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FRENCH IN BRUM - Emilie, 36 ans, responsable de Farandole, la petite école française de Birmingham

Écrit par Lepetitjournal Londres
Publié le 4 mars 2013, mis à jour le 4 mars 2013

Ils sont 3.000, peut-être 4.000. Les Français de Birmingham sont tout l'opposé des Français de Londres. Ils n'ont pas d'Alliance Française, pas de lycée français, ne vivent pas vraiment en communauté ou dans un quartier spécifique. Pourtant, ils sont là, un peu partout. A travers les portraits dressés par Elise Comarteau, journaliste française installée à "Brum", des parcours de vie se dévoilent

Une maman pas comme les autres 

Avec son sac en bandoulière et son foulard posé négligemment autour du cou, Emilie ressemble à une étudiante? Pourtant, il faudrait l'appeler "Madame la Directrice". Comme tous les samedis matins depuis trois ans, elle accueille les familles francophones des West Midlands dans les locaux d'une école anglaise au nord de Birmingham. Leurs enfants viennent à Farandole suivre les cours du primaire français.

Après la réunion avec les maîtresses, elle vérifie que tous les élèves montent bien en classe, dont ses deux garçons en CP et en CE2. Elle en profite alors pour mettre à jour les emprunts de la bibliothèque, gérer les inscriptions en cours d'année, organiser la fête de Noël? tout ce qu'elle n'a pas le temps de faire dans la semaine avec son autre boulot, informaticienne.

En effet, Emilie n'était pas vraiment destinée à devenir proviseur à mi-temps. "En 1998, je suis venue faire une année Erasmus dans le Yorshire pendant mon master en informatique. Je venais de rencontrer mon mec à Lyon, il ne voulait pas me laisser partir toute seule chez les petits Anglais, il m'a donc accompagnée. Le truc c'est que pendant cette année, il a trouvé un boulot à Wolverhampton à 2 heures de ma faculté (NDLR et à 20 minutes de Birmingham). Du coup, on alternait les visites, un week-end chez moi, un week-end chez lui."

Birmingham, record britannique en pluviométrie ?
Emilie rit encore quand elle se souvient de ses premiers week-ends dans les Midlands. "A chaque fois, je regardais la météo chez moi, dans le Yorkshire, et chez mon mec à Wolverhampton. Et ça ne loupait pas, il était sous la pluie et moi au soleil? J'ai fini par me rendre compte que Birmingham est une des villes les plus pluvieuses d'Angleterre alors que la ville où je vivais dans le Yorkshire est une des villes les plus ensoleillées du pays!"

Malgré ce désagrément de taille, elle n'hésite pas à la fin de ses études à rejoindre son Mikael. Emilie trouve un boulot dans une entreprise anglaise qui développe des logiciels pour l'industrie, à Small Heath. "Finalement, pluie ou pas, faut apprendre à connaître Birmingham, on s'y plait?  Au fil des années, ça s'est aussi beaucoup amélioré. Au niveau de l'architecture, ils ont fait énormément pour le centre ville. Mais ce que je préfère par dessus tout, ce sont les différents quartiers qui l'entourent."

Des petits coins où il fait bon vivre
Dès qu'ils s'installent ensemble, le couple choisit Bearwood, un quartier recommandé par une des collègues d'Emilie, et qui se situe à égale distance entre les boulots des conjoints. "Le quartier nous a plu tout de suite en arrivant. Maintenant, en plus, on y connaît tout le monde, on ne bougera plus. Il y a une rue commerçante bien active, des parcs, des écoles pour les enfants? On a tout sur place."

La lyonnaise m'avoue ensuite qu'elle n'a jamais voulu passer son permis de voiture. "Moi je ne conduis pas par choix. Je fais tout à pied ! Eh bien je n'ai jamais eu aucun problème. C'est super bien connecté avec le centre ville de Birmingham pour les gares ou l'aéroport, et en même temps quand j'ai besoin du médecin ou de faire des courses, il y a tout ce qui faut tout près ! C'est ce qui me plaît dans cette ville : tout est accessible facilement."

La maternité donne des idées?
Quelques années après leur installation, son amoureux décide de changer de voie professionnelle. Il devient professeur de français dans le secondaire britannique. "Après beaucoup de temps avec des Anglais, on s'est mis à connaître plein de Français avec ce nouveau job. En plus, on a tous eu des enfants en même temps. On était notamment 3 supers copines à accoucher à 6 mois d'intervalle."

Les best friends passent leurs congés maternités ensemble et commencent à se mettre dans la tête un petit projet. "On n'arrêtait pas de se dire : faut que nos enfants voient d'autres Français, entendent parler français, qu'on fasse quelque chose pour notre communauté? Quand mon aîné a eu 18 mois, je suis tombée enceinte du deuxième et je me suis dit : on arrête pas d'en parler, il faut se lancer."

Elles décident alors de monter une rencontre de familles françaises avec des enfants de moins de 3 ans 2 samedis par mois. "Faire une sorte de play and stay, de todller group, comme il en existe ici, mais avec des Français. Une matinée dans une salle où Maman et/ou Papa vient avec son ou ses petits pour faire des jeux et discuter avec d'autres parents. Le problème a été de contacter les participants potentiels?"

French baby boom
Pendant ses grossesses, Emilie sympathise avec sa Health Visitor (NDLR sorte de pédiatre à domicile). "Elle m'avait dit qu'il y avait un vrai french baby boom dans mon quartier. Moi, j'étais un peu étonnée de ça, car je ne connaissais pas de Français vivant près de chez moi. Mes copines étaient ailleurs. Je ne savais pas trop comment organiser quelque chose."

Encore une fois, les Français ont du mal à se rencontrer à Birmingham. Emilie en est bien consciente. "Le problème c'est que contrairement à Londres, il n'y a pas de centre culturel, pas d'ambassade, pas d'endroit où on peut mettre une petite annonce?On a mis des affiches dans les salles municipales des quartiers, fait passer des flyers par la Health visitor, écrit des annonces sur quelques sites internet et dit aux nounous étrangères qui gardaient des enfants français dans les play and stay. Petit à petit, par le bouche à oreille, on s'est fait connaître !"

Et ça a marché. "En 2007, on était sept familles, et on a doublé en un an. Je me souviens, à la première rencontre, on a fait faire de la pâte à modeler aux enfants. Puis des trucs simples, du petit bricolage ou des jeux. On buvait le café, on papotait? Je récoltais 2 pounds pour louer une salle paroissiale et acheter du papier et des crayons. On n'était pas très ambitieuses, mais au début on n'avait aucune idée de où ça nous mènerait !"

Du play and stay à Farandole
À un moment les choses ont bougé tout simplement parce que les enfants grandissaient. Emilie se souvient de la fête de la musique. "On s'est dit, pour le 21 juin, on va faire un grand rassemblement. Il y avait une maman à Solihull, un quartier un peu plus excentré que les autres où vivent beaucoup d'expatriés, qui avait monté un forum pour discuter de la création d'une école française dans la ville. A chaque fois que de nouveaux Français arrivaient, ils se plaignaient de ce manque. A la fête de la musique, on a fait une grande réunion avec le groupe de Virginie et le nôtre, et là on a tout simplement décidé de choisir des gens pour créer l'école."

Faire des petites rencontres informelles le samedi matin est une chose, monter une école en est une autre. La maman des deux petits garçons se lance, mais bien accompagnée. "Je ne pouvais partir toute seule, une école c'est des papiers administratifs, il faut créer une association, un compte en banque? c'est compliqué. Je me mets officiellement avec les 2 premières mamans qui avaient été enceintes en même temps que moi, Claire et Stephanie. On fait une assemblée générale, des réunions et beaucoup beaucoup beaucoup de paperasses. A la rentrée 2010, nous étions prêtes."

Il restait simplement à lui trouver un nom à cette petite école. "On a organisé un sondage, une sorte de jeu-concours et c'est Farandole qui est sorti du chapeau. Le tour était joué."

Le succès au rendez-vous
Dès la première rentrée, ça fonctionne. "Pourtant, on était en stress. Avant l'été, on avait pris des pré-inscription, fait verser des arrhes ? tout allait se jouer sur 24 enfants? et ouf, on a eu le nombre d'élèves escomptés. On a trouvé des bons enseignants, des bons locaux par relation et on a ouvert."

Plus de cinquante petits suivent leur scolarité sur les programmes français cette année. Au fur et à mesure, Emilie ajuste l'organisation. "Au début les nivaux étaient un peu mélangés mais on a fait au mieux avec des maternelles, des CP et des CE. L'année d'après, on a partagé le CP en deux années parce que le programme est trop lourd pour un samedi matin par semaine. Le budget est équilibré, et on a déménagé dans de nouveaux locaux en janvier."

Un déménagement qui s'est fait pour garder un pilier du projet : le play and stay français. "Ce n'était plus possible de faire le groupe parent/enfants dans nos locaux, or c'est le seul de la ville et c'est comme ça qu'on avait commencé. En plus, des familles viennent de loin pour mettre leurs enfants en classe, c'est bien de les accueillir avec les plus jeunes pendant ce temps là. On a appelé ça la Ronde des Bout'chous. Oui oui, avec un s à chou, une belle faute d'orthographe pour une école française hein !"

Farandole, plus qu'une simple école ?
Emilie va plus loin. "Tu sais, il a y des familles qui viennent à la Ronde des Bout'chous, sans forcément avoir des frères et s?urs en classe pendant ce temps là. Souvent, je me suis rendue compte que les Françaises se sentent un peu isolées, surtout après la naissance d'un enfant. Si la maman ne travaille pas, c'est un peu son seul moyen de rencontrer des compatriotes? S'est installée une sorte de solidarité entre frenchies, avec un échange de bons plans babysitting par exemple."

De nombreux défis attendent l'école et Emilie. "Il faut essayer de voir comment faire pour les familles qui arrivent avec des enfants plus grands. Peut-être aussi faire passer des examens reconnus en France ou à l'étranger. Et puis surtout, voir comment faire un échange entre les parents qui ne restent pas au play and stay. C'est triste, ils arrivent, déposent leurs enfants et reviennent après? sans se parler. On pense à organiser un groupe de lecture ou une rencontre autour d'un café une fois par mois ? Bref, il y a encore beaucoup de choses à faire."

Pas Française, étrangère
Presque midi, la Directrice va devoir nous laisser pour organiser la sortie des classes. Elle a aussi un programme chargé pour le week-end. "Depuis que j'ai créé l'école, j'essaye de passer plus de temps avec mes amis britanniques? comme je vois déjà beaucoup de Français le samedi matin."

Repartir en France, Emilie n'en n'a pas vraiment envie. En revanche, elle aimerait pourquoi pas découvrir d'autres pays. "On se fait à l'idée d'être étrangère, il y a quelque chose d'assez reposant dans le fait d'être à part? En plus, on n'est pas obligé de se conformer. Ni aux façons des Français, ni à celles des Anglais. Par exemple, on peut choisir pour élever les enfants. Les familles ont des attentes différentes dans chaque pays, et pour moi chaque approche marche, donc ça me permet de choisir ce qui m'arrange le plus entre les deux, ça, ça me plaît !"

Maxime et Sylvain l'attendent dans la voiture de Céline, l'une des maîtresses de l'école qui les ramènent après la classe. "Dépêche-toi Maman, on va au pub avec Papa !" Les frites du samedi, c'est comme les croissants du dimanche matin, c'est sacré dans la famille.

Elise Comarteau (www.lepetitjournal.com/londres) lundi 4 mars 2013

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Présentation de l'auteure :

Journaliste de 28 ans, je suis arrivée dans cette ville un peu comme tout le monde, par hasard. 

Oh rien de très original, j'ai suivi mon mari pour son travail.

Après Sciences Po à Lille et un Mastère Médias à l'ESCP, j'ai travaillé à Public Sénat, LCI et France Bleu.

En France, j'ai laissé mes piges, ma famille, mes amis? mais pas mon besoin d'interviews, de rencontres, de contacts avec les gens.

Touchée et émue par mes compatriotes en manque de reconnaissance dans cette ville, j'ai décidé de les présenter pour les faire "un peu" exister.

C'est ainsi qu'est né le projet "French in Brum"

Retrouvez en intégralité mes entretiens sur le blog http://frenchinbrum.wordpress.com

Pour quelques quelques photos insolites de la ville RDV aussi sur http://birmstreet.wordpress.com/

N'hésitez pas à me contacter, et bonne lecture à tous !

 

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Publié le 4 mars 2013, mis à jour le 4 mars 2013