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“He will not divide us” itinéraire du drapeau anti-Trump

Drapeau anti Trump Shia LaboeufDrapeau anti Trump Shia Laboeuf
YouTube - WatcherMedia
Écrit par Stéphane Germain
Publié le 26 février 2021, mis à jour le 26 février 2021

Le drapeau anti-Trump hissé en 2016 a parcouru le monde, sans cesser d’être la cible d’un groupe d’extrême-droite. Il quitte alors les Etats-Unis pour Londres, avant de finir sa course en France.

 

C’est l’histoire d’un drapeau qui a déchaîné les passions. En 2016, le trio d’artistes composé de Shia Labeouf, Nastja Rönkkö et Luke Turner imagine une performance censée durer 4 ans. Le projet : installer une caméra à l’entrée du Museum of the Moving Image de New-York, qui tournerait et enregistrerait 24h/24, 7j/7, et dont les images seraient diffusées en direct sur internet. Face à cette caméra, les américain.e.s étaient invité.e.s à venir scander “He will not divide us”, soit “Il ne nous divisera pas”, tel un cri du cœur en réponse à l’élection de Trump. C’était sans compter sur les supporters de Trump, qui s’organisent alors pour compromettre la performance pacifique qui finira par prendre des allures de sordide chasse au trésor d’un groupe de l’alt-right américaine.

 

L’histoire d’une performance sabotée par un forum pro-Trump

La performance de Shia Labeouf et de ses acolytes n’aura pas duré bien longtemps. Très vite, elle devient la cible des pro-Trump, qui entendent faire contrepoids à la performance. Elle devient le cheval de bataille du forum /pol/ lancé par des militants de Trump sur internet qui se regroupent sous le nom de 4chan. Forts d’une communauté importante, les membres de 4chan appellent alors à saccager “He will not divide us.”

Alors, les détracteurs à l’initiative de Shia Labeouf s’immiscent devant la caméra, alternant entre références nazies, tags pro-Trump et autres débordements. Au bout du compte, le musée New-Yorkais finit par capituler, et prohibe la performance suite à une violente altercation entre Shia Labeouf et un autre homme. Le 10 février, soit tout juste 20 jours après le lancement de la performance, l’écran se noircit subitement et n’affiche plus qu’un message : “The museum has abandoned us.”

 

 

Une semaine après, le live refait son apparition en direct de la ville d’Albuquerque. Mais là encore, dès le lendemain, de nouveaux débordements se produisent : un homme armé surgit face à la caméra et scande “fuck Trump and his supporters”. Quelques jours plus tard, alors que des coups de feu ont été entendus sur la vidéo, Albuquerque coupe à son tour la diffusion en live. Puis, le livestream réapparaît, mais sous une autre forme cette fois-ci. Le slogan est désormais affiché sur un sobre drapeau blanc flottant au vent. Impossible alors pour les pro-Trump, sur le papier tout du moins, d’aller de nouveau saccager la performance ? Et pourtant, le forum 4chan analyse le sens du vent, parvient à déterminer le fuseau horaire, repère le trafic aérien, écoute les bruits de fond… En collectant toutes ces informations, ils parviennent à identifier le drapeau, hissé à Greeneville dans le Tennessee.

Pour le localiser précisément, les supports de Trump ratissent la ville en klaxonnant jusqu’à ce que les klaxons se fassent entendre sur la vidéo, indiquant alors leur proximité du lieu exact. Après moins de deux jours à flotter au vent de l'État américain, le drapeau est alors descendu peu après par un agent infiltré de 4chan.

 

Le drapeau s’expatrie en Angleterre

Nous sommes le 22 mars lorsque la diffusion de la vidéo reprend. Entre-temps, le drapeau a pris la fuite vers l’Angleterre, tentant d’échapper à ses pugnaces détracteurs. C’est la ville de Liverpool, située au nord-ouest du pays, qui accueille désormais le drapeau au cœur de la polémique. Plus précisément, c’est la Fondation pour l’art et la Technologie Créative qui le brandit à son sommet. Mais 4chan n’en démord pas, et tente cette fois-ci de trouver comment atteindre un drapeau hissé à plusieurs mètres de hauteur et protégé par la sécurité du lieu.

Sans plus de difficultés, trois hommes infiltrent les lieux et l’un d’entre eux, couvert par ses complices, escalade sur le toit et tente de décrocher le drapeau avant l’intervention de la police de Liverpool. L’opération se solde cette fois-ci par un échec : le drapeau fait de la résistance, solidement attaché à son mât. Pour autant, la police de Liverpool ne recommande pas la poursuite de la performance pour des raisons de sécurité. A nouveau, le drapeau est décroché et redevient demandeur d’asile.

 

From Liverpool to London...

Les choses se corsent pour 4chan alors que le drapeau réapparaît sur le live en août 2017 sur un fond blanc, et dans une vidéo démunie de toute sonorité. Mais les supporters de Trump, déterminés, semblent par ailleurs s’être pris au jeu et aimer relever les défis lancés par le drapeau.

A nouveau, ils croisent leurs informations et en déduisent, notamment grâce à l’origine d’un des membres du trio à l’origine de la performance, que l’objet de leur quête se trouve désormais dans la capitale britannique. En moins de 4h de recherches, les supporters Trumpistes du forum 4chan découvrent la localisation exacte du drapeau et forcent à nouveau son départ.

 

...From London to Nantes

Octobre 2017 : le drapeau réapparaît de nouveau, flottant cette fois en haut de la tour LU à Nantes, en France. Toujours aussi réactifs, les membres de 4chan tentent là aussi un happening pour détruire le drapeau. Deux personnes sont interceptées la semaine suivant son installation, tentant en vain d’escalader le bâtiment.

 

 

4chan redouble alors d’imagination, et envoie vers le drapeau un drône “soulevant un objet en feu”, annonce France 3 région le 25 octobre. Le groupe d’extrême-droite tente alors de mettre feu au drapeau en approchant l’objet en flammes de ce dernier, sans succès. L’AFP précise à l’époque que "le drone finit par percuter le mât, à 38 mètres de hauteur, et chuter". Le Lieu unique, bâtiment de la tour LU, annonce dans la foulée sa ferme intention de porter plainte. Si l’opération semble presque trop loufoque pour être vraie, elle ne fait que s’inscrire dans une triste escalade de l’ingéniosité de 4chan. 

 

 

4chan lâche l’affaire, le drapeau se hisse en symbole

Depuis, le drapeau n’a pas connu de nouvelles tentatives de destruction notables. Usé par le temps, il n’en reste aujourd’hui plus que les coutures de ses contours. Le Lieu Unique se refuse à enlever le drapeau, devenu symbole de la résistance contre l’acharnement du groupe d’extrême droite pro-Trump.

Sur son site internet, l’équipe de Lieu Unique affirme : “La scène nationale de Nantes est un lieu d’expression de l’engagement politique par l’art et, à ce titre, se doit d’offrir un soutien aux artistes qui ne peuvent s’exprimer dans de bonnes conditions. Le projet HEWILLNOTDIVIDE.US, censuré par des actes violents alors même qu’il prône la cohésion et l’unité, nous semble devoir bénéficier d’une attention particulière. Dans le contexte politique, économique et social actuel, le fait que des artistes soient empêchés d’exprimer par leur art un engagement politique nous semble préoccupant.

Le drapeau “He will not divide us”, symbole flottant au vent d’une lutte contre l’obscurantisme, a fait l’objet de nombreuses attaques et de cyber-harcèlement au fil du temps. Mais il est parvenu à rassembler la communauté internationale autour d’une détermination à préserver la liberté d’expression ainsi qu’à lutter contre la montée du racisme, du sexisme, bref : du Trumpisme.

 

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