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Environnement : l’importance de la lutte contre les violences de genre

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karthikeyan - unsplash
Écrit par Pauline Berger
Publié le 23 septembre 2020, mis à jour le 10 décembre 2020

De nombreuses études le montrent : les femmes sont plus vulnérables face au réchauffement climatique que les hommes. Pourtant, elles sont trop souvent en sous-effectif, ou même absentes des prises de décisions environnementales nationales.

C’est encore le cas aujourd’hui au Royaume-Uni, à la veille de la COP 26 à Glasgow. Alors qu’il prétend vouloir se positionner comme un des leaders mondiaux du combat écologique, l’équipe diplomatique chargée de représenter le Royaume-Uni en Écosse est uniquement masculine. Cela témoigne de l’ignorance du gouvernement de Boris Johnson, et de bien d’autres, de l’importance de combiner leurs efforts à la fois dans la lutte pour les droits des femmes, et dans la lutte pour la protection de la planète. La rédaction vous éclaire sur cet enjeu crucial.

Un manque de parité aux nombreuses conséquences

Le comité diplomatique chargé de faire valoir les intérêts du Royaume durant la COP 26 n’est composé que d’hommes. De l’équipe chargée de fixer les nouveaux financements accordés à la lutte climatique mondiale, aux négociateurs, pas une femme en vue. Celles-ci ne sont présentes qu’à des niveaux inférieurs de représentation, parmi les ambassadeurs britanniques ayant pour mission de préparer les discussions avec les autres capitales mondiales en amont de la COP 26, ou travaillant par exemple dans des sous-sections de négociation.

« Cette décision diminue l’impact que le Royaume-Uni peut avoir à Glasgow. Le rôle du genre est essentiel dans le traitement de problématiques liées au climat. Avoir des femmes dans l’équipe dirigeante est un facteur important pour s’assurer que ces sujets soient traités de manière enthousiaste » affirme Mary Robinson, ancienne Présidente d’Irlande, et par deux fois représentante des Nations-Unies sur des enjeux climatiques.

De son côté, l’activiste climatique kényane de l’ONG Fridays for Future, Pauline Owiti, s’interroge : « Comment est-il possible de représenter les intérêts des femmes si elles ne sont pas présentes dans les processus décisionnels ? »

Pourtant, il est essentiel que les dirigeants prennent en compte le rôle des femmes dans le combat climatique international, et que les politiques climatiques ratifiées à Glasgow s’attachent à les protéger face aux catastrophes naturelles dont elles sont davantage victimes que les hommes.

La vulnérabilité des femmes face au réchauffement climatique

Une majorité de femmes travaillent dans les secteurs les plus touchés par la crise environnementale actuelle, que ce soit dans l’agriculture, la pêche ou l’élevage de bétail. De plus, un grand nombre d’entre elles subissent les migrations climatiques suite à des périodes de sécheresses ou d’inondations. En effet, 80% des populations contraintes de changer d’habitat en raison du réchauffement climatique sont des femmes.

Leur fragilité face aux changements climatiques tient également à leur accès limité aux ressources, et aux opportunités économiques. Par exemple, les hommes ont plus de chances de pouvoir se déplacer pour trouver un meilleur emploi afin de nourrir leur famille, laissant les femmes derrière eux, dans les zones les plus exposées aux désastres naturels. En 2004, lors du tsunami dans l’océan indien, trois fois plus de femmes sont mortes. Des barrières socioculturelles avaient en effet limité leur accès à l’apprentissage de la natation et les survivantes, placées en centres d’évacuation, ont été exposées aux violences sexuelles.

Dans beaucoup de pays, ces mêmes barrières socioculturelles tenaces, les empêchent de participer aux prises de décisions climatiques. « Les femmes et les enfants ont quatorze fois plus de chances de souffrir des conséquences de désastres naturels et du réchauffement climatique. Pourtant, elles sont régulièrement isolées des prises de décisions quant à la lutte environnementale », rappelle Muna Suleiman, militante climatique de l’ONG Friends of the Earth. Réduites au silence, leurs intérêts et leurs conditions de vie n’ont de cesse d’être ignorés, rendant les femmes de plus en plus vulnérables face à l’accélération du réchauffement climatique.

La crise environnementale, responsable de l’augmentation des violences faites aux femmes

Une des études les plus poussées à ce sujet, rendue par The International Union for the conservation of Nature (IUCN), établit effectivement un lien direct entre ces deux problématiques. Deux ans d’investigation, plus de 1000 sources de recherches, et l’étude de 300 réponses obtenues par l’IUCN de la part d’ONG environnementales mondiales, ont permis à ces experts de formuler un même constat : la pression croissante sur les populations engendrée par l’accélération des catastrophes naturelles, est responsable en grande partie de l’intensification des violences faites aux femmes.

Ces violences sont de plusieurs types. Elles peuvent être domestiques, sous la forme d’agressions sexuelles, de viols, de prostitution et mariages forcés, de mariages d’enfants, ou de toutes formes d’exploitation des femmes. Elles sont subies par des activistes de la lutte écologique, des migrantes et réfugiées climatiques, et dans des zones victimes de crimes environnementaux, comme l’extraction illégale de ressources ou le braconnage.

Le rapport de l’IUCN donne de nombreux exemples de cas de violences genrées. En Afrique du Sud et de l’Est, des pêcheurs illégaux refusent de vendre du poisson aux femmes n’acceptant pas leurs avances sexuelles. En Colombie et au Pérou, l’exploitation illégale des mines est le terrain du trafic sexuel. De nombreuses ONG, telles qu’Anti-Slavery International basée à Londres, Open Hand à New Delhi ou My Refugee House à Cebu, affirment avoir constaté une augmentation de 20 à 30% du trafic sexuel après une catastrophe naturelle. De plus, les mariages forcés d’enfants ont tendance à s’accélérer au sein de communautés vivant dans des conditions rendues plus difficiles par le réchauffement climatique. Ces unions représentent en effet un moyen de bénéficier de l’aide financière de la belle-famille.

La nécessité d’agir contre ces violences à travers les politiques climatiques internationales

Nous l’avons affirmé précédemment : les femmes sont des travailleurs essentiels dans de nombreux secteurs de l’alimentation mondiale. Les protéger des violences genrées s’avère donc essentiel notamment pour assurer la sécurité alimentaire de nombreuses populations.

Et pourtant, d’après Cate Owren, une des auteurs du rapport de l’IUCN, « la violence genrée est une des barrières les plus solides qui nous fait face dans la lutte contre le réchauffement climatique, mais dont on parle le moins. »

Les décisions doivent être prises dès maintenant car les risques de voir ces inégalités augmenter sont de plus en plus grands, à mesure que la crise climatique ravage la planète. En effet, de plus en plus de femmes risquent d’être abandonnées dans les zones les plus fragiles, pendant que les hommes sont contraints de migrer pour bénéficier de nouvelles opportunités économiques afin de nourrir leur famille. Malheureusement, selon un rapport publié récemment par l’ONG internationale WaterAid, le financement climatique engagé par les dirigeants mondiaux n’atteint toujours pas les personnes les plus vulnérables. L’ONU, quant à elle, a révélé qu’en 2016, seulement 0,01% du financement mondial défini par l’Accord de Paris, est destiné à des projets concernant à la fois la lutte contre les violences faites aux femmes et le combat pour la protection de la planète.

Le rôle déterminant du Royaume-Uni durant la COP 26 à Glasgow

Seulement quelques gouvernements ont inclus des efforts pour la réduction des violences faites aux femmes dans leur politique environnementale, à la conférence des Nations Unies à Madrid en 2019. Le Royaume-Uni quant à lui, s’est engagé dès janvier 2020 à inclure des problématiques de genre dans le financement de sa lutte contre le réchauffement climatique. Les activistes attendent donc beaucoup de ce dernier lors de la réunion internationale à Glasgow.

Néanmoins, plusieurs éléments poussent à envisager la prestation du Royaume-Uni à la COP 26 d’un œil plutôt pessimiste. Tout d’abord, la présentation de son comité diplomatique uniquement masculin, comme nous l’avons déjà évoqué. Le manque de crédibilité internationale dont souffre actuellement le gouvernement de Boris Johnson, risque également de mettre en péril l’engagement climatique du Royaume-Uni. En effet, le Premier ministre est accusé de vouloir rompre le droit international, depuis l’introduction de son projet de loi démontant une partie de l’accord signé avec l’Union Européenne en janvier 2020, réglementant le commerce avec l’Irlande du Nord.

L’activiste climatique britannique, Aoife Mercedes Rodriguez-Uruchurtu, exprime ce pessimisme ambiant : « Je ne suis pas surprise [de l’absence de femmes dans le comité diplomatique]. Les COP n’ont jamais été un endroit à l’écoute des personnes souffrant réellement des impacts du réchauffement climatique. C’est pourquoi nous continuons de protester dans la rue. »

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