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Brexit : le divorce qui coûte cher à la France

Quatre ans après la rupture, le commerce franco-britannique vacille. Les échanges s’effondrent, le Royaume-Uni se tourne vers la Chine, et la France se retrouve, bien malgré elle, en hub douanier pour l’Europe. Retour sur un désamour économique qui n’a rien d’une surprise.

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Écrit par Aldric Meeschaert
Publié le 7 janvier 2025

Adieu le Made in France, bonjour le Made in China

 

Depuis le Brexit, le Royaume-Uni a entamé une véritable reconfiguration de ses partenariats commerciaux.

 

Alors qu’en 2018, plus de la moitié des importations britanniques (52 %) provenaient de l’Union européenne, cette part a chuté à 40 % en 2023.

 

Le plus grand gagnant ? La Chine, qui voit ses exportations vers Londres progresser de manière spectaculaire. L’électronique, les équipements télécoms et le matériel bureautique chinois remplacent désormais des produits autrefois importés de l’UE.

 

Cette réorientation ne s’arrête pas là. Les États-Unis, portés par la crise énergétique et leur rôle de fournisseur d’hydrocarbures, gagnent également du terrain. En cinq ans, leur part dans les importations britanniques est passée de 9 % à 12 %. Ce changement d’alliances économiques reflète une stratégie britannique de diversification, mais aussi un affaiblissement des liens historiques avec l’Europe.

 

La France, nouveau hub douanier malgré elle

 

Si le commerce entre le Royaume-Uni et l’Europe s’effrite, la France occupe une place particulière dans cette nouvelle dynamique. En raison des nouvelles formalités douanières imposées depuis 2021, de nombreuses entreprises britanniques préfèrent dédouaner leurs marchandises en France avant de les redistribuer dans le reste de l’UE. Ces flux, appelés « quasi-transit », gonflent artificiellement les importations françaises en provenance du Royaume-Uni, sans qu’il s’agisse de véritables échanges commerciaux.

 

Selon la douane française, ce quasi-transit représente à lui seul 2,3 milliards d’euros sur la dégradation totale de 2,5 milliards du solde commercial franco-britannique.

Autrement dit, sans ce rôle de « porte d’entrée » douanière, le solde commercial serait resté presque inchangé. Ce phénomène souligne l’impact indirect des nouvelles barrières douanières sur les statistiques françaises, tout en rendant l’économie hexagonale plus vulnérable aux turbulences du commerce britannique.

 

L’agroalimentaire français en pleine indigestion

 

Le secteur agroalimentaire français paie un lourd tribut au Brexit. Les exportations de produits emblématiques, comme le vin ou les fromages, ont ralenti, tandis que les importations britanniques d’agneau, de saumon et de cheddar connaissent un boom. Ce déséquilibre pèse lourdement sur le solde commercial agroalimentaire de la France.

 

À cela s’ajoutent des difficultés pour d’autres secteurs comme la bijouterie et la joaillerie, où les exportations françaises vers le Royaume-Uni sont en berne. Heureusement, certains domaines résistent mieux : l’aéronautique et l’automobile continuent d’afficher des résultats solides grâce à la vente d’avions, de turboréacteurs et de véhicules. Ces secteurs permettent d’amortir le choc, mais ne suffisent pas à compenser les pertes globales.

 

Un divorce à double tranchant

 

Malgré tout, la France conserve un excédent commercial de 9,6 milliards d’euros avec le Royaume-Uni, un record parmi ses partenaires. Cependant, cet excédent cache une réalité bien plus complexe : une dépendance accrue à des flux commerciaux artificiels et un désintérêt croissant des consommateurs britanniques pour les produits français.

 

Le Brexit a profondément modifié les règles du jeu économique, et les relations franco-britanniques en ressortent fragilisées. Alors que Londres tourne son regard vers d’autres horizons, l’Europe, et en particulier la France, doit s’adapter à ce nouvel équilibre. À l’heure où les Britanniques redéfinissent leurs priorités commerciales, une question demeure : ce divorce économique sera-t-il un coup d’arrêt ou le début d’une réinvention ?

 

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