Menée tambour battant depuis le 19 décembre, la campagne de vaccination de l’État hébreu est de loin la plus efficace du monde.
Le Royaume-Uni est devenu au début du mois de décembre le premier état à approuver un vaccin anti-covid. Cette approbation précoce devrait permettre au Royaume-Uni de sortir le plus vite possible d’une crise sanitaire jusqu’ici très mal gérée et terriblement meurtrière. La campagne de vaccination avance pour le moment comme prévu selon les plans du gouvernement, celui-ci maintient toujours son objectif de 15 millions de vaccinations au 15 février.
Un peu plus loin, sur les bords de la Méditerranée, l’État Israël avance aussi à vitesse grand V dans la distribution du vaccin. Sur 100 000 habitants, un peu plus de 27 sont déjà vaccinés contre 6,3 au Royaume-Uni et moins de un en France. Israël prévoit d’ailleurs de vacciner l’ensemble de ces habitants de plus de 16 ans d’ici mi-mars. Si la comparaison brute entre Israël et le Royaume-Uni n’est pas pertinente au regard de l’écart dans le nombre d’habitants, 9 millions contre 67 millions, l’organisation de la campagne israélienne mérite d’être étudiée.
Facilités structurelles
En premier lieu, Israël dispose d’atouts structurels rendant plus facile la distribution du vaccin. Une grande partie des 9 millions d’habitants sont répartis dans des zones urbaines. Notamment un peu plus de trois millions dans la métropole de Tel-Aviv. Seulement 8 % des israéliens vivent dans des zones rurales. Les habitants d’Israël sont tous rattachés à l’une des quatre caisses d’assurance maladie. Ce sont celles-ci qui se chargent de contacter les personnes éligibles à la vaccination grâce aux fichiers centraux dont elles disposent au sein desquels sont rassemblés une fiche contact et les informations médicales des patients. Les vaccins sont administrés dans un réseau dense d’hôpitaux, cliniques et dispensaires auquel s'ajoutent 300 vaccinodromes.
Accord avec Pfizer et enjeux électoraux
Les quatre caisses d’assurance maladie sont d’ailleurs au cœur des accords entre l’État d’Israël et les laboratoires. D’après un document dévoilé par l’AFP ce lundi, Pfizer et BioNTech auraient accordé à Israël une livraison rapide des vaccins en échange de l’obtention de données sur la campagne de vaccination. Les données concernant la distribution des vaccins et l’acquisition ou non de l’immunité collective rassemblés dans les fichiers centraux seront communiquées à Pfizer. Celles-ci doivent lui permettre d’utiliser la campagne de vaccination israélienne comme un test grandeur nature de son produit. Dans la continuité, Israël aurait signé des contrats avec Pfizer et Moderna dès le mois de juin 2020. Selon une information publiée dans la presse mais jamais confirmée par les autorités, Israël aurait accepté de payer les doses bien au-dessus du prix du marché pour les obtenir plus rapidement. D'ailleurs, difficile de ne pas voir dans ce déploiement de moyens la volonté du Premier ministre Benjamin Netanyahu d’améliorer son image. Empêtré dans des affaires de corruption pour lesquelles un procès est en cours et visé directement par un mouvement de contestation qui dure depuis plusieurs mois, il devra remettre son mandat en jeu lors d’élections qui se tiendront le 23 mars, au moment où le pays doit finir sa campagne de vaccination. Il ne fait aucun doute que ce bilan lui servira d’argument de campagne.
Une distribution express mais inégale
Le nombre de doses commandées par Israël auprès de Pfizer et Moderna s’établirait à quatorze millions. De quoi vacciner par conséquent sept millions de personnes, une large partie de la population du pays. La distribution de ces doses se fait d’ailleurs à vitesse éclair. Une fiole du vaccin Pfizer permet de vacciner environ cinq personnes mais périme rapidement, au bout de cinq jours. A l’approche de la date de péremption, les soignants des centres de vaccination distribuent les doses restantes au premier venu. Plusieurs témoignages parus dans la presse évoquent les cas de personnes accompagnant un individu âgé ou de simples passants se voyant proposer les doses restantes au moment de la fermeture des centres en fin de journée. Une situation rendue possible par les fichiers centraux qui rassemblent les informations permettant de savoir rapidement si la personne présente des contre-indications à la vaccination. Pour autant, malgré ce déploiement rapide et efficace, une part importante de la population reste à l’écart de la campagne. Les arabes israéliens sont moins informés sur le processus et l’accès aux centres est moins facile, surtout dans les zones d’occupation. Enfin, Israël a refusé de fournir le vaccin aux habitants des territoires contrôlés par l’Autorité palestinienne. Pourtant, en tant que puissance occupante, Israël se doit, selon les articles 55 et 56 de la Quatrième Convention de Genève, « d’assurer l’approvisionnement en fournitures médicales » et de « prendre les mesures nécessaires pour combattre […] la propagation des épidémies ».
La campagne israélienne de vaccination est donc jusqu’ici une réussite et le pays va très probablement devenir le premier au monde à avoir vacciné sa population, ce qui permettrait au monde entier de connaître en avant première l’efficacité ou non du vaccin. La méthode utilisée pour l’obtention des vaccins peut pourtant sembler discutable. Si elle permet à Israël de sortir du marasme, la polémique s’arrêtera là. Si c’est un échec, les doses payées plus cher que le prix du marché et le partage massif des données auront un goût amer. De plus, la mise à l’écart des 2,8 millions de Palestiniens pourrait se retourner rapidement contre Israël. Une partie d’entre eux travaille chaque jour sur le territoire d’Israël et pourrait contribuer à une reprise de l’épidémie s’ils n’obtenaient pas de vaccins.
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