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Guillaume Bazard Consul général à Londres après Sarajevo & New-Delhi

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Écrit par Laurent Colin
Publié le 6 février 2019, mis à jour le 6 février 2019

Depuis le 3 septembre 2018, Guillaume Bazard est le nouveau Consul général de France à Londres. Il succède à Sylvaine Carta-Le Vert, nommée ambassadrice en Nouvelle-Zélande. En 15 questions, il évoque notamment son parcours, le Brexit, les activités consulaires en forte augmentation et l’importance de s’inscrire au registre des Français de l’étranger.

 

Guillaume Bazard, pouvez-vous nous retracer rapidement votre parcours ?

Né en 1963 à Paris, je me suis dirigé vers des études littéraires et linguistiques (anglais et langues scandinaves), avec déjà une orientation vers l’international et une idée de voyage. Mais c’est une rencontre déterminante qui m’a orienté vers la diplomatie. L’un de mes enseignants de norvégien m’a fait part de son expérience d’un poste diplomatique, en tant que Conseiller culturel à l’Ambassade de France à Oslo. Ayant été lui-même très séduit par cet épisode de sa carrière, il m’a incité à y songer. Après réflexion, je me suis inscrit à Sciences Po Lyon dans l’optique de préparer le concours du Quai d'Orsay que j’ai obtenu en 1989. Et en 2011, j’ai moi-même occupé ces fonctions de Conseiller culturel en Norvège.

Quelles ont été vos affectations avant d’arriver à Londres et vos expériences les plus marquantes ?

La première affectation après un concours, c’est d’abord toujours Paris, à l’Administration centrale, dans le but de se familiariser avec les structures et le fonctionnement du Ministère des Affaires étrangères. J’ai été affecté à la Direction des Français à l’étranger et des étrangers en France, qui est la direction des affaires consulaires, d’où le lien avec mes fonctions actuelles. Ensuite, j’ai enchaîné une série d’alternances entre Paris et l’étranger, avec un premier séjour en Norvège. Peu de diplomates parlent cette langue, aussi j’avais une valeur ajoutée sur ce poste. Après un bref retour à Paris, je suis parti à Sarajevo, un des postes qui m’a profondément marqué.

Avec une arrivée en Bosnie, quelques semaines après la fin de la guerre ?

Oui, exactement, début 1996, quasiment en même temps que les troupes de l’Otan venant garantir la mise en œuvre des accords de paix. J’ai été subitement confronté à une ville qui sortait de quatre années de siège et à une situation extraordinairement complexe avec des problématiques de réfugiés, de criminels de guerre, de mise en place des institutions qui n’existaient pas et qui constituaient une partie intégrante des accords de paix. Cela m’a beaucoup marqué, comme le fait d’être en contact au quotidien avec des personnes ayant toutes dans leur famille des gens décédés, blessés, déplacés, réfugiés. Une expérience très forte à l’issue de laquelle je suis rentré à Paris, où j’ai travaillé pour deux secrétaires généraux du Quai d'Orsay pendant 4 ans.

Et en 2003, vous arrivez à Londres pour un poste dans l’administration britannique…

J’ai en effet été nommé à un poste de diplomate d’échange et travaillé au sein du Foreign Office pendant un an. Une expérience particulièrement utile pour connaître les arcanes de la diplomatie britanniques et nouer de solides contacts dans l’administration britannique, que j’ai toujours plaisir à retrouver Une expérience qui me sera utile ici, à un moment ou à un autre. Puis je suis parti au Portugal, avec une affectation classique de numéro deux d’ambassade avant de découvrir l’Inde comme conseiller politique à l’Ambassade de France à New-Delhi. Ma première expérience lointaine et une confrontation avec une autre vision du monde, totalement différente de la nôtre. C’était à l’époque de la crise financière internationale. Alors que l’Europe et la France avaient tendance à se morfondre et à s’interroger sur leur modèle, j’étais dans un pays à l’optimisme triomphant où même les gens les plus modestes étaient profondément convaincus que cela ne pouvait qu’aller mieux et que la place de l’Inde dans le monde allait vers davantage de prospérité et de puissance, une autre expérience qui compte beaucoup pour moi.

Puis grand écart si l’on peut dire avec un retour en Norvège ?

Je suis en effet retourné en Norvège une seconde fois, ce qui est assez inhabituel dans un parcours diplomatique. L’explication est toute simple : j’ai eu la faiblesse [dit-il avec le sourire] durant mon séjour en Bosnie d’épouser une collègue norvégienne… Mon épouse devant rentrer dans son ministère d’origine, j’ai postulé aux fonctions de Conseiller culturel et de Directeur de l’Institut français de Norvège.

Justement, j’ai envie de vous demander, est-ce qu’on choisit toujours ses affectations ?

On a le choix de ses vœux et la procédure est claire : tous les postes qui vont être vacants en année N+1 sont publiés, et nous pouvons nous porter candidat à 4 postes minimum. Il faut que ce soit dans des zones géographiques distinctes, en termes de qualité de vie, mais aussi de risques. Le monde est ainsi divisé en trois catégories, les pays dits de zone A (pour les poste à risques : sanitaires, sécuritaires…), de zone B (intermédiaires) ou de zone C. Ces derniers offrant des conditions de vie comparables à la France ou aux pays de l’OCDE. Il est en principe impossible de rester en Europe occidentale durant toute sa carrière. C’est l’administration qui examine les candidatures et prend des décisions qui correspondent ou non aux vœux que nous avons formulés, sachant qu’il y a des événements imprévisibles. Lorsque je suis parti à Sarajevo, c’était un concours de circonstances complet, ce n’était pas dans le cadre du « mouvement annuel ». Des opportunités peuvent se présenter, à nous de les accepter ou non.

Et en 2018, Londres était dans vos choix bien évidemment ?

Oui. Et la mission est de taille car c’est aujourd’hui l’un des plus gros postes consulaires dans le monde. Depuis ma première mission ici il y a 15 ans, la ville, me frappe toujours par les transformations en cours, illustrées par les silhouettes des grues sur de nombreux sites. Je ne suis cependant pas trop dépaysé : le cœur de la ville est préservé. A l’époque où je travaillais au Foreign Office j’avais le privilège d’aller travailler à pied de Pimlico à St James Park, en passant par Westminster. J’ai grand plaisir à retrouver ces lieux qui n’ont pas changé.

Vous arrivez à un moment historique. Décelez-vous des tensions ?

C’est en effet factuellement historique car c’est la première fois qu’un Etat membre de l’UE décide d’en sortir. Ce qui me frappe c’est que tout le monde en parle… le Brexit est LE sujet de conversation avec tous mes interlocuteurs depuis que je suis arrivé. C’est l’élément dominant de la période avec toutes les incertitudes qu’on connaît. Nous ne savons pas comment cela va influer sur notre action au Consulat. Est-ce que cela va affecter la structure et le volume de la communauté française ? Les Français s’interrogent et toute la palette des sentiments y passe : la confiance, l’inquiétude, la perplexité, le regret, la colère. Dénominateur commun : chacun aimerait bien être fixé sur les conditions dans lesquelles le Royaume-Uni se séparera de l’Union Européenne et sur le statut des ressortissants européens et français en particulier. Ce qui compte pour nous au Consulat, c’est la manière dont l’administration britannique mettra en place le dispositif pour permettre aux Européens de demander leur permis de résidence (ou Settled status) et quels moyens elle se donnera pour traiter plusieurs millions de demandes. Il est important aussi de savoir dans quel état d’esprit les fonctionnaires chargés de traiter les demandes le feront. Un esprit bienveillant assure le Home Office qui souhaite donner satisfaction aux gens et ne pas chercher des raisons de ne pas donner suite à leur demande. Autre question enfin : est-ce que le dispositif permettra de traiter tout le monde… et à quel rythme ?

Guillaume Bazard consul général France à Londres
De Gauche à droite : Guillaume Bazard, les quatre bénévoles de l’association du lycée français Charles de Gaulle « Justice au cœur », l’Ambassadeur de France au Royaume, Jean-Pierre Jouyet et son épouse et le Président de la Fédération des Associations Françaises en Grande-Bretagne, Jérôme Lussan.

Le système est en test et il a l’air assez facile d’accès ?

 Tout se fera en ligne. Il suffit en effet d’avoir un téléphone et une connexion internet. Cela correspond au degré d’agilité d’une grande majorité de la communauté française, mais pas à tous. Nous le savons. Nous avons des compatriotes dans ce pays qui ne sont pas forcément connectés. Même s’il ne s’agira jamais pour le Consulat de se mettre à la place de l’administration britannique – nous n’allons jamais gérer le Settled status à la place du Home Office – nous serons peut-être amenés à être le réceptacle de demandes de certains membres de la communauté française, qui nous diraient avoir des difficultés. Il nous faudra alors expliquer les choses et accompagner ces citoyens. Cela nécessitera un effort d’information mais aussi d’orientation vers des associations ou dispositifs de proximité.

Est-ce pour cela que les équipes du Consulat ont été renforcées ?

Non, c’est plus pour des raisons d’accroissement de l’activité quotidienne, liée au Brexit en général. Trois postes ont en effet été créés à Londres au 1er septembre 2018. Ce qui dénote dans un contexte budgétaire global, où chaque année le nombre d’emplois dans le réseau diplomatique et consulaire a tendance à se réduire. Pour être précis, ils ont en fait été supprimés dans des lieux où l’activité a tendance à diminuer. Ce qui n’est pas le cas ici : en 2018, le Consulat général a vu une nouvelle fois son volume d’activité augmenter fortement dans quasiment tous les secteurs. Pour la première fois, nous avons délivré plus de 37.000 passeports et cartes d’identité ; nous avons également traité un nombre record de dossiers de nationalité (+119 %) et établi près de 6.000 actes d’état civil (contre 4 500 avant le Brexit) ; enfin, nous avons délivré plus de 125.000 visas, c’est un chiffre sans précédent pour Londres.

Autre actualité pour vous, le vote des Français à l’étranger va aussi évoluer ?

Le vote électronique devrait être opérationnel en 2020 pour les élections consulaires. Mais nous avons aussi un rôle d’explication de la nouvelle réforme entrée en vigueur le 1er janvier 2019. Nous avions jusqu’ici un système de révision des listes qui se faisait sur la fin de l’année avec une clôture au 31 décembre. Dans le nouveau dispositif, ce sera un processus continu, les électeurs pourront s’inscrire ou se désinscrire des listes électorales toute l’année, jusqu’à six semaines avant un scrutin ; jusqu’au 31 mars dans le cadre des élections européennes du 26 mai 2019. Autre point, les Français de l’étranger ne pourront plus être à la fois inscrits sur une liste électorale consulaire et sur une liste électorale dans l’Hexagone. Primauté à la liste consulaire : donc quelqu’un qui reste inscrit sur une liste consulaire ne pourra plus voter dans une municipalité en France. Et c’est aussi vrai à l’inverse.

Puisque nous parlons des prochaines élections, êtes vous prêts pour les prochaines « Européennes » de mai 2019 ?

La préparation a déjà commencé. Oui. Bien sûr. Notamment en ce qui concerne les locations d’espaces en dehors de Londres. Dans la capitale, nous ouvrons au total 26 bureaux de vote dans les lycées Churchill et De Gaulle qui nous mettent gracieusement des espaces à disposition. Charge à nous de gérer les aménagements nécessaires et la sécurité. Ailleurs nous sommes obligés de louer des espaces. Il faut engager nos recherches longtemps à l’avance pour être certains de disposer des locaux…

Avez-vous besoin, comme lors de chaque, scrutin de volontaires ?

Oui, je profite de l’occasion en effet pour lancer un appel à volontaires. Les personnes intéressées peuvent nous écrire sur cette adresse : volontaire-elections.londres-cslt@diplomatie.gouv.fr Au-delà de l’accomplissement d’un devoir civique, c’est une expérience en soi très intéressante. L’ambiance est à la fois solennelle, sérieuse, mais aussi conviviale. C’est à vivre au moins une fois. Après cette journée bien occupée, naissent parfois de belles amitiés.

Etes-vous capables de prédire l’affluence dans les bureaux de vote ?

C’est impossible, même en regardant les dernières statistiques. Lors du précédent exercice, le taux de participation aux Européennes au Royaume-Uni était de moins de 6 % (contre 50% aux dernières présidentielles). Deux facteurs pourraient cette fois-ci changer la donne. Jusqu’ici les Français pouvaient voter dans le système britannique, cela n’est évidemment plus possible… Autre élément, le Brexit, et le débat actuel sur le modèle européen vont-t-il créer un sursaut qui aura une répercussion dans les urnes ? Difficile à prédire.

Pour conclure, avez-vous un message à faire passer aux concitoyens français vivant au Royaume-Uni ?

Oui. Je demande effectivement à nos compatriotes de s’inscrire au registre des Français de l’étranger. Ce n’est pas obligatoire comme pour certaines autres communautés. Cette démarche d’inscription est rapide et s’effectue en ligne. C’est un vrai plus car il est essentiel pour nous ici de connaître et de mesurer la communauté française. Si cela facilite les choses sur le plan électoral, cela nous permet aussi de faire parvenir à chacun des informations utiles. Et pour des raisons de sécurité, si un jour survenait un événement tragique, il nous faudrait également pouvoir rapidement faire passer des messages de sécurité à tous nos ressortissants. Aussi, que vous soyez nouveaux arrivants ou plus anciens sur le territoire, inscrivez-vous !

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