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Je suis atteint du virus de l’expatriation, c’est grave ?

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Écrit par Justine Hugues
Publié le 13 octobre 2019, mis à jour le 3 décembre 2020

Rentrer en France ? Pour certains expatriés, cette perspective n’est pas une option, tant ils ont pris goût à la vie à l’étranger et à son lot de découvertes et opportunités professionnelles. 

 

« Cette fois, c’est la dernière expatriation », ont-ils tous dit un jour. Et pourtant, une fois qu’on l’a testée, la vie à l’étranger à un goût de reviens-y. A l’image d’une boite de chocolats qu’on a entamée et qu’on s’entête à finir.  Ou de ces reporters de guerre, shootés à l’adrénaline des terrains dangereux et à la nécessité d’informer coûte que coûte, compare Céline, établie hors des frontières hexagonales depuis plus de 15 ans. 

Qu’on ait grandi en expatriation, ou qu’on soit tombé dedans adulte, la « bougeotte » est un phénomène dont on se débarrasse difficilement. Pourquoi ? « C’est assez inexplicable ce besoin de changer de pays, explique Sophie, qui fête à Ankara sa dix-huitième année passée hors de France.  Même lorsque je suis partie pour le Kirghizstan, qui n’était pas exactement la destination rêvée, c’était plus fort que moi, je devais me mettre en route »

 

Aventure et responsabilités, les clés d’une addiction

 

Emportés dans un tourbillon de départs et d’arrivées qui semble parfois leur échapper, les « récidivistes » de l’expatriation louent unanimement certains attraits, au premier rang desquels de meilleurs opportunités professionnelles. « J’avais des responsabilités et salaires que je n’aurais jamais eus en restant en France, raconte Céline, passé par les Etats-Unis, l’Egypte, l’Australie, Hong-Kong, Londres et Madrid. A l’étranger, on vous donne davantage votre chance, même quand vous n’avez pas d’expérience dans le secteur. Votre personnalité, votre capacité à vous adapter à différents pays et votre motivation comptent beaucoup plus qu’en France, qui sacralise les réseaux et les parcours linéaires ». Des propos corroborés par Coralie, qui apprécie également la qualité de vie qu’offrent beaucoup de pays – climat et coût de la vie obligent : « La vie en Espagne nous offre une qualité à laquelle nous ne voulons renoncer. Nous pourrions difficilement vivre en France et au Royaume-Uni dans les mêmes conditions économiques ».  

 

Les expatriés en série reconnaissent être plus adaptables, curieux, ouverts d’esprit et avoir développé une certaine aversion pour la routine. Pour Céline, chaque expatriation est vécue « à 100% », comme si c’était la dernière. «  Dès que j’ai atteint ma zone de confort, je me sens mal.  La recherche de l’extraordinaire m’a fait vibrer pendant des années mais le pendant négatif, c’est qu’on est parfois seul dans cette recherche et donc en décalage avec les autres » observe-t-elle. Insatisfaits chroniques les expatriés ? C’est en tout cas ce que remarque Ophélie Terrien, coach professionnelle, dans le lien de ses clients avec la France. « Certains accumulent les expériences positives à l’étranger et les retours en France compliqués. D’autres apprécient le fait d’être en dehors du temps et d’un certain moule. Bien sûr, ils se lèvent et vont travailler tous les jours comme tout le monde, mais ils refusent le chemin tout tracé des études, du travail, de l’achat et de la construction d’une famille ».  

 

Passée par la Mongolie, Sophie a développé, au contact de familles nomades avec lesquelles elle travaillait, un recul sur les choses qui ne l’a jamais quittée : « Comprendre que le bonheur n’est pas une quête mais un enchaînement de petits faits à savourer chaque jour, et surtout l’attachement à une terre, à des racines ». 

 

Etrangers partout ou citoyens du monde ?

 

Au fil des déménagements, les problématiques identitaires se posent en effet avec de plus en plus d’acuité. « Nous ne reconnaissons plus certains aspects de nos pays d’origine, expose Coralie, Française en couple avec un Britannique et expatriée avec leurs enfants à Grenade.  Nous avons un pied dans chacun des pays et devenons étrangers partout. Notre « chez nous » n’est donc plus le pays où on est né mais là où nous sommes heureux ensemble ».  

 

Avoir des identités multiples est aussi perçu comme une chance, une fois « l’équilibre trouvé entre celles-ci » affirme Ophélie Terrien. « A ce moment, les personnes n’ont plus peur de se mêler à leur communauté d’origine. Elles savent que malgré le fait qu’elles soient intégrées dans leur pays d’accueil, elles peuvent voir leurs pairs comme une bouée de sauvetage ou se réjouir quand une nouvelle boulangerie française ouvre ses portes près de chez eux ! ».

 

 

Plus on passe de temps à l’étranger, plus c’est dur de rentrer

 

Un grand nombre d’expatriés français se disent victimes du choc culturel inversé, lorsqu’elles regagnent l’Hexagone. Un retour compliqué, tant du point de vue personnel que professionnel, pour des personnes qui se sentent « de moins en moins employables en France », confie Céline. « Quand on rentre, on se dit que cela va être facile car on a déjà un cercle social, on parle la langue et on a tendance à ne pas s’y préparer » poursuit-elle.   

 

Cette absence de préparation au retour est à l’origine de bien des déconvenues. Faute d’être suffisamment armées pour y faire face, nombreuses sont les personnes à voir le nouveau départ comme un échappatoire.  « De la même manière qu’on apprend les nouveaux codes lorsqu’on arrive dans un nouveau pays,  plus on passe de temps à l’étranger, moins on maitrise ceux de notre pays natal, qui ne sont pas immuables », remarque Ophélie Terrien.  Son conseil ? « Ne pas revenir en France en se disant que le plus dur est derrière soit mais se préparer à une vraie réadaptation ». 

 

La voie de la « guérison »

 

En vue d’un retour en France dans les prochains mois, Céline, qui se dit « à la fois excitée et inquiète », tente de le voir comme une nouvelle étape,  avec sans doute moins d’inconnus mais tout aussi passionnante que les précédentes. « Aujourd’hui, je me reconnecte aux choses simples et j’essaie de me dire que le manque d’exotisme ne rime pas nécessairement avec ennui ». 

 

D’autres, comme Sophie, choisissent de s’établir sur du long terme dans un des pays traversés. « C’est la première fois que j’ai l’impression d’avoir trouvé ma place et que je peux dire que je suis chez moi en Turquie, même si je n’y suis pas née. Au fond, tous ces séjours à l’étranger ne sont peut être rien d’autre qu’un grand voyage intérieur vers un peu plus de connaissance de soi-même ».

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