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Le blues de l’expatrié : un sujet tabou mais pourtant bien présent

Un couple de dos regardant au loinUn couple de dos regardant au loin
Kulli Kittus - Unsplash
Écrit par Colin Porhel
Publié le 23 avril 2021, mis à jour le 23 avril 2021

Souvent exaltante, l’expatriation n’en reste pas moins une expérience très particulière qui peut en devenir éprouvante à vivre. Nombreuses sont les personnes à ressentir un sentiment de solitude une fois domiciliées dans un nouveau pays. La life-coach Laila Rossatti, elle-même expatriée, a accepté de revenir sur la question, encore trop méconnue, du blues de l’expatrié.

 

Pouvez-vous nous expliquer à quoi est dû le blues de l’expatrié ?

Je le définis par un mal-être persistant lors d’un changement de pays. Il peut commencer bien avant l’expatriation. Le simple fait de songer aux potentiels problèmes d’adaptation peut être la source d’un stress grandissant. Une fois sur place, le manque d’habitudes, la barrière de la langue, le changement de culture, ainsi que l’appauvrissement des relations familiales et amicales provoquent une véritable perte de repères. L’acclimatation à un nouveau pays nécessite une quantité d’énergie tout sauf négligeable, tant aussi bien physique que mentale. En tant qu’expatriée, j’ai déjà vécu cette situation en Chine, en Amérique du Sud, au Pakistan, en France, aux Pays-Bas, et même ici à Londres. Par la suite, je l’ai retrouvée chez mes clients.

 

Sous quelle forme peut se manifester pareil mal-être ?

Les symptômes sont les mêmes que ceux d’une dépression classique : trouble du sommeil, perte ou gain rapide de poids, sentiment de solitude exacerbé, anéantissement de la confiance en soi…Chacun réagit différemment à un changement de pays. Néanmoins, pour parler de blues de l’expatrié, il faut que ces signes subsistent pendant plusieurs semaines. Ne pas aller bien une journée de temps en temps arrive à tout le monde et n’est pas suffisant pour parler de mal-être durable.

 

Pourquoi ce syndrome est-il encore tabou dans notre société ?

Traditionnellement, les expatriés jouissent d’une situation sociale et économique confortable. Ils s’installent dans un pays étranger par choix, souvent pour assouvir de nouvelles aspirations professionnelles. Considérés comme des personnes privilégiées par le reste de la société, leurs plaintes sont souvent mal perçues. Par ailleurs, le blues de l’expatrié est souvent assimilé à la notion d’échec. Dans l’imaginaire collectif, concéder ne pas se sentir bien constitue déjà une défaite, et exposer ses faiblesses aux autres est toujours vu comme quelque chose de honteux. Pourtant, éprouver des difficultés lors d’une expatriation constitue un phénomène tout à fait normal et qui plus est légitime.

 

Le blues de l’expatrié peut donc toucher tout le monde ?

Oui, mais pas de la même façon. En général, la personne à l’origine du changement est celle qui s’expatrie par opportunité professionnelle. Pour elle, l’angoisse et le stress peuvent se matérialiser en amont du départ, avec des troubles du sommeil et une perte ou un gain rapide de poids. Néanmoins, une fois installée, une routine de travail va progressivement s’installer, et la personne arrivera à prendre rapidement ses marques. Pour son ou sa conjointe, l’expatriation s’avère généralement plus délicate, notamment en cas de départ forcé. Les symptômes présents avant le départ subsistent à l’arrivée dans le nouveau pays. Ils s’accompagnent parfois d’une perte de confiance en soi qui peut entraîner par la suite une dépression. Chaque personne réagira différemment au pays, mais le soutien d’un professionnel qui a été dans la même situation, comme un coach, peut rendre la transition plus facile. Dans le cas d’un départ familial, les enfants souffrent aussi du changement de lieu de vie. J’ai pu le vérifier aussi bien en tant que mère qu’en tant que coach. Les adolescents ont tendance à se renfermer et à ne pas parler de leur mal-être. Cette attitude a des conséquences pour leur vie sociale, pour leur scolarité mais aussi pour leur santé. De la même manière que pour les adultes, des troubles du sommeil, de concentration et un manque d’appétit peut alors survenir.

 

Comment optimiser son adaptation au sein de son pays d’accueil afin de minimiser au possible ce mal-être lors de l’expatriation ?

En amont du départ, l’important est de bien se renseigner sur l’histoire et sur la culture du pays. De se préparer au changement d’habitudes, potentiellement avec l’aide d’un professionnel. Une fois sur place, la première chose à faire est de se rapprocher d’autres expatriés, via des groupes sur les réseaux sociaux, comme le cercle des Français, ou des associations spécifiques. Cette approche permet de s’intégrer en douceur dans le pays. Je conseille aussi de fréquenter les mêmes lieux, à l’image de la boulangerie, du coiffeur ou du café, afin de donner un semblant de « chez soi ». Progressivement, une routine va se créer et une certaine normalité prendra place. L’ouverture aux autres, grâce notamment à l’apprentissage de la langue et à la découverte de nouvelles activités constitue également une condition indispensable à une acclimatation réussie. Surtout, il ne faut pas comparer sa situation actuelle avec sa vie passée. Le sentiment de mal-être éprouvé à l’arrivée dans un nouveau pays ne doit constituer qu’une phase un peu délicate à surmonter. S’orienter vers un coach avec qui vous avez une affinité et qui soit familier de l’expatriation peut aussi s’avérer très utile.

 

L’arrivée de la pandémie a-t-elle accentué le mal-être que peuvent ressentir les expatriés ?

Bien sûr. Nous étions habitués à pouvoir voyager facilement. En tant qu’expatriés, nous nous déplacions à notre guise à travers le monde pour rejoindre nos amis et notre famille. Avec le confinement, voyager est devenu beaucoup plus difficile, voire impossible et le sentiment d’isolement s’est installé dans nos vies. Mais il faut se dire que cette situation n’est que temporaire. Grâce aux vaccins, le monde nous sera bientôt de nouveau accessible. En attendant, un petit apéro zoom entre amis devrait vous redonner le moral !

 

Retrouvez Laila Rossatti sur LinkedIn. Vous pouvez également la contacter par téléphone au +44 7976 135116 ou par courriel avec l'adresse lailarossatti@icloud.com.