certaines se sont engagées à cesser de se fournir de cette manière. D'autres, comme Zara, n'ont pas donné de réponse aux sollicitations de la communauté internationale et des eurodéputés engagés dans ce combat, leur demandant de faire de-même.
En observant cette première inscription, je me suis demandée si celui ou celle qui l'avait réalisée était assez déterminé pour incriminer de son geste d'autres enseignes soupçonnées d'utiliser la main d'oeuvre ouïghours à des fins commerciales. Et bien si, mais quel héros ! La même empreinte bordeaux se trouvait également sur la vitrine de Gucci, marque appartenant au groupe Kering, accusé de se fournir en coton cueilli dans la province du Xinjiang.
Depuis la réalisation de ces photos, le groupe Kering s'est entretenu avec Raphaël Glucksmann et Nayla Ajaltouni du collectif Éthique sur l'étiquette. Le propriétaire de plusieurs marques de luxe, telles que Balenciaga, Gucci, et Yves Saint-Laurent, "refuse de s'engager publiquement à bannir le coton chinois de sa chaîne d'approvisionnement", d'après les mots de l'eurodéputé. Elle a néanmoins promis de commencer à travailler avec plusieurs ONGs afin d'améliorer la traçabilité de ses produits dans le monde.
Alors où, et qui que tu sois, sache que ton geste appartient au genre des actions qui ont un sens, car ce sont elles qui mènent au changement. Grâce à toi, cet article existe. Grâce à cet article, des lecteurs vont peut-être découvrir l'existence de ce peuple et de ses souffrances, et en parler autour d'eux. Grâce à cette découverte et ce dialogue, des dizaines de personnes vont peut-être cesser d'acheter chez des marques figurant sur la liste de la honte, ou soupçonnées de s'approvisionner au Xinjiang. Ce n'est peut-être pas très significatif, des dizaines de personnes face à plusieurs millions de ouïghours. Mais sur elles en tout cas, ton action aura eu un impact.
Informez-vous, éduquez-vous, mobilisez-vous, et ne faites plus semblant d'ignorer l'impact de votre façon de consommer. Car des citoyens exemplaires se chargeront de vous le rappeler. Sur des vitrines ou des pancartes. Avec un rouge-à-lèvres ou une bombe de couleur. Aujourd'hui et demain.
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