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Scandale de la fête de Noël à Downing Street : le gouvernement Johnson tourmenté

Boris JohnsonBoris Johnson
Number 10
Écrit par Lili Auriat
Publié le 9 décembre 2021, mis à jour le 9 décembre 2021

Allegra Stratton a démissionné hier de son poste de conseillère du gouvernement à la suite d'une vidéo compromettante la montrant en train de plaisanter sur l'organisation d'une fête de Noël à Downing Street. Un nouveau coup dur pour le gouvernement Johnson, sous le feu des critiques depuis plusieurs jours.

 

Allegra Stratton, 41 ans, ancienne journaliste, a rejoint Downing Street en octobre dernier et est devenue porte-parole de la présidence britannique de la Cop26. Mais elle ne sera pas restée au N°10 très longtemps puisqu’elle a annoncé sa démission hier suite à une vidéo d’elle plaisantant sur la fête de Nöel tenue à Downing Street l’année dernière, fête qui fait déjà scandale depuis plusieurs jours. La presse britannique va jusqu’à estimer que ce scandale est celui qui ébranle le plus le gouvernement Johnson depuis son arrivée au pouvoir. Les critiques et les révélations pleuvent, et la colère du peuple britannique ne semble pas prête de s’apaiser. Mais pourquoi cette affaire de «Christmas Party» fait-elle autant bondir les Britanniques ?

 

Une fête de Noël en temps de confinement

L’objet du scandale, la fête de Noël, a eu lieu le 18 décembre 2020 alors que Londres était soumise à des restrictions de niveau 3. Tous les rassemblements en intérieur de deux personnes ou plus étaient donc interdits. Quelques jours plus tard, Boris Johnson avait annoncé qu'il annulait l’assouplissement prévu des règles pour Noël, empêchant de nombreux amis et familles de se rassembler.

Une source a déclaré à la BBC que, ce même soir, le personnel du N°10 avait bu, mangé et joué à des jeux de société jusqu'à minuit. Un porte-parole du département de l’Education a en effet admis qu’un «rassemblement social» avait eu lieu pour le staff ce jour, en contradiction avec les règles de distanciation sociale alors en vigueur. Il a ajouté que «bien que cette fête ait été en lien avec le travail, en regardant par-dessus notre épaule, nous reconnaissons qu’il aurait mieux valu ne pas se réunir de cette manière ni à ce moment si particulier.»

C’est une semaine après qu’a été enregistrée la vidéo d’Allegra Stratton qui cause sa démission aujourd’hui. Dans la salle de conférence de Downing Street, on la voit s'entraîner à répondre aux futures questions des journalistes. Lorsque le conseiller spécial du Premier ministre, Ed Oldfield, lui demande ce qu’il en est de cette fête, celle-ci répond en riant qu’elle est « rentrée chez elle », que « ce n’était pas une fête mais juste du fromage et du vin » et que « cette fête fictive était une réunion d'affaires sans distanciation sociale ».

 

La démission en larmes d’Allegra Stratton

Sous les feux de la critique, Allegra Stratton a donc donné sa démission 24 heures après la divulgation de la vidéo. En pleurs, elle a déclaré qu'elle « regretterait ces remarques pour le reste de ses jours » et elle s’est excusée auprès de la population britannique qui « a fait d'immenses sacrifices dans la bataille en cours contre Covid-19 ».

Sur les réseaux sociaux, son allocution a été fortement critiquée. « Ce sont des larmes de crocodiles » peut-on lire sur Twitter. « Tu es désolée uniquement parce que tu as été prise sur le fait », jugent de nombreux internautes. Beaucoup lui reprochent aussi de ne s’être excusée que pour la vidéo, sans avoir dévoilé la vérité sur la fête de Downing Street. Jo Goodman, cofondateur de l’association Justice pour les familles endeuillées par le Covid-19, a estimé que « Si elle était vraiment désolée, elle devait maintenant dire toute la vérité. Cela signifie dire clairement ce qu’il s'est passé et qui était là. »

Au sein de Westminster, les députés de tous les côtés ont appelé Boris Johnson à mettre en place des réponses strictes et dures face à toute violation des règles sanitaires.

 

Boris Johnson « furieux » après la fuite de la vidéo

Boris Johnson a décrit Mme Stratton comme une « bonne collègue qui a réalisé beaucoup de choses pendant son mandat au gouvernement », mais a ajouté qu'il ne pouvait trouver « aucune excuse pour la frivolité » de son personnel. Il s’est dit « furieux » face à cette vidéo et s’en est excusé lors de sa conférence de presse hier soir. Des déclarations que beaucoup ont jugé scandaleuses, estimant que le Premier ministre était prêt à sacrifier son équipe pour sauver son image.

Le Premier Ministre a affirmé qu'on lui avait assuré à plusieurs reprises qu'aucune fête ne s’était tenue à Downing Street et qu'aucune règle de Covid-19 n'avait été enfreinte. Il a donc décidé de lancer une enquête interne pour en savoir plus, promettant des mesures disciplinaires à toutes les personnes impliquées. La Met Police a, elle, annoncé qu’elle n’enquêterait pas par « manque de preuves ».

 

Un scandale qui remet fortement en question la légitimité du gouvernement

Suite aux dernières révélations, l’opposition a multiplié les attaques contre le gouvernement et contre Boris Johnson. Sir Keir, leader du parti travailliste s’est fait porte-parole de la population en s’insurgeant que les excuses du Premier ministre « soulèvent plus de questions que de réponses » et que « des millions de personnes pensent maintenant que le Premier ministre les prend pour des imbéciles et qu'on leur a menti ». Il en a aussi profité pour relayer des témoignages de personnes ayant perdu des êtres chers le soir où les membres du gouvernement faisaient la fête. Il a notamment évoqué l'histoire d'une femme dont la mère l'a appelée le jour où la fête s'est déroulée « à bout de souffle et fiévreuse ». Hospitalisée quelques jours plus tard, elle est décédée, sans que sa fille ne puisse lui rendre visite à cause des règles de confinement instaurées par le gouvernement. 

Pour Robert Peston, ancien collaborateur d’Allegra Stratton, cette démission est la preuve s’il en fallait une que la fête à Downing Street a bien eu lieu. « Elle vient de faire exploser l’argument du “J'ai été assuré que la fête n'a jamais eu lieu" » a-t-il affirmé. Et les scandales risquent de ne pas s’arrêter là puisque le N°10 fait encore l’objet d’au moins trois allégations de rassemblements interdits, niées pour le moment.

La légitimité de Boris Johnson est plus que jamais remise en question. Sir Keir a demandé si M. Johnson avait encore « l'autorité morale » de diriger un pays et de demander au public de respecter les restrictions si son équipe ne le faisait pas. Selon Nazir Afzal, procureur principal qui fait campagne pour les victimes de Covid-19, le Premier Ministre aurait dû démissionner en même temps qu’Allegra Stratton. Il estime qu’un « bon leader ne blâme pas le personnel. Un bon leader prend ses responsabilités. »

Dominic Cummings, l’ancien bras droit de Boris Johnson évincé du N°10, continue lui aussi de torpiller son ex-patron dans les médias anglais. Il estime qu’il n’est « pas malin » de la part du gouvernement de nier la fête de Noël et, plus grave encore, assure que plusieurs soirées auraient eu lieu, dont la troisième se serait déroulée le soir même de son départ.

Le scandale de la « Christmas Party » à Downing Street prend des proportions de plus en plus grandes, avec la moitié de l'opinion publique et un tiers des Tories qui estiment désormais que Boris Johnson doit démissionner, selon une étude britannique. Enragée par le sentiment d’une justice à deux vitesses, la population britannique semble décidée à ne pas laisser passer au gouvernement ce énième écart.