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Les enjeux de l'accord de libre-échange entre le Royaume-Uni et l'Australie

Opéra de Sydney de nuitOpéra de Sydney de nuit
Srikant Sahoo - Unsplash
Écrit par Maël Narpon
Publié le 22 juin 2021

Lundi dernier, Boris Johnson et Scott Morrison sont finalement parvenus à conclure un accord de principe autour d’un diner à Downing Street. Il s’agit là du premier accord de libre-échange conclu par le Royaume-Uni depuis sa sortie de l’Union Européenne.

 

« Une aube nouvelle ». Tels sont les termes employés par Boris Johnson pour évoquer ce que représente l’aboutissement de ces négociations pour son pays. Avant même son officialisation mardi dernier, le gouvernement britannique s’enorgueillissait déjà de ce consensus ô combien important à ses yeux. Depuis son divorce avec l’UE, le Royaume-Uni n’avait apposé sa signature que sur des documents visant à reconduire des accords conclus en tant qu’Etat membre. En cela réside toute la symbolique, on y verrait presque une volonté britannique de faire un pied de nez à l’UE tout en lui signifiant : « Tu vois, on peut se passer de toi ». Un pas en avant pour l’autonomie du pays à l’internationale, ainsi qu’un soulagement pour le Premier Ministre et les fervents partisans du Brexit, même si la route reste encore très longue et semée d’embûches.

 

Ce que cela implique concrètement

Le symbole est en effet lourd de sens, cet accord pourrait être la première pierre apportée à un édifice bien plus grand. Ce sont en tout cas les espérances de ce côté-ci de la Manche, car cela pourrait ouvrir la porte à des accords de plus grande envergure. Quelque chose qui a d’ailleurs été énoncé noir sur blanc dans l’accord de principe résumé par l’Australie : « un ambitieux accord de libre-échange bilatéral va prendre forme afin de bâtir la voie permettant l’accession du Royaume-Uni au CPTPP ». Il s’agit de l’acronyme anglais de l’Accord global et progressiste pour le partenariat transpacifique, un traité ratifié et signé en 2018 par onze pays, dont l’Australie. Les dix autres étant Brunei, le Canada, le Chili, le Japon, la Malaisie, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, le Pérou, Singapour et le Vietnam.

Si l’adhésion à ce traité représenterait indiscutablement une étape supplémentaire, il faut toutefois noter que, selon la BBC, ces pays n’achètent que 8% des exportations du Royaume-Uni et que ce dernier s’appuyait déjà sur des arrangements existants avec la plupart d’entre eux. Celui avec l’Australie, dont la finalisation et la signature devrait prendre au moins un mois du côté des Wallabies, n’échappe d’ailleurs pas à la réalité des chiffres. Si sa valeur symbolique est forte, on ne peut pas en dire autant des bénéfices qu’en retirera le Royaume-Uni sur le plan financier. Celui-ci ne peut s’escompter qu’à une augmentation de seulement 0,02% de son PIB suite à cet accord.

Mais petit à petit, l’oiseau tentera de faire son nid, pourquoi pas au travers d’une future expansion en Asie ou d’une entente avec les Etats-Unis, en guise de point d’orgue. Il faudra cependant parcourir un très long chemin avant de voir la conclusion d’un tel accord, toute négociation étant en suspens outre-Atlantique.

En ce qui concerne l’accord de principe fraichement conclu, il impliquera tout d’abord une plus grande facilité pour les ressortissants britanniques et australiens à entrer et travailler dans le pays de l’autre. Dans cette même veine, le working holiday visa (Programme Vacances Travail), permettant à son détenteur de voyager et travailler à l’étranger, verra sa limite d’âge être rehaussée à 35 ans et pourra promulguer un droit de travail pour trois ans. Un visa agricole sera également mis en place pour les possesseurs d’un visa au Royaume-Uni.

Ce dernier libéralisera les importations australiennes de viande bovine, de viande de mouton et de sucre, tout en réduisant progressivement les droits de douane pendant 15 ans, faisant bénéficier les agriculteurs australiens d’un accès plus équitable au marché britannique. Dans l’autre sens, les produits britanniques, comme les voitures et le scotch whisky, deviendront moins chers à la vente en Australie.

Ainsi, et toujours selon l’arrêt de principe en l’état, les consommateurs britanniques pourront choisir d'acheter des produits australiens de haute qualité et à bon prix. Ce qui, bien sûr, ne ravit pas tout le monde.

 

L’inquiétude grandissante des fermiers britanniques

Avant même la rencontre entre Boris Johnson et Scott Morrison, les fermiers britanniques émettaient déjà des inquiétudes quant aux conséquences d’un tel accord avec l’Australie. Ils craignent de se voir supplanter, à cause d’importations peu coûteuses, par leurs homologues australiens, beaucoup plus nombreux.

Minette Batters, présidente de l’Union nationale des agriculteurs, a pris la parole : « Nous ne sommes pas de taille face à l’Australie à l’heure actuelle, ce sont des producteurs de masse ». Elle craint que l’industrie agricole australienne opère à une échelle avec laquelle son équivalent britannique ne puisse rivaliser, l’Australie possédant huit des dix plus grosses fermes du monde. Ils peuvent produire de la viande à moindre frais, ce qui pourrait par conséquent nuire aux fermiers du Royaume-Uni.

D’autant que les normes agricoles sont bien différentes dans le pays aux plus de 500 parcs nationaux. Les fermiers australiens sont autorisés à utiliser des promoteurs hormonaux de croissance ainsi que des pesticides et additifs alimentaires interdits au Royaume-Uni. Le gouvernement de Boris Johnson, assure cependant qu’il n’importera pas de produits de qualité moindre et qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter. Une promesse de protection des agriculteurs britanniques pour 15 ans a été formulée dans le même temps mais celle-ci n’a que peu convaincu les principaux concernés. Tout comme Liz Truss, la Secrétaire d’Etat aux accords internationaux, qui a également voulu se montrer rassurante. « Pour le moment nous n’importons que très peu de viande australienne. A long terme le but va être de s’en servir pour remplacer les importations venant de l’UE [perdues au profit du Brexit] ».

L’Union nationale des agriculteurs prévient aussi que d’autres pays, comme les Etats-Unis, le Canada ou la Nouvelle-Zélande – qui, comme le rapporte le Financial Times, cherche à conclure un accord avec le Royaume-Uni d’ici la fin du mois d’août – n’accepteraient que des conditions similaires à celles adoptées dans l’accord avec l’Australie.

Du côté australien, la fédération nationale des agriculteurs témoigne de l’extrême difficulté de s’implanter sur le marché britannique en raison des coûts et de la distance, rendant difficile une quelconque relation pérenne. Les fermiers clament cependant ne pas vouloir inonder le marché. Le Royaume-Uni a de toute manière une longueur d’avance si grande que l’augmentation de 80% des importations d’Australie équivaut à seulement 0,1% des importations totales du pays.

 

Les deux Premiers ministres se félicitent

En dépit des inquiétudes affichées par certains de leurs concitoyens respectifs, les deux Premiers ministres ont vanté les mérites d’un tel accord devant les caméras de la BBC, peu de temps après avoir trouvé un consensus. « Nos économies sont plus fortes grâce à cet accord, il s’agit de l’entente la plus globale et ambitieuse que l’Australie ait conclue », assure Scott Morrison. Et son homologue britannique d’ajouter : « Ce sera une bonne nouvelle pour les constructeurs automobiles britanniques, pour les secteurs financiers et, je l’espère, pour le secteur agricole des deux côtés ».

Ne nous reste plus qu’à attendre la finalisation et la signature officielle de l’accord en bonne et due forme (qui ne devrait pas survenir avant le mois prochain) pour connaître sa teneur exacte. Nul besoin de patienter cependant pour considérer ceci comme la première page écrite par le Royaume-Uni dans son histoire post-Brexit.

 

 

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