Deux jours après les élections législatives françaises, petit tour d’horizon des analyses du scrutin faites par les journaux britanniques.
Les résultats des élections législatives sont connus. Après le raz-de-marée des macronistes en 2017, le parti présidentiel ne possède désormais plus qu’une majorité relative à l’Assemblée nationale. La gauche, rassemblée sous la bannière de la Nouvelle union populaire écologiste et solidaire, devient la première force d’opposition à la chambre basse du parlement, suivie par le Rassemblement national.
Outre les médias français, les journaux britanniques se sont largement intéressés aux conséquences que pourraient engendrer ces élections, à la fois pour l’Hexagone et pour l’Europe. Partagés entre des résultats « stupéfiants » et une vision assez pessimiste de l’avenir, les tabloïds voient également dans les résultats un camouflet pour l’actuel président.
Emmanuel Macron, un « leader humilié et affaibli »
Premier constat dressé par les médias d’outre-Manche : malgré l’élection de 245 parlementaires issus du parti présidentiel sur les 577 que compte l’Assemblée, Emmanuel Macron n’a pas su enclencher la dynamique nécessaire pour garantir à son parti une majorité absolue de députés. Un résultat imputé directement au chef de l’État français, selon la BBC, désignant ce dernier comme le « principal architecte » de ses problèmes. Qualifié de « leader humilié et affaibli », il a « à peine semblé faire campagne », juge le journal. Une analyse partagée par The Guardian, qui décrit « une nuit terrible » pour le président.
Autre leçon à tirer pour Emmanuel Macron, selon les journalistes britanniques : son style politique, « hyperprésidentiel » et « parfois autoritaire » permis par le succès de La République en Marche aux élections de 2017, « lui a aliéné une grande partie de l’électorat », qui lui a « coupé les ailes de façon spectaculaire », estime The Guardian. « Macron est président pour cinq ans, mais sans le soutien de plus de 30 % des électeurs », conclut Denis MacShane, dans un éditorial pour The Independant.
La gauche et l’extrême droite, grandes gagnantes du scrutin
Si la défiance des Français envers l’ancien inspecteur des finances ne fait aucun doute selon l’ensemble des journaux britanniques, la BBC note pour sa part la victoire « éclatante » de la NUPES et du Rassemblement national, qui parviennent à « déchirer » la majorité présidentielle. « Ces résultats signifient que M. Macron devra s'efforcer de se faire de nouveaux alliés et d'accepter des compromis », notamment sur sa proposition de « relever l’âge de départ à la retraite », analyse de son côté The Guardian, qui estime par ailleurs que les députés les plus à même de voter les lois voulues par le président sont à trouver du côté des Républicains.
Mais si les résultats de la gauche rassemblée marquent le « triomphe tactique » de Jean-Luc Mélenchon, la « surprise » créée par le grand nombre de sièges obtenus par le parti de Marine Le Pen inquiète The Guardian, qui juge cette percée « inopportune ». Une situation en partie attribuée à Emmanuel Macron, dont le choix de diaboliser la NUPES comme « une force extrême » a contribué à « l’effondrement de la solidarité anti-extrême droite ». « Les partisans de la gauche et de l'extrême droite haïssent tellement le macronisme qu'ils ont cessé de voter les uns contre les autres », estime de son côté la BBC, reprenant les propos de Matthieu Gallard, de l’institut de sondage Ipsos.
Un système démocratique mis à mal par un fort taux d’abstention
Parmi les autres points largement commentés par les tabloïds, figure le taux d’abstention, qui s’élève à près de 54%. Si le rééquilibrage des pouvoirs entre le Parlement et l’exécutif est jugé par les médias britanniques comme « une bonne chose pour la démocratie », la part des Français qui ne sont pas allés voter suscite davantage d’inquiétudes. « Le parti le plus important sera celui des abstentionnistes, car ni Macron ni ses deux principaux rivaux (…) n'ont réussi à convaincre les électeurs de se rendre aux urnes », observe The Independant.
« La démocratie est mise à rude épreuve, car la France n'a ni leaders ni mouvements politiques qui enthousiasment qui que ce soit », ajoute Denis MacShane, qui déplore le manque « d’intermédiaires » susceptible de récréer un lien entre les citoyens et « un président monarchique ». Aucune institution, ni aucun syndicat – qu’il considère comme « les plus faibles d’Europe » –, ne trouve grâce à ses yeux. « Il ne reste plus au citoyen qu'à descendre dans la rue », conclut-il, amer.
Des résultats qui menacent « la stabilité britannique »
L’issue du scrutin fait également craindre à The Independant des relations plus tendues entre le Royaume-Uni et sa voisine d’Outre-Manche. Déjà jugés comme les plus froides depuis deux siècles, les liens entre les deux pays risquent de se détériorer encore davantage par « un président français « moins admiré » en Angleterre. « Un Macron plus faible n'est d'aucune aide pour résoudre les problèmes croissants du Brexit de la Grande-Bretagne, de la querelle de l'Irlande du Nord, à l'autorisation pour les scientifiques et musiciens britanniques de se lier à des instituts de recherche français ou de jouer dans des festivals artistiques d'été », insiste le journal.
Des résultats qui font aussi redouter à l’archipel des conséquences pour « la stabilité britannique ». Une France plus exposée aux positions anti-européennes nationalistes et qui, de surcroît, ne vote plus, sera l’objet de « tentations politiques dangereuses pour l’Europe » et pour la Grande-Bretagne, présage Denis MacShane. Des prédictions peu réjouissantes pour l’avenir, qui résument toutefois le sentiment prédominant des médias britanniques à l’aune d’un quinquennat marqué plus que tout par la fracture.