Installée à Londres après six ans à Montréal, Solenn Launay accompagne entreprises et individus dans la transition écologique. Une ingénieure qui connecte les savoirs autant que les personnes, et qui place l’humain au cœur des mutations à venir.


À 41 ans, Solenn Launay vient de poser ses valises à Londres avec sa famille. Après un parcours débuté dans le secteur pétrolier, elle a choisi de mettre son expertise d’ingénieure au service des énergies renouvelables et de la transition socio-écologique. Engagée, mais jamais moralisatrice, elle anime des ateliers participatifs où émotions, justice sociale et actions collectives sont les moteurs du changement.
Du pétrole aux énergies renouvelables
Formée à Centrale Marseille, Solenn Launay est ingénieure généraliste de formation. Comme beaucoup, elle débute sa carrière dans un secteur jugé stratégique : le pétrole. À sa sortie d’école, elle part en volontariat international en entreprise (VIE) au Vietnam. « C’était une belle opportunité où j’ai appris énormément, mais au fond de moi, je savais que ce n’était pas ce que je voulais faire à long terme. »
Très vite, elle opère un tournant. Elle se spécialise dans les énergies renouvelables, un choix qui correspond à ses valeurs. Depuis, elle cumule 15 ans d’expérience dans ce secteur, à l’intersection de la technique, de la gestion de projets,et de la coordination des intervenants.
Ingénieure de la transition : un métier sans fiche métier
C’est à Montréal que sa démarche prend une nouvelle ampleur. Partie avec sa famille pour quelques années, elle y reste finalement six ans. Le contexte nord-américain, le dynamisme des initiatives citoyennes, la diversité culturelle : tout cela nourrit sa réflexion. « Je me suis demandé comment, en tant qu’ingénieure, je pouvais vraiment être utile pour les causes qui m’importent. Et la réponse, c’était : en facilitant le dialogue, en créant des espaces de réflexion, en reconnectant les gens à leur pouvoir d’action et en insistant sur les nombreux avantages d’un monde plus durable (santé, bien-être, etc.). » Elle affine alors sa posture et devient travailleuse autonome: plus que de proposer des solutions, elle aide les entreprises à formuler les bonnes questions. Elle se pense désormais comme une « ingénieure de la transition », un rôle qui n’a pas de fiche métier précise, mais qui se construit dans la transversalité, l’écoute et la coopération.
Londres, un nouveau chapitre
Fraîchement installée à Londres avec son compagnon et leurs deux enfants de 5 et 7 ans, Solenn poursuit ce travail de fond en freelance. Elle s’est rapprochée notamment des réseaux d’anciens élèves français des grandes écoles, et y anime des ateliers autour des grands enjeux environnementaux. Sa méthode : l’émotion avant la solution : « On a tous entendu les chiffres sur le climat. Mais ce qui déclenche vraiment l’envie d’agir, c’est ce que l’on ressent. » Dans ses ateliers, elle crée un cadre bienveillant, propice à l’échange. Pas de culpabilisation, pas de verdict. « L’idée est que chacun reparte avec un petit pas concret, personnel et/ou professionnel, une manière simple et puissante de déclencher le changement ».
Parmi les outils qu’elle mobilise, nous retrouvons notamment la Fresque du Climat et le Pitch Climat, qui permettent de sensibiliser aux causes et conséquences du réchauffement climatique. Elle propose aussi la Fresque de l'Économie Circulaire et sa version conférence, le Défi Circulaire, qui abordent les limites du modèle linéaire et les solutions possibles à toutes les étapes du cycle de vie des produits. Enfin, la Fresque de la Biodiversité permet d’explorer les interconnexions entre les écosystèmes, les activités humaines, et les bouleversements environnementaux qui en résultent.
Une ingénierie du lien
À rebours du cliché de l’ingénieur technicien, elle revendique une approche humaine, systémique et sensible. Elle parle d’émotions, de vulnérabilité, de courage. « Ce que l’on vit face à la crise écologique est profondément humain. Il faut laisser de la place à ça, sinon on reste à la surface. » Elle refuse les approches descendantes et préfère écouter, relier, ouvrir. « Je me vois comme une traductrice. J’essaie de faire dialoguer les mondes : celui de la technique, de la stratégie, du terrain. » Sa légitimité vient de cette capacité à naviguer entre ces sphères, sans jamais les opposer.
Dans ses interventions, elle veille à ne pas oublier la dimension sociale de la transition. « Ce ne sont pas les plus pollueurs qui souffrent le plus. Ce sont souvent les femmes, les plus pauvres, les habitants des quartiers défavorisés. Et pourtant, ce sont eux qui agissent déjà, à leur échelle. » Même si ce n’est pas son cœur de métier, elle insiste sur la nécessité de penser la transition avec un prisme de justice. « On ne peut pas se contenter d’une approche technocratique. Il faut parler des rapports de pouvoir, des inégalités, de l’accès aux ressources. » Dans sa vie quotidienne aussi, elle applique ces principes. Réduction des déchets, cuisine maison, sobriété énergétique, réparations plutôt qu’achats : autant de gestes simples, mais en cohérence avec ce qu’elle transmet. « Je ne suis pas parfaite, mais j’essaie d’être alignée. Mes enfants me posent plein de questions, et je veux pouvoir leur répondre sans détour. »
Une ingénieure engagée, sans dogme
Solenn Launay fait partie d’une génération qui refuse les silos et les certitudes. Elle incarne une ingénierie nouvelle, qui ne cherche pas à imposer, mais à accompagner. Une ingénierie qui croit au collectif, à la coopération, à la nuance. Depuis Londres, elle continue à tisser des liens, à créer des ponts, à cultiver des espaces où l’on pense et agit autrement. Elle ne prétend pas détenir la vérité. Mais elle sait que le changement passe aussi par des femmes comme elle, qui mettent leur expertise au service du vivant.
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