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Tiago Rodrigues: Faire le pont entre le festival d’Avignon et le public international

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Tiago Rodrigues pour le Festival d'Avignon
Écrit par Ewan Petris
Publié le 4 mai 2023, mis à jour le 4 mai 2023

Le Festival d'Avignon franchit un nouveau cap pour sa 76e édition en accueillant la langue anglaise au sein de sa programmation. Un virage fort, pour l’un des festivals de théâtre les plus suivis au monde. Le directeur de l'événement, Tiago Rodrigues, revient sur ce choix et sur l’avenir de la référence avignonnaise. 

 

76 ans. Pendant 76 années, le festival d’Avignon a toujours connu le français de Molière et celui de Racine. En 2023, place à la langue de Shakespeare. Un choix fort qui semble vouloir traduire une ouverture à la culture artistique mondiale. 

Tiago Rodrigues, artiste de théâtre portugais, renommé pour ses talents de dramaturge et de metteur en scène, a pris les rênes de la direction du Festival d'Avignon depuis l'année 2021, marquant une volonté de renouveau. À ce titre, il est devenu le premier artiste étranger à être à la tête de la manifestation. Confiant et excité par la saison 2023, il revient sur tous les changements qui vont être opérés au Festival d’Avignon.

Tiago Rodrigues Avignon
Tiago Rodrigues, directeur du Festival d'Avignon

 

Que représente pour vous l’initiation à l’anglais au Festival d’Avignon, d’un point de vue personnel, mais aussi pour l’événement ?

 

Notre projet est d’inviter une nouvelle langue au Festival, à chaque édition. Cela veut dire qu’une partie du spectacle sera dans la langue choisie. L'intérêt est de voyager, en faisant découvrir des représentations et des cultures autres que celles que nous connaissons. En tant que premier directeur étranger, je sens le devoir de souligner l’aspect international du festival et de l’agrandir encore, en réaffirmant son importance mondiale vis-à-vis du théâtre. 

 

Y a-t-il un message que les spectateurs doivent analyser par ce choix ? 

 

Il ne s’agit pas que d’une question de langue. Par ce choix, il y a une position politique qui veut exprimer l’absence de frontières et de nations. L’art est à visualiser comme un monde univoque, organisé en langues. Ce tournant va amener à de nouvelles sensations : de la curiosité, de l’inspiration et de la découverte. Il s’agit d’une deuxième façon de regarder le monde, et avec l’anglais notamment. Entre le Brexit et le Covid, nous avons oublié à quel point cela a été dur pour nous, les artistes. Le but est clair : redonner de la curiosité au théâtre et aux arts grâce à la langue anglaise qui peut paraître plus riche sur certains aspects.

Rappelons que le vocabulaire de Shakespeare était plus large que celui de Racine, alors rendons ce nouveau dictionnaire disponible aux Français.  

 

Vous n'avez pas peur de perdre un public francophone d’adeptes ? 

 

Les spectacles que nous présenterons en anglais seront disponibles avec des sous-titres. Plus de la moitié des scènes que nous présentons sont créées en France. Notre fil rouge est d’attirer par la langue anglaise toutes sortes de public. Par ailleurs, nous allons beaucoup sous-titrer les spectacles français, pour le public qui n’est pas francophone. Cette langue anglaise est un choix à deux sens où de notre côté, nous donnons à découvrir des créations étrangères, en attirant un tout autre public ;un public mondial qui a conscience de la renommée du Festival d’Avignon. 

festival Avignon
Olivier Py au Festival Avignon en plein air

 

Vous êtes initiateur d’un renouveau pour le théâtre d’Avignon. Qu’est-ce que cela vous fait ?

 

Faire partie de l'équipe du Festival en tant que directeur est un rêve. J’y vois aussi une grande responsabilité, mais surtout un privilège. À Avignon, il y a un patrimoine qu’il faut savoir interpréter. Il faut se rappeler de ce qu’ont fait nos prédécesseurs, analyser comment le Festival d’Avignon est devenu un des plus suivis et attendus au monde et surtout innover, pour que la magie du festival ne se perde jamais. Depuis 76 éditions, les équipes directives ont réussi, nous aussi, à être à la hauteur de ce passé glorieux et de ce futur radieux.

 

Qui dit nouveau festival, dit nouveau programme. Comment s'est déroulée la mise en place de cette nouvelle programmation ?

 

D’un côté, nous avons voulu marquer l’édition par le retour de grandes figures et d’habitués du festival comme Kristian Lupa ou Anne Teresa De Keersmaeker. Nous continuons, en parallèle, de travailler avec des personnes qui ont marqué le festival de leurs empreintes : Philippe Quesne, Julien Gosselin ou Mathilde Monnier. 

 

Par contre, c’était très important pour nous d’ajouter une nouvelle notion, car le public d’Avignon aime l’inattendu. Ainsi, nous avons 25% de “grands noms” et 75% d’inconnus au Festival, qui brillent par leur excellence. Il va y avoir un chemin de découverte d’artistes. Avignon est le laboratoire des futurs grands. Il est donc important de mettre en scène les acteurs et metteurs en scène de demain.


 

Quel est le public visé ? 

 

Le public du Festival est connu car il y a beaucoup d’études et de statistiques faites sur le spectacle chaque année. L'âge moyen, au contraire de ce que les gens croient, n’a pas vieilli. Le public en lui-même vieilli, mais il y a un renouveau constant qui permet à la moyenne d’âge d’être maintenue. Mais surtout notre public est fidèle. Il s’agit de parents amenés par leurs aînés, des grands-parents qui amènent des tout-petits… 

 

Quelles sont encore les zones de travail pour rendre l'événement plus accessible ? 

 

Aujourd'hui, il y a des freins : le prix des trains et le prix du voyage. 60 % de notre public vient de loin, pour 40 % de public local. 

Le taux de première visite est aussi très haut : 15 %, soit 18000 personnes en 2022.

Je dirais que la difficulté de loger doit être combattu, et nous essayons d’anticiper de deux mois l’ouverture de la billetterie, en avril. Cela permet aux jeunes de pouvoir acheter des tickets et un logement bien moins cher. Ce n’est pas tout, nous avons aussi pour projet d’inviter 5000 jeunes, venant de partout en France, qui vont se rassembler et rencontrer les artistes. 


Le Festival d’Avignon sera disponible, même pour les retardataires

Et oui, à l’heure actuelle, il reste encore des places. Comme le résume Tiago : “ Les gens croient toujours que c’est complet par rapport à l'ampleur, mais on a ajouté 12000 billets en plus cette année sur les 125000 places totales.” Le groupe a décidé de vendre les billets par étape, pour permettre à tous d’accéder au Festival. “Jusqu'à l'ouverture du festival, il y aura encore des billets, alors il ne faut pas perdre espoir. Il faut venir et c’est tout” ,conclut le directeur, sourire aux lèvres. 


Site officiel du Festival

Billetterie officielle